AVEC I-STEM, c'est un formidable outil pour la recherche médicale en France qui vient d'être inauguré. L'Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques, une unité de recherche mixte* accueillie par Génopole à Evry, est dirigé par Marc Peschanski. Le laboratoire a pour objectif d'explorer les potentiels thérapeutiques des cellules souches embryonnaires et adultes dans les maladies d'origine génétique. Deux principales stratégies de recherche y sont développées : la mise au point d'une stratégie de thérapie cellulaire ainsi que l'élaboration et l'utilisation de lignées de cellules pathologiques dans l'identification de molécules destinées au traitement de maladies génétiques rares, délaissées par la recherche privée.
L'idée d'un laboratoire tel qu'I-Stem est née dans l'esprit de Marc Peschanski au moment de la dernière révision des lois de bioéthique, en 2004 : il allait enfin être possible d'étudier les cellules souches embryonnaires humaines en France, plus de six ans après leur identification. Pour que la recherche française puisse combler son retard, il était nécessaire de mettre en place une structure forte, riche en moyens humains et matériels. C'est la raison pour laquelle le chercheur a décidé de bâtir son projet en s'appuyant sur de nombreux partenariats, en particulier avec l'Association française contre les myopathies, l'Inserm et l'université d'Evry-Val-d'Essonne.
I-Stem inauguré par Valérie Pécresse, accompagnée ici de Marc Peschanski, directeur de Génopole(S. TOUBON/« LE QUOTIDIEN »)Une banque de lignées de cellules mutées.
Dès 2005, I-Stem, lui-même encore alors à l'état embryonnaire, a été le premier laboratoire français à recevoir l'autorisation de travailler sur des cellules souches embryonnaires humaines. En juin 2006, l'institut a reçu une seconde autorisation de l'Agence de la biomédecine, lui permettant de construire une banque de lignées de cellules mutées pouvant servir de modèles pour l'étude des maladies monogéniques.
Les lignées de cellules souches embryonnaires «normales» servent principalement à la mise au point de thérapies cellulaires. Le concept général de ces stratégies thérapeutiques est d'obtenir des cellules saines qui pourront être introduites dans l'organisme de malades afin d'y remplacer des cellules devenues non fonctionnelles en raison d'une maladie. Cela nécessite la mise au point de protocoles permettant de déclencher et de diriger la différenciation des cellules souches embryonnaires, puis d'optimiser le transfert des cellules obtenues dans l'organisme des malades.
Les équipes dirigées par Michel Pucéat et Christelle Monville étudient la différenciation cellulaire cardiaque et les méthodes de transfert qui permettront de traiter les cardiopathies d'origine ischémique ou génétique (en particulier les insuffisances cardiaques associées à la myopathie de Duchenne). Des résultats particulièrement encourageants ont d'ores et déjà été obtenus dans un modèle d'étude préclinique, par transfert de précurseurs cardiaques humains dans le myocarde lésé de rat (cf. « le Quotidien » n° 8186 du 15 juin 2007). La constitution d'une banque clinique de progéniteurs cardiaques humains est en projet.
Greffons de neurones striataux.
L'équipe d'Anselme Perrier s'attache, quant à elle, au développement de procédés conduisant à l'obtention de greffons de neurones striataux destinés à traiter la maladie de Huntington. La fonctionnalité de ces greffons devrait être évaluée très prochainement dans le modèle du singe.
D'autres équipes s'intéressent à des lignées de cellules souches mutées, obtenues à l'issue de protocoles de diagnostic préimplantatoire. Ces cellules constituent de très bons modèles d'étude pour comprendre les mécanismes des maladies génétiques. Deux lignées dérivées à l'étranger sont actuellement utilisées par les chercheurs d'I-Stem : l'une est porteuse de la mutation causale de la maladie de Huntington et l'autre de celle associée à la dystrophie myotonique de Steinert (étudiée par les équipes de Geneviève Piétu et de Cécile Martinat).
Par ailleurs, l'équipe de Sandrine Baghdoyan travaille à la production de nouvelles lignées cellulaires mutées, par modification génétique de lignées de cellules souches embryonnaires saines. Le but est d'obtenir des modèles d'étude pour des maladies génétiques rares, telle que la maladie de Clouston (ou dysplasie ectodermique hidrotique), une maladie génétique de l'épiderme affectant les kératinocytes et étudiée par l'équipe de Gilles Waksman.
Identification de molécules thérapeutiques.
En détectant des anomalies biologiques spécifiques à toutes ces lignées de cellules mutées, les chercheurs espèrent non seulement découvrir de nouveaux indices relatifs aux mécanismes des maladies, mais aussi mettre en évidence des anomalies biologiques spécifiques aux cellules mutées. Ces anomalies constituent des marqueurs qui pourraient permettre l'identification de molécules thérapeutiques. L'idée est simple : si une molécule fait disparaître les anomalies associées à une mutation, il est possible que son activité soit thérapeutique.
Pour tester de telles possibilités, les chercheurs d'I-Stem ont à leur disposition un robot très élaboré qui permet de réaliser des criblages à très haut débit des banques de molécules potentiellement thérapeutiques. Ce robot conçu sur mesure pour l'institut gère simultanément jusqu'à 40 000 expériences sans intervention humaine ! L'outil est classique en recherche industrielle, mais l'utilisation du criblage à haut débit dans une structure académique et dans le but d'identifier des traitements destinés aux maladies génétiques rares est une réelle innovation. Des marqueurs spécifiques des cellules souches embryonnaires porteuses des mutations associées à la maladie de Huntington et à la maladie de Steinert ont déjà été identifiés et les premières expériences de criblage à haut débit se fondant sur l'utilisation de ces marqueurs devraient démarrer d'ici à quelques mois.
* Unité Inserm/Université d'Evry-Val- d'Essonne/Association française contre les myopathies, U861. I-Stem a également reçu des financements du conseil régional d'Ile-de-France, du conseil général de l'Essonne, de l'Agence nationale de la recherche et de la Communauté européenne.
Embryonnaires ou adultes
Les cellules souches embryonnaires n'existent qu'au stade blastocyste du développement de l'embryon, c'est-à-dire entre 5,5 et 7,5 jours après la fécondation. Elles sont les seules cellules non pathogènes immortelles de notre organisme : elles peuvent se multiplier à l'infini, sans jamais se modifier ou vieillir. On parle de capacité d'autorenouvellement. Ces cellules ont, en outre, la faculté de se différencier en n'importe quel type de cellule constituant l'organisme. C'est la totipotence, un phénomène qui permet de fabriquer un être humain complet et complexe à partir des quelques cellules que contient l'embryon.
Les cellules souches adultes sont présentes dans notre organisme tout au long de la vie. Elles ont les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires, mais dans une moindre mesure : elles peuvent se diviser un très grand nombre de fois, mais finissent par entrer en sénescence et mourir. Elles peuvent se différencier en de multiples types cellulaires, mais ne peuvent pas conduire à la formation de toutes les cellules du corps humain.
Deux ans avant la révision de la loi bioéthique
Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a profité de sa présence à l'inauguration d'I-Stem et de l'unité Inserm/Ueve U829 pour s'exprimer sur la récente décision du Royaume-Uni d'autoriser la recherche sur des embryons homme-animal à des fins thérapeutiques. Elle souhaite que «l'Agence de la biomédecine se saisisse dès maintenant des questions d'éthique suscitées par la décision britannique». Des «questions qui ne se posent pas aujourd'hui à notre pays, a-t-elle précisé, mais qui pourraient émerger dans le cadre de la révision prévue en 2009 de la loi sur la bioéthique».
La ministre a ajouté que Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, lui a confirmé que des états généraux de la bioéthique se tiendraient d'ici à 2009. Ils seront l'occasion de faire le point sur ce problème précis et sur tous les aspects de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Pour mémoire, la loi de bioéthique de 2004 prévoit que la recherche sur l'embryon est par principe interdite en France. A titre dérogatoire et pour cinq ans, elle permet cependant la réalisation de recherches à finalité thérapeutique dans des conditions extrêmement contrôlées. Les chercheurs ayant reçu une autorisation de l'agence de la biomédecine peuvent travailler à partir d'embryons surnuméraires conçus dans le cadre d'une fécondation invitro et qui ne font plus partie d'un projet parental. Les parents doivent explicitement choisir de céder lesdits embryons à la recherche.
Microtubules et diamants
Au Genopole, on ne s'intéresse pas qu'au séquençage des génomes et aux cellules souches : un laboratoire*, dont les projets se rapportent à l'étude de la structure et aux fonctions du cytosquelette, y a, en effet, été inauguré conjointement à l'I-Stem.
Dirigé par Patrick Curmi, ce laboratoire, baptisé « Structure et activité des biomolécules normales et pathologiques », est le fruit d'un partenariat entre l'Inserm, l'université d'Evry-Val-d'Essonne. On y étudie les anomalies du squelette cellulaire impliquées dans des maladies telles que le cancer, certaines maladies neurologiques ou encore certaines maladies du développement.
En collaboration avec la société Bioquanta et selon une approche insilico (i.e. par modélisation informatique), on y développe des candidats médicaments destinés à traiter ces affections.
L'équipe de Patrick Curmi est par ailleurs impliquée dans un projet de recherche européen, « Nano4Drugs », dont l'objectif est d‘utiliser des nanoparticules de diamant pour transporter des molécules au coeur des cellules. Ces précieux vecteurs devraient faciliter l'administration de peptides thérapeutiques qu'il est pour l'instant pratiquement impossible de faire entrer dans les cellules malades.
Le diamant présente l'avantage d'être une matière assez inerte et bien tolérée par les cellules. De plus, son irradiation électronique induit une fluorescence stable qui permet de suivre les nanoparticules dans les cellules, une propriété très utile à la mise au point des stratégies thérapeutiques.
* Unité Inserm/Ueve U829.
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