De notre correspondante
Le sondage SOFRES présenté dès l'ouverture des assises de Marseille (« le Quotidien » d'hier) a montré que l'opinion de 98 % des malades sortant d'hospitalisation dans un centre de lutte contre le cancer est favorable, ce qui semble avoir agréablement étonné les médecins et les personnels de ces centres. « Cela signifie que l'on réussit encore à masquer les difficultés », constataient nombre d'entre eux.
Pas tout à fait cependant : selon le même sondage, les malades regrettent tout de même les listes d'attente et un manque d'informations, lié en partie à un manque de disponibilité. « Venez voir ma salle d'attente encore pleine à 7 heures du soir, dit cet urologue, et vous comprendrez que je ne peux passer deux heures à l'écoute des besoins de chacun, ni répondre à tous les appels des patients, de leur famille ou même de leur médecin traitant, tout en sachant que je devrais le faire : nous parons tous au plus pressé, nous différons de plusieurs mois les consultations et les interventions lorsqu'il n'y a pas urgence et déléguons une partie des relations que nous devrions assumer vers les infirmières... tant que nous en avons. »
D'où la suggestion formulée par certains d'élargir le champ d'activité des infirmières. Après une formation adéquate, elles pourraient notamment prendre en charge la « seconde consultation », celle qui suit l'annonce du diagnostic par le médecin. La première réaction est bien sûr : « Mais on manque déjà d'infirmières. » Et la seconde, la plus virulente : « Attention, car ce rôle d'information délégué à des infirmières (voire même, comme il en a été question dans les débats, à des "communicants" ou à des associations de malades), risque de ne pas être un plus mais de remplacer peu à peu l'indispensable colloque médecin-malade. »
Le Pr Yvon Berlan, nommé par le ministère de la Santé à la tête de la mission sur la démographie médicale, a confirmé leurs craintes en rappelant la chute générale des effectifs jusqu'en 2012, et plus particulièrement en oncologie médicale, radiodiagnostic et radiothérapie, du fait du vieillissement des médecins et de leur féminisation. La seule augmentation du numerus clausus, telle que l'a demandée la mission, ne suffit pas. Et elle doit présenter ces jours-ci au ministre un nouveau rapport proposant de déléguer aux infirmières des actes de soins primaires et des tâches concernant certains malades chroniques, « comme cela se fait dans d'autres pays ». Le Pr Berlan précise que ces partenaires « naturels » des médecins devront être dûment formés à leurs nouvelles fonctions et que le champ de leurs compétences devra être dûment défini.
Postes vacants
Une fois admis ce partage de compétences, il faudra quand même enrayer la chute démographique des infirmières et autres paramédicaux. Les centres anticancéreux, relativement épargnés jusqu'à présent grâce à une plus grande fidélisation de leurs salariés, n'échappent plus à ces difficultés : actuellement, 1 % des postes d'infirmières y sont déjà vacants et les prochains départs à la retraite risquent d'être difficiles à remplacer, comme l'a expliqué Roselyne Vasseur, directrice des soins à l'institut Curie. Pour enrayer ce processus, elle estime indispensable de faire de la promotion auprès du public et de revaloriser les professions de santé en général (avec notamment la création d'une filière universitaire). En ce qui concerne plus précisément la cancérologie, elle plaide pour la concertation et l'implication des professionnels dans les projets les concernant, leur formation, leur soutien psychologique et la préservation de la dimension relationnelle du soin, dans des structures à taille humaine.
Parallèlement à leurs inquiétudes en matière d'effectifs médicaux et paramédicaux, les médecins des centres de lutte contre le cancer nourrissent également quelques doutes quant à la matérialisation des promesses contenues dans le plan Hôpital 2007 et dans le Plan cancer. D'autant que les conséquences de la canicule leur font craindre un glissement des crédits vers les services de personnes âgées. Jean-François Mattei est venu les rassurer en partie (voir encadré), mais ils attendent maintenant que ces annonces se concrétisent.
416 millions pour la cancérologie
Clôturant les Assises des centres de lutte contre le cancer, le ministre de la Santé a annoncé des chiffres précis concernant la cancérologie : 416 millions d'euros répartis dans 31 opérations de construction ou de rénovation de locaux et 81 remises à niveau de parcs d'équipements techniques, réclamées par les cancérologues en matière de radiothérapie et d'imagerie notamment.
Jean-François Mattei les a également rassurés sur la place des centres de lutte contre le cancer dans le dispositif de soins. Reconnaissant qu'ils ont été les pionniers en matière d'approche globale du malade et de la maladie, avec « une vision transdisciplinaire de la prise en charge et du suivi du patient dans la durée », il attend de ces centres qu'ils soient « les moteurs du développement des réseaux de soins régionaux et des acteurs engagés dans la constitution des pôles hospitaliers de référence en cancérologie, avec les CHU et les principaux établissements publics ou privés ». Et le ministre de souligner : « C'est dans l'anticipation d'une organisation de soins mieux coordonnée, soucieuse de toutes les dimensions de la prise en charge du patient et porteuse permanente d'innovation que vous trouverez votre identité. »
Vingt centres anticancéreux
La Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, présidée par le Pr Dominique Maraninchi, regroupe les 20 centres régionaux de lutte contre le cancer répartis dans toute la France. Structures hospitalo-universitaires consacrées aux traitements des cancers, ils ont un statut d'établissement privé à but non lucratif. En 2002, près de 40 000 nouveaux cas de cancers y ont été pris en charge et 70 000 malades y ont été hospitalisés, représentant un quart des séjours hospitaliers liés au cancer dans les différentes structures du pays.
En nombre de patients hospitalisés, les principaux centres sont actuellement ceux de Marseille, Caen, Villejuif et Paris.
Alliance centres anticancéreux-CHU
Les médecins des centres de lutte contre le cancer réunis à Marseille ont beaucoup parlé de la nécessaire coopération avec d'autres structures telles que les CHU, à travers des conventions permettant un partage de moyens, comme cela se fait déjà dans plusieurs régions, ou sous la forme plus élaborée de groupements de coopération sanitaire tels que le ministère semble vouloir, à terme, les généraliser, et qui permettent aussi d'intégrer des libéraux. Les responsables des centres et ceux des CHU invités au débat ont souligné leur volonté de ménager une certaine « souplesse » à ces accords dans lesquels chacun entend garder sa pleine identité.
A l'occasion de ces assises, l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille et l'institut Paoli-Calmette ont signé une convention de partenariat constitutive d'un pôle de référence en oncologie pour l'ouest de la région PACA, afin de « mettre en synergie » leurs compétences humaines et techniques et orienter les patients vers le centre le plus adapté à leur pathologie.
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