Les chances d'un vaccin anti-SIDA semblent meilleures

Publié le 02/09/2001
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De notre correspondant

G ODOT est un macaque âgé de quatre ans qui vit dans les profondeurs d'un laboratoire d'Emory University, près d'Atlanta en Géorgie, où le visiteur ne peut pénétrer qu'en prenant de multiples précautions.

Sept mois avant d'être infecté, Godot avait reçu un vaccin expérimental. Toute personne qui s'approche de lui doit porter des vêtements protecteurs des cheveux aux chevilles. Car si le macaque est alerte et apparemment en excellente santé, il demeure infecté par une dose massive d'un amalgame contenant du VIS et du VIH. La même approche expérimentale a été utilisée sur des singes à Harvard et aux Laboratoires Merck. Elle a donné les mêmes résultats.

Un essai sur l'homme

Les scientifiques se gardent bien de crier victoire. Ils ne savent pas si les résultats obtenus sur les macaques sont transposables à l'homme ; des expériences précédentes les ont beaucoup déçus ; et le vaccin ne fait pas disparaître le virus. Mais, pour la première fois, avec un recul de plusieurs mois, ils tiennent un vaccin qui maintient l'animal en vie au-delà du délai habituel.
Un essai sur l'homme a déjà commencé chez Merck et un autre commencera dans six mois à Harvard.
L'un des chercheurs, le Dr Harriet Robinson, souligne que, si elle est enfin optimiste, c'est parce que, dit-elle, « si ça marche pour le singe, cela devrait marcher pour l'homme, car nous ne sommes pas très différents des singes ». Beaucoup de ses confrères sont plus sceptiques : ils soulignent que l'expérience qui consiste à administrer une mégadose de virus à un singe de laboratoire n'a rien à voir avec la contamination sexuelle d'une femme par son amant, ou d'un drogué par une seringue infectée. Cependant, tous les chercheurs admettent que le VIS fonctionne chez le singe comme le VIH chez l'homme, en détruisant les cellules du système immunitaire. Et le Dr Norman Letvin, de Harvard, déclare que « tout à coup, nous avons le sentiment que nous disposons peut-être des instruments indispensables à la lutte contre l'épidémie de SIDA. Et dans tous les laboratoires de recherche spécialisés dans le VIH, on assiste à une course contre la montre : il s'agit de démontrer que les résultats obtenus sur le singe seront identiques chez l'être humain ».

Pas avant 2005

C'est-à-dire de prouver que la vaccination déclenche chez l'homme la même réponse immunitaire que chez le singe. On en parlera beaucoup lors d'une conférence sur la recherche vaccinale ce mois-ci aux Etats-Unis. Mais le Dr Robinson met en garde contre toute précipitation. Même si la recherche se poursuit sans anicroche, il n'y aura pas de vaccination expérimentale sur l'homme à grande échelle avant 2005. Il faut compter deux ans de plus pour s'assurer que l'action préventive du vaccin est réelle.
Le Dr Peggy Johnston, du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), est formelle : l'optimisme est néanmoins justifié d'ici à 2010. Au moins pour une raison ; c'est qu'autrefois, on recherchait un vaccin susceptible d'éliminer complètement l'infection, alors que, aujourd'hui, on se satisferait d'un vaccin qui, sans faire disparaître le virus de l'organisme, permettrait au patient de survivre, avec une bonne qualité de vie. En d'autres termes, on a adopté, au sujet du vaccin, la démarche qui, dans le domaine du traitement, a conduit aux antirétroviraux et aux trithérapies.
Pour la mise au point des nouveaux projets de vaccin anti-SIDA, les chercheurs se sont inspirés du cas de ces patients qui sont contaminés par le VIH mais peuvent passer huit ou dix ans sans que le SIDA ne se déclare. Les nouveaux candidats vaccins ont donc pour rôle de déclencher plus tôt la contre-attaque des killer cells (cellules tueuses) de façon à ce que moins de cellules helper (qui nourrissent les cellules tueuses) soient infectées.

Vaccins classiques

De cette manière, l'infection finit par se stabiliser à un stade qui n'est pas mortel. Le Dr Letvin espère que la vaccination non seulement sauvera des vies de patients mais réduira la contamination, puisque un patient ayant une charge virale moindre représente un danger moins grand pour son partenaire. Bien entendu, l'objectif ultime reste le vaccin qui immuniserait complètement l'organisme. Quant aux vaccins classiques déjà utilisés expérimentalement, ils en sont au terme de l'essai clinique. AIDSVax, produit par VAXGen, a été administré à 7 900 volontaires en Amérique du Nord, en Europe et en Thaïlande. Fabriqué à partir de l'enveloppe cellulaire du VIH, il est destiné à déclencher la production d'anticorps. Pour l'instant, les résultats - chez le singe et chez l'homme - ne sont pas convaincants. En outre, Aventis Pasteur poursuit ses propres recherches vaccinales et un vaccin du Walter Reed Army Institute va être testé sur 16 000 volontaires en Thaïlande l'été prochain.

Laurent SILBERT

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6958