AVANT LE 9 MARS, date à laquelle les directeurs de labo ont menacé de démissionner, il était plus que temps de réagir. Toutefois, malgré les propositions « immédiates » annoncées par Claudie Haigneré la semaine dernière, le gouvernement ne semble pas avoir réussi à calmer la fronde historique des chercheurs.
Outre le déblocage des crédits 2002 (« le Quotidien » du 26 février), la ministre de la Recherche a annoncé que 120 postes statutaires supplémentaires de chercheur et d'ingénieur de recherche, actuellement gelés, seront ouverts au concours en 2004 au sein des organismes. Dès cette année, 4 000 allocations de recherche seront attribuées, soit 300 allocations supplémentaires par rapport à la loi de Finances 2004. Une revalorisation de 4 % des allocations de recherche, prévue au 1er octobre, sera avancée au 1er mai. Enfin, Claudie Haigneré a précisé que les 550 postes contractuels créés en 2004 pour remplacer 550 emplois fixes seront rémunérés à un niveau supérieur de 30 % à celui du premier échelon des emplois statutaires.
Une occasion ratée.
Pour Alain Trautmann, porte-parole du collectif Sauvons la recherche, « le gouvernement vient de rater une belle occasion de rétablir la confiance avec les chercheurs. Ces mesures sont dérisoires ». « On est très bien traités en paroles, mais au moment où il s'agit de prendre des décisions, les actes ne sont pas là », a-t-il ajouté.
La réponse gouvernementale, bien en deçà des exigences des chercheurs qui réclamaient principalement le rétablissement des 550 CDD en postes statutaires ainsi que la création de postes d'enseignant chercheur (aucun n'est en prévision), n'augure pas l'ouverture d'un plan Marshall de la recherche, comme le revendiquait le collectif.
Loin de faire les affaires médiatiques des chercheurs, un rapport d'expertise, publié en fin de semaine, sur le financement de la recherche publique, montre « qu'il y a eu une stabilisation des dépenses et que les laboratoires ont pu fonctionner avec un niveau correct », a expliqué Claudie Haigneré. « Mais cela n'empêche pas qu'il y a une forme de décrochage de notre recherche en France et en Europe, par rapport à un monde très compétitif, et notamment nos partenaires américains », concède-t-elle.
Selon les conclusions du rapport, les dépenses totales des organismes de recherche sont en progression de 17,8 % depuis 1997, avec une forte progression durant la période 2000-2002 (+ 14 %). Toutefois, les auteurs du rapport relèvent une sous-consommation des crédits dans les laboratoires, « qui conduit mécaniquement à la formation de reports de crédits importants ». Constatant l'importance de ces reports, le ministère de la Recherche « a procédé en 2002 au non-versement de la subvention des troisième et quatrième trimestres 2002 », notent les rapporteurs. Ces gels de crédits sont vivement dénoncés par les chercheurs en colère, qui estiment par ailleurs que l'importance excessive des fonds de roulement des laboratoires est due en grande partie au manque de visibilité financière des équipes.
« La sensibilité des chercheurs à la variation de cette dotation, qui contribue directement à la gestion quotidienne des laboratoires, a fait que ces évolutions heurtées ont été perçues, en dépit de la forte progression des dépenses réelles sur 2000-2002, comme porteuses d'une baisse durable de l'engagement de l'Etat », concluent les auteurs du rapport.
Eviter les à-coups.
Une loi d'orientation et de programmation, souhaitée par le président Jacques Chirac avant la fin de l'année, devrait permettre « d'éviter ces à-coups, qui ne sont pas le temps de la recherche », répond la ministre de la Recherche. Le gouvernement doit mettre en place rapidement un comité national pour l'avenir de la recherche. Ce comité, qui devrait être constitué de personnalités issues de la communauté scientifique, sera chargé notamment de la mise en place d'assises nationales, préalable à la loi d'orientation. Mais le porte-parole du collectif Sauvons la recherche a fait savoir que le mouvement organiserait ses propres états généraux de la recherche. L'articulation entre les états généraux et la loi d'orientation « aurait été plus facile s'ils avaient pu être organisés avec le ministère », a reconnu Alain Trautmann. Cependant, « les conditions qui nous sont faites actuellement sont telles que c'est impossible », a-t-il ajouté.
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