En santé publique comme dans tous les domaines, il y a les sujets qui prêtent au consensus et ceux qui fâchent. Exemple des premiers, à l'ouverture de la réunion animée par le nouveau directeur général de la Santé, le Pr William Dab, flanqué de son état-major des dirigeants des agences sanitaires au grand complet, les cas de typhoïde en région parisienne, le mois dernier. Entre le 5 et le 20 octobre, cinq cas ont été signalés. Quatre d'entre eux semblaient liés à une sandwicherie parisienne. « Grâce à la coopération des médias, nous avons pu lancer l'alerte très vite. C'est l'illustration d'une collaboration efficace entre la presse et nous », s'est félicité le DGS.
A l'opposé, le dossier de la canicule a provoqué des tensions plus que vives entre les journalistes et les hiérarques de la santé publique. L'incident a éclaté à l'occasion de la présentation d'une plaquette destinée à informer les professionnels de santé sur la conduite à tenir en cas de catastrophe naturelle (voir encadré). Pas un mot dans ce document n'évoque en effet la plus cuisante et la plus récente de ces catastrophes, la canicule de l'été. « Une omission surréaliste », « un scandale », s'indignent des journalistes, citant le passage de la plaquette qui renvoie les professionnels de l'information, en cas de catastrophe, aux services de communication des préfectures : une provocation, jugent certains, après les événements de l'été et la gestion de crise de la préfecture de Paris. Le Pr Dab, dont c'est le baptême du feu médiatique, proteste qu'une « conférence de presse n'est pas une commission d'enquête parlementaire » ; mais il reconnaît qu'il n'est pas « prêt aujourd'hui à tirer les leçons de l'événement majeur de l'été, étant encore en phase d'analyse », les responsables devant effectivement au pays de « lui confronter leur retour d'expérience ». Cela ne saurait cependant arrêter les autres chantiers de la sécurité sanitaire, insiste le DGS.
La grippe et les professionnels de santé
Parmi eux, l'ouverture de la saison grippale représente « le risque le plus immédiat ». Avec une incidence hebdomadaire de 182 cas pour 100 000 habitants, soit un doublement du nombre de cas enregistrés en sept jours, la France a franchi la semaine dernière le seuil épidémique (121 pour 100 000) ; six régions sont plus particulièrement concernées : la Haute-Normandie (680 cas), la Lorraine (421), le Nord - Pas-de-Calais (396), la Bretagne (394), l'Aquitaine (322) et la Champagne-Ardennes (133). Les virus retrouvés par les deux centres nationaux de référence sont essentiellement de type A (proches de A/Panama/2007/99 H3N2), les mêmes que ceux qui avaient été isolés l'an dernier et qui correspondent à ceux utilisés dans la fabrication du vaccin actuellement commercialisé. « Il n'est pas trop tard pour se vacciner, rappelle le Pr Dab, le vaccin protégeant dès le dixième jour après l'inoculation ». Une recommandation que le DGS adresse à nouveau et de manière appuyée à l'ensemble des professionnels de santé, arguant des trois raisons qui la justifient : ils sont les plus exposés ; ils sont les plus contaminants lorsqu'ils travaillent dans des institutions où les pensionnaires sont vulnérables ; et en cas de survenue d'une épidémie massive qui clouerait au lit en une semaine entre 6 et 10 % de la population, ils se trouveraient eux-mêmes neutralisés et empêchés d'intervenir dans la même proportion. Aujourd'hui, seulement 15 % d'entre eux sont protégés par le vaccin. Une proportion qui devrait monter au moins à 50 %. La France cependant, à l'instar de l'ensemble de la communauté internationale, ne semble toujours pas disposée à rendre la vaccination obligatoire pour les professionnels de santé.
Autre infection à caractère saisonnier, le virus du Nil occidental est, au contraire, entré dans sa saison de mise en sommeil, les conditions climatiques automnales entraînant la réduction de la population des moustiques sur le territoire français, et en particulier la Camargue, la Corse et le Var, les départements où six cas humains ont été confirmés, un septième cas étant probable (trois ont présenté des formes neurologiques de malades, les quatre autres, un syndrome grippal). La surveillance renforcée prendra fin le 30 novembre, mais le dispositif de veille, tant médical que vétérinaire, sera réactivé au printemps prochain pour éviter que la situation ne connaisse « une évolution à l'américaine », selon le mot de Martin Hirsch, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).
L'aluminium en partie disculpé
Deux autres dossiers d'actualité ont été encore développés. L'évaluation des risques sanitaires liés à l'exposition de la population française à l'aluminium, fruit d'une collaboration au long cours (trois ans) de l'AFSSA, de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et de l'InVS (Institut de veille sanitaire) a fait l'objet d'un rapport détaillé sur l'ensemble des effets sanitaires possibles (physiologique, biochimique ou comportemental), de toutes les sources et voies d'exposition (eau, alimentation et produits de santé). Pour les aliments, l'apport moyen en France serait compris entre 2 et 2,8 mg/j, soit 4 % de la dose journalière admise par l'Organisation mondiale de la santé ; pour les eaux, 97,5 % des quantités d'eau de distribution publique ont une teneur maximale inférieure à 0,2 mg/litre. Pour les eaux embouteillées, une seule eau minérale a une teneur supérieure au maximum réglementaire de 0,2 mg/l.
En considérant une eau qui présente un teneur en aluminium de 5 mg/l, avec une consommation de 1,2 litre par jour, l'exposition atteindrait 6 mg par litre, soit le dixième de la dose journalière provisoire.
Au chapitre des produits de santé, les antiacides à base d'aluminium, prescrits en raison de leurs propriétés pharmacologiques, antiacides et/ou cicatrisantes, constituent « une source non négligeable » d'apport en aluminium.
En fonction des produits et de leur posologie, elle peut atteindre de 500 à 5 000 mg. Le rapport souligne toutefois que les différentes études d'AMM concluent à un niveau d'exposition qui reste « modéré ». Par exemple, avec une spécialité qui contient 123 mg par sachet, l'ingestion, à raison d'une prescription de deux à six sachets/jour s'élève entre 246 et 738 mg, soit une exposition directe du sang de l'ordre de 1,72 à 5,16 mg.
S'agissant des hémodialyses, l'aluminium peut provenir de l'eau utilisée, évaluée à 0,62 mg par séance, soit 1,87 mg par semaine (3 séances).
Le rapport conclut que « si certains effets liés àune exposition chronique à l'aluminium peuvent être considérés comme avérés (encéphalopathie, troubles psychomoteurs, atteinte du tissu osseux), il apparaît que, pour d'autres effets initialement suspectés comme la maladie d'Alzheimer, en l'état actuel des connaissances, une relation causale ne peut pas être raisonnablement envisagée.»
Le THS toujours à l'étude
Le dernier dossier abordé, celui du traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS), continue de faire l'objet d'investigations internationales, après l'étude américaine WHI publiée en juillet 2002, qui montrait que le THS n'apportait « aucun bénéfice en termes de prévention du risque cardio-vasculaire » et qu'il « augmentait le risque de survenue de cancer du sein et de thrombose veineuse».
« Les évidences basées sur cette étude ainsi que sur l'étude anglaise MWS d'août 2003 ne sauraient être niées, estime Philippe Duneton, le directeur général de l'AFSSAPS ; et il n'est pas possible de faire aujourd'hui comme si elles n'existaient pas ».
Mais de là à attribuer l'envolée du nombre de cas de cancer aux THS, il y a un pas que le directeur général de l'AFSSAPS se garde bien de franchir. Des résultats de travaux européens sont attendus à la fin du mois et pourraient, le cas échéant, entraîner de nouvelles recommandations.
Neurogel : pas de dérogation
Une association, Neurogel en marche, avait, le mois dernier (« le Quotidien » du 20 octobre), manifesté pour réclamer une dérogation pour l'accès et l'utilisation d'un produit, le Neurogel, qui est supposé permettre la neuro-induction et la neuro-conduction dans le traitement des traumatismes de la moelle épinière, grâce à la régénération tissulaire. Les manifestants n'auront pas gain de cause, annonce le directeur de l'AFSSAPS, car « ces produits ont été contaminés et ils ne sont plus stériles. » Pas question donc de les utiliser actuellement.
Conduite à tenir en cas de catastrophe
Tout professionnel de santé peut être confronté un jour à une situation d'accident collectif, d'attentat ou de catastrophe naturelle. Or la formation initiale n'y prépare pas les médecins. D'où l'intérêt de ce guide pratique rédigé par un groupe d'experts qui ont travaillé sous la présidence conjointe des Prs Geneviève Barrier, ancienne directrice du SAMU de Paris, et Frédéric Rouillon. « Les médecins doivent connaître des gestes simples et indispensables, rappelle celui-ci, comme l'exploration de l'oreille interne qui peut permettre un dépistage précoce de lésions auditives après un effet blast ; ou la rédaction de l'indispensable certificat médical initial, exigé pour ouvrir les procédures d'indemnisation. »
En cinquante pages rédigées sur un mode très concret, le guide passe en revue tous les stades de l'intervention du médecin lors d'une catastrophe, dès qu'elle se produit et plus tard, dans le moyen et le long terme.
Disponible sur le site www.sante.gouv.fr.
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