De notre correspondante
« Après avoir été longtemps victimes de discrimination, les centres de santé retrouvent le droit commun », a constaté Daniel Le Scornet, président de la Fédération des Mutuelles de France (FMF). Les dernières lois de financement de la Sécurité sociale donnent aux médecins des centres de santé les mêmes droits que les médecins libéraux, avec possibilité, entre autres, de bénéficier des financements du fonds d'amélioration de la qualité des soins de ville (FAQSV), des dispositifs conventionnels de formation continue.
Par ailleurs, le projet de loi sur « les droits des malades et la qualité du système de santé » prévoit leur place dans les réseaux de soins et crée une instance nationale de concertation regroupant représentants de l'Etat, caisses d'assurance-maladie, gestionnaires et professionnels soignants des centres de santé pour réfléchir sur leurs projets innovants.
Les centres de santé semblent donc sortir de la marginalité. D'autant qu'un certain nombre de principes sur lesquels reposait leur fonctionnement sont repris par l'ensemble du système de santé : élargissement progressif du tiers payant, politique de réseaux de soins conjuguant prise en charge médicale et sociale, participation des professionnels de santé à la prévention hors colloque singulier (et hors paiement à l'acte), rôle pivot du généraliste. Autant d'évolutions qu'ont toujours réclamées médecins et gestionnaires des centres de santé et dont ils se félicitent. Mais les responsables des centres de santé doivent maintenant défricher d'autres terres. Un représentant de l'Union syndicale des médecins de centres de santé a précisé, lors du colloque, qu'il ne s'agit pas de « défendre coûte que coûte les centres en tant que tels, mais en tant que réponse cohérente aux besoins de santé ».
Les pistes d'avenir évoquées au cours du colloque de Marseille semblent être à la fois quantitatives et qualitatives : on compte en France près de 1 500 centres de santé (dont 300 gérés par la FMF, les autres étant gérés par la Mutualité française, par des municipalités ou des associations), mais ils ne représentent que 1 % de l'offre de soins nationale. Obstacles administratifs et difficultés économiques ont beaucoup freiné la création de nouveaux centres : des gestionnaires ont souligné la situation dramatique des centres de soins infirmiers et le coût de la médecine générale dans le budget des centres médicaux, du fait de leur part d'activité qui n'est pas prise en charge par le paiement à l'acte.
Un atout pour les jeunes médecins ?
Médecins et gestionnaires ont envisagé la place que pourraient occuper ces structures pour répondre à certains problèmes posés au système de santé ambulatoire : la démographie médicale, par exemple. Nombre de jeunes médecins refusent en effet de s'installer dans certaines zones rurales par crainte d'être isolés et de devenir taillables et corvéables à merci. Ces médecins pourraient bénéficier d'un mode d'exercice plus satisfaisant dans un centre de santé disposant d'un plateau technique où viendraient consulter régulièrement des spécialistes des villes les plus proches. Outre la prise en charge de la prévention et des soins, ces équipes pourraient également assumer les urgences, en s'ouvrant aux médecins libéraux qui le souhaiteraient.
Pour les participants au colloque de Marseille, cette réponse au problème de la permanence des soins paraît plus satisfaisante que celle des maisons médicales qui commencent à se créer dans certaines villes et où des praticiens libéraux viennent à certaines heures (la nuit, le week-end) consulter à tour de rôle afin d'assurer la permanence des soins, d'éviter des visites inutiles et de désengorger les services d'urgence des hôpitaux.
Ces structures ne sont pas assez bien équipées aux yeux des responsables des centres de santé. « Habitué à travailler avec des dossiers médicaux et un bon plateau technique, je n'ai aucune envie d'aller prendre un tour de garde dans un local équipé à minima », explique le Dr Gérard Israël, président de l'Union syndicale des médecins de centres de santé.
Pour le Dr Israël, « l'avenir des centres se trouve dans la coordination avec d'autres intervenants du tissu sanitaire, y compris libéraux ». Une analyse que ne conteste pas le Dr Pierre Costes, président de MG-France, qui participait au colloque de Marseille : « Il y a plein d'évolutions possibles devant nous, estime-il, car il y a actuellement unanimité des acteurs sociaux et de l'ensemble des professionnels de santé pour une réforme très forte. » Roland Cecchi-Tenerini, au nom du ministre de l'Emploi et de la Solidarité, est venu dire aux participants combien « les ambitions et les pratiques mutualistes devraient inspirer notre système de santé » et souhaiter que « la réorganisation de la médecine de ville, qui est à l'ordre du jour, se fasse en lien étroit avec les gestionnaires et les professionnels des centres de santé ».
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