AU PLUS FORT de la crise des blocs opératoires cet été, Xavier Bertrand avait commandé à l’Igas (1) et au Pr Henri Giudicelli, membre du Conseil national de la chirurgie (CNC), une évaluation de l’application de l’accord chirurgiens du 24 août 2004. Un geste en direction des chirurgiens libéraux qui dénoncent, d’une part, le niveau insuffisant, selon eux, des revalorisations obtenues depuis deux ans par rapport aux engagements (d’où le récent mot d’ordre de dépassements unilatéraux pour atteindre l’augmentation des tarifs promise) et, d’autre part, la promesse bafouée sur la création du secteur optionnel avec dépassements plafonnés.
Le rapport Igas définitif doit être remis au ministre de la Santé demain 14 septembre. Mais les conclusions de cette délicate expertise – qui a divisé ses propres auteurs – risquent de décevoir les chirurgiens en colère sur la question centrale du niveau exact de revalorisation acquise par les médecins de secteur I.
Les actes lourds ont été privilégiés.
Selon nos informations, le rapport juge que l’objectif d’une revalorisation de 25 % des actes chirurgicaux – compte tenu de la mise en place de la classification commune des actes médicaux (Ccam) et des forfaits modulables – a été globalement atteint pour les chirurgiens de secteur I, conformément aux engagements des pouvoirs publics (pour les chirurgiens de secteur II, la revalorisation moyenne effectivement acquise serait proche de 14 %). «La conclusion, c’est que le compte y est: sur une moyenne pondérée, on est même à 25,2% pour les secteurI», affirment plusieurs membres du CNC.
Néanmoins, le calcul qui permet d’aboutir à ce taux global proche de 25 % risque d’être aussitôt contesté au motif qu’il ne tiendrait pas suffisamment compte des interventions chirurgicales les plus couramment pratiquées. Jacques Domergue, président du CNC, député UMP de l’Hérault, analyse ce biais. «La Ccam technique a revalorisé davantage les actes lourds –chirurgie du foie, pancréas, chirurgie aortique...et pas ou peu les actes courants, explique-t-il. Si l’on analyse l’activité chirurgicale habituelle d’un chirurgien de base, à travers les dix ou quinze actes les plus fréquents, le compte n’y est pas, on atteint plutôt 18% d’augmentation...» Selon cette interprétation, les spécialistes concernés auraient donc raison de protester même si l’accord d’août 2004, modèle de rédaction ambiguë, n’a jamais promis une revalorisation de 25 % des revenus de chaque chirurgien quelle que soit son activité individuelle.
«Il faut quand même se rappeler de l’objectif de l’accord d’août 2004 qui était de sauver la chirurgie libérale et de la rendre attractive pour les jeunes, souligne Jacques Domergue. Pour y parvenir, il faut absolument que les actes courants de chaque spécialité aient une revalorisation plus importante. Si le rapport Igas consiste à dire “Circulez, il n’y a rien à voir”, ç’aura été un coup d’épée dans l’eau et la démotivation des chirurgiens sera encore plus forte.»
Le Dr Jean-Gabriel Brun (Uccmsf) reste, lui aussi, sur sa faim. «Même si on atteint les 25% de revalorisation pour le secteurI, cette augmentation aurait dû être acquise il y a deux ans et ce ne devait être qu’une étape. La chirurgie reste embourbée...»
Une solution pourrait être de définir un «menu» des dix actes les plus courants dans chaque spécialité chirurgicale et le niveau de revalorisation qui reste encore à atteindre.
Le Dr Jean-François Rey, président de l’Umespe (branche spécialiste de la Csmf), propose de son côté de mettre en place «une commission de maintenance de la Ccam» réunissant des experts des sociétés savantes pour analyser l’évolution des tarifs.
Cuq (Ucdf) : « Mauvaise foi ».
La balle revient dans le camp du ministre. Quelle conclusion tirera-t-il de ce rapport ? «Xavier Bertrand a compris que le compte n’y est pas si on examine l’activité moyenne d’un chirurgien de secteurI», croit savoir un membre du CNC. «Faux», répond un autre expert de la nomenclature chirurgicale, qui affirme que l’Igas a parfaitement tenu compte des actes les plus fréquents, spécialité par spécialité. Un dialogue de sourds qui risque de durer.
Le Dr Philippe Cuq, président de l’Ucdf, fer de lance du mouvement de contestation des chirurgiens, reste déterminé. «Nous attendons sereinement les conclusions de ce rapport point par point, précise-t-il. L’Igas va avoir du mal à défendre l’indéfendable, mais on va voir jusqu’où peut aller la mauvaise foi...»
(1) Inspection générale des affaires sociales.
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