Il suffit d'une étincelle pour raviver le feu, tant les chercheurs sont à cran. La décision du président et du directeur général du CNRS, Gérard Mégie et Bernard Larrouturou, de reculer au 19 décembre le conseil d'administration de l'établissement faute d'avoir pu boucler le budget 2004 est durement ressentie par les syndicats de chercheurs.
Réunis symboliquement dans le hall du CNRS, les syndicats ont exposé leurs revendications, au matin d'une manifestation. « Si le CNRS était une entreprise, on pourrait estimer qu'il est en cessation de paiement, s'indigne Jacques Fossey, secrétaire général du SNCS-FSU. Le CNRS est asphyxié : nous réclamons au gouvernement les 172 millions d'euros de crédit de l'année 2002 qui n'ont toujours pas été versés. La situation est catastrophique pour le CNRS, elle l'est encore plus pour l'INSERM. » Les organisations syndicales appellent également à une manifestation demain, lors de la réunion du conseil d'administration de l'INSERM.
« La situation s'est considérablement dégradée en 2003, dénoncent-ils. Le gouvernement doit encore 24 millions d'euros à l'INSERM sur les crédits de 2002. Le nombre de postes de chercheur mis au concours pour le recrutement de chargés de recherche à l'INSERM, en 2004, représente moins de 50 % du nombre de postes mis au concours en 2003 (30 postes de chargés de recherche, contre 69). Cette mesure aggrave une situation de l'emploi déjà catastrophique pour les jeunes chercheurs et montre clairement que le gouvernement ne fait pas de la recherche, y compris de la recherche biomédicale, une de ses priorités. »
Fragilisation
Dans ces conditions, l'objectif annoncé par la ministre Claudie Haigneré de porter le montant de la dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD) à 3 % du PIB à l'horizon 2010 ne leur paraît plus crédible. « L'Etat veut piloter la recherche pour en faire une recherche appliquée, s'exclame Jacques Fossey. Il veut transformer des postes de titulaire en CDD et remplacer le système de gestion par financement des structures par un système de gestion par financement des projets, regrette-t-il. Tout est fait pour fragiliser la recherche fondamentale. »
Dans un article publié en mai dernier dans « le Monde diplomatique », Pierre Joliot, chercheur en biologie et professeur honoraire au Collège de France, rappelait qu'un « transfert efficace (des connaissances fondamentales vers les applications) suppose le mélange de deux cultures, qui ne se réalisera que par l'intégration, au sein des entreprises, de chercheurs disposant d'une réelle formation dans le domaine de la science fondamentale. La recherche publique remplirait alors pleinement l'une de ses missions essentielles : la formation à la recherche, assurant ainsi un débouché aux thésards qui ne désirent pas s'intégrer dans la recherche publique. Une telle politique améliorerait aussi la compétitivité des entreprises privées », ajoutait-il.
Mais l'incertitude des chercheurs n'est pas seulement franco-française. Alors que le financement de la recherche américaine, biologique et médicale, notamment, progresse au rythme de 20 à 25 % par an, que le Japon programme le doublement de son effort, les pays européens se désinvestissent de ce secteur.
Le mois dernier, Philippe Busquin, commissaire européen à la Recherche, déclarait que les chances de voir l'Union européenne atteindre ses propres objectifs de hausse des dépenses de recherche semblaient faibles.
Les chercheurs de l'Union européenne trouvent plus de postes aux Etats-Unis que chez eux, a fait savoir la Commission européenne dans un récent rapport. Selon ce texte, environ 75 % des ressortissants de l'Union européenne ayant obtenu un doctorat aux Etats-Unis dans les années 1990 disent ne pas envisager de revenir en Europe. « Les raisons les plus importantes expliquant que les scientifiques et les ingénieurs nés en Europe restent à l'étranger ont trait à la qualité de travail. Un éventail plus large de postes et d'activités et un meilleur accès aux technologies de pointe sont les raisons le plus souvent citées pour expliquer les projets de travailler à l'étranger », écrivent les auteurs du rapport.
Philippe Busquin a indiqué qu'il souhaitait collecter, auprès des gouvernements nationaux, des fonds destinés à la recherche fondamentale afin de créer des centres de recherche qui pourraient mieux soutenir la concurrence avec leurs homologues américains. Il a l'intention de présenter au début de 2004 des propositions détaillées à ce sujet.
L'Europe ne trouve pas de financement pour les cellules souches
Les négociations, menées par les ministres européens de la Recherche depuis plus d'un an, sur la question du financement de recherches sur les cellules souches issues d'embryons n'ont toujours pas abouti. Le commissaire européen à la Recherche, Philippe Busquin, entend soumettre, à compter du 1er janvier, l'approbation de financements « au cas par cas » à un comité rassemblant les experts des Etats membres.
Philippe Busquin avait proposé, l'an dernier, d'autoriser le financement, par les fonds du sixième programme-cadre européen pour la recherche, de travaux sur des cellules souches issues d'embryons conçus avant le 27 juillet 2002, date d'adoption du programme-cadre. Le programme-cadre, qui court sur la période 2003-2006, dispose d'un budget total de l'ordre de 17,5 milliards d'euros, dont 2,5 milliards dévolus au financement de projets dans les domaines de la médecine et des biotechnologies.
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