Le film du cinéaste belge Joachim Lafosse « les Chevaliers blancs » se sert de l’histoire de l’Arche de Zoé comme « outil de fiction magnifique », un vrai thriller, avec des scènes de poursuites épiques dans le désert ; c’est « un film qui ne juge pas, mais donne à réfléchir », écrit Renée Carton dans « le Quotidien » (18 janvier). Mais qui a fait fondre en larmes un spectateur, le Dr Philippe Van Wilkenberg, le médecin qui avait participé à cette aventure financée par des familles en mal d’adoption, censée sauver la vie de 103 orphelins du Darfour.
Copié-collé de la réalité
« J’en suis sorti en état de choc, bouleversé », raconte le généraliste de Castellane qui, neuf ans après les faits, a revécu « jusque dans les détails les plus précis » les séquences de l’affaire où il s’était embarqué. « On nous avait annoncé une fiction s’inspirant librement de l’Arche de Zoé, reflétant les thèmes obsessionnels du réalisateur, mais, confie-t-il au « Quotidien », j’ai vu pendant près de deux heures un copié-collé de la réalité telle que je l’ai vécue, j’ai retrouvé la chronologie exacte des épisodes de l’aventure, jusque dans les détails les plus précis. En fait, ces Chevaliers blancs sont un énième reportage sur l’affaire, qui reproduit, avec un talent cinématographique indéniable et autour de Vincent Lindon et d’acteurs remarquables, tout ce qui s’est passé. »
Du moins tout ce qui s’est passé selon les médias, nuance le Dr Van Wilkenberg. Car Joachin Lafosse n’est pas Costa Gavras : « Le film n’aborde jamais les aspects souterrains qui font de l’affaire de l’Arche une affaire d’État, estime-t-il. Il montre bien comment les militaires français présents au Tchad interviennent pour sécuriser les campements de l’association et ses déplacements, ce qui atteste que Paris avait bien été informé de l’opération et lui apportait son soutien logistique, mais quand le vent tourne et que nous sommes arrêtés, rien n’est dit sur le contexte politique et les implications de Rama Yade, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères, ou de Nicolas Sarkozy. C’est cette enquête qui reste à faire et sur laquelle les Chevaliers blancs font l’impasse. »
Deux médecins
Moyennant quoi, le Dr Van Wilkenberg n’a pas à se plaindre sur le traitement de son personnage. « Le film montre deux médecins, le premier qui quitte l’opération après dix jours, le second qui l’accompagne jusqu’au dénouement ; c’est moi sans être moi, puisque le personnage est plus âgé et qu’il est censé avoir une expérience humanitaire que je n’ai jamais eue. Il est filmé au cours des examens qu’il pratique avec les enfants, dans les soins qu’il leur dispense, il fait le job médical sans arrière-pensée d’aucune sorte. De ce point de vue, je n’ai pas à rougir de ces images, alors que pour Éric Breteau, l’instigateur de l’opération, et sa compagne Émilie Lelouch, plus en retrait, le tableau est plus compliqué. »
Et ce qui a fait craquer le généraliste de Castellane neuf ans après, c’est de s’être revu au contact des enfants, tchadiens ou soudanais : « Un quart d’entre eux nécessitaient des prises en charge hospitalières et je crains que plusieurs n’aient pas survécu, tous les autres étaient dénutris. Que sont-ils devenus ? », s’interroge-t-il ?
Le film de Joachim Lafosse n’est pas le jugement de l’histoire, dit le médecin qui a choisi de ne pas faire appel après sa condamnation à un an de prison avec sursis pour tentative d’entrée illégale d’enfants et intermédiaire en adoption. « Au moins, se console-t-il, Lafosse ne nous donne pas en pâture comme des fous furieux partis faire une opération financière répugnante, ainsi que nous avions été présentés à l’époque. » Un film à conseiller aux médecins ? « Sans doute, lâche le Dr Van Wilkenberg, qui reconnaît avoir fait une bêtise. Allez-y pour voir comment, avec les meilleures intentions, vous risquez, comme moi, de vous retrouver embarqué dans un scénario qui vous échappe. »
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