Les termes employés par les personnels de la recherche publique française traduisent leur profond désarroi : « Nous sommes à la mort », explique Jean Pailhous, le président de la Conférence des présidents de section du CNRS pour décrire la situation des chercheurs qui travaillent en laboratoire. « Tous les champs disciplinaires sont concernés par les restrictions budgétaires mettant en péril un domaine si décisif pour l'avenir du pays, sa compétitivité, son insertion européenne, souligne-t-il. 2003 est une année à marquer d'une pierre noire. »
Afin de réagir contre un budget de la Recherche en perte de vitesse, « un coup d'arrêt sans précédent », comme le qualifie Jean Pailhous, les présidents de section du CNRS ont décidé de convoquer une réunion extraordinaire, le 30 juin prochain, à la Maison de la chimie. D'autres organismes publics tels que l'INSERM, l'INRA (recherche agronomique), l'IRD (recherche et développement) doivent également y participer. Les 46 sections du CNRS ont notamment pour but d'évaluer l'activité des unités et des chercheurs et d'analyser la conjoncture et ses perspectives.
A combien la baisse des crédits publics de recherche se monte-t-elle ? Une baisse moyenne d'environ 30 %, soutiennent les chercheurs, tandis que le ministère dément. « La vérité des chiffres, je ne la connais pas, dit, pour couper court à la polémique, Francis-André Wolmann, président de la section 27 consacrée à la biologie végétale. Mais nous sommes les mieux placés pour savoir ce qui se passe dans la réalité des laboratoires. » Les chercheurs ne manquent pas d'exemples lorsqu'ils exposent les difficultés auxquelles ils sont confrontés : interruption de programmes déjà engagés, rupture de contrats pluriannuels, réduction du recrutement. L'interdisciplinarité, tant prônée par la direction du CNRS, est, selon les chercheurs, mise à mal. Les post-docs, employés à court terme, ne trouvent pas de débouchés en France. « Nous ne faisons que gérer le quotidien de nos laboratoires, regrette Francis-André Wolmann. Nous ne sommes plus à même de préparer les enjeux du futur : nous allons devenir les sous-traitants des pays qui, comme les Etats-Unis, développent le secteur de la recherche fondamentale. »
Restreinte principalement au CNRS, la grogne des chercheurs fait aujourd'hui tâche d'huile et s'étend à tous les organismes publics. Les personnels de recherche de l'Institut Cochin se réunissent cet après-midi au Panthéon pour l'enterrement symbolique de la recherche publique française. En matière de recherche, rappelle Jean Pailhous, les effets des baisses de crédit ne sont pas immédiatement visibles. Mais, faute d'une progression régulière du budget, les retards sont très difficiles à rattraper. « La recherche n'est pas une danseuse, insiste Jean Pailhous. Elle est indissociablement liée au développement d'un pays moderne. Pourquoi donc tondre le mouton de la recherche qui est déjà tondu? », s'interroge-t-il avec un reste d'humour.
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