C'EST AUJOURD'HUI que les responsables du Comité d'initiatives et de propositions (CIP) vont soumettre leur texte aux ministres François Fillon (Education) et François D'Aubert (Recherche). Les propositions des chercheurs, finalisées lors des Assises nationales des états généraux, à Grenoble (« le Quotidien » du 3 novembre), ont pour but de « poser les bases d'un nouveau pacte entre le monde de la recherche et la société française. L'ambition a été constamment de réfléchir à la place de la recherche pour l'intérêt général ». Les ministres, qui doivent préparer, pour le printemps prochain, une loi d'orientation et de programmation, pourront donc s'appuyer sur ce travail collectif et « représentatif de la communauté scientifique ».
Afin de s'assurer que tel en sera le cas, les chercheurs souhaitent d'ailleurs mettre en place un comité de suivi. « Nous avons mis dans ce document notre connaissance en profondeur des problèmes de la recherche, notre sueur aussi, notre énergie, nos compétences, la richesse de nos différences. Il faut que vous entendiez toutes ces voix », a indiqué le porte-parole du mouvement Sauvons la recherche, Alain Trautmann, à l'intention des dirigeants politiques venus participer aux Assises nationales.
Réunis depuis mars dernier en comité locaux, les chercheurs ont déjà relevé un pari important : celui de se rassembler. « La voie était étroite, entre l'éclatement dû aux divergences d'opinions et le compromis vide de toute substance qui nous aurait ridiculisés, a souligné Edouard Brézin, vice-président de l'Académie des sciences et rapporteur du texte de synthèse du CIP. Mais nous avons réussi. Ce texte identifie les difficultés de la recherche française et présente des initiatives et des propositions réalistes pour y porter remède. »
Réformes en profondeur.
Consultable sur Internet (cip-etats-generaux.apinc.org), le texte propose « un ensemble cohérent de réformes en profondeur au sujet des nombreuses questions qui limitent la qualité et la réactivité de notre système » : alléger la lourdeur des mécanismes de gestion, modifier le régime des dotations sur la base « d'une évaluation rigoureuse du projet scientifique », réformer le fonctionnement des universités et aménager une nouvelle dimension territoriale de la recherche, améliorer les conditions d'exercice des personnels de la recherche et notamment des enseignants-chercheurs.
Deux mesures sont considérées comme essentielles : l'augmentation des moyens financiers « pour garantir une recherche diversifiée et de qualité » et la mise en place d'un plan pluriannuel pour l'emploi scientifique « avec des carrières attractives ». Dans une lettre adressée aux parlementaires (lesquels examinaient, la semaine dernière, le budget 2005 de la recherche), les coprésidents du CIP, Etienne-Emile Baulieu et Edouard Brézin, se sont félicités de l'augmentation du budget, soit un milliard d'euros de financement public supplémentaire par rapport à 2004. Mais, ont-ils rappelé, « la priorité immédiate est de protéger l'avenir de notre recherche, et donc d'y attirer les jeunes qui ont les capacités requises. Or, les allocations proposées aux doctorants, proches du SMIC, alors qu'ils commencent leur thèse au niveau bac plus 5, sont totalement dissuasives par rapport aux autres possibilités offertes par ailleurs aux jeunes de formation comparable. » De plus, poursuivent-ils, « la création projetée de 150 postes dans l'enseignement supérieur au titre de 2005 est tout à fait insuffisante », surtout lorsque l'on tient compte « des départs à la retraite de plus de 50 % des enseignants-chercheurs dans les dix ans à venir ».
Un signal fort.
Les chercheurs, dont la révolte avait été déclenchée, il y a un an, par la suppression de postes statutaires, n'entendent pas baisser la garde : « Il faut donner un signal très fort pour l'avenir à tous ces jeunes parfaitement formés, qu'ils soient en France ou expatriés », préviennent les coprésidents du CIP.
Les chercheurs ne se contenteront pas non plus d'un financement en forme de saupoudrage : pour que l'effort de recherche atteigne 3 % de la richesse nationale en 2010 (objectif fixé au niveau européen), il faudrait une « augmentation régulière d'un milliard d'euros chaque année, au moins pour les cinq ans à venir », ont-ils calculé.
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