« I L a longtemps été admis que lorsque le cœur est endommagé, comme après un infarctus du myocarde, les cellules du muscle cardiaque ne se régénèrent pas et le dégât est permanent. Cette hypothèse a été remise en question ces dernières années. Une étude apporte la démonstration, la plus claire à ce jour, d'une régénérescence des cellules cardiaques après une lésion du cœur », explique dans un communiqué le Dr Claude Lenfant, directeur du National Heart, Lung and Blood Institute (NIH). « Grâce à cette étude qui fait date, nous avons une meilleure compréhension du cœur, qui ouvre des perspectives sur la possibilité de réparer la lésion myocardique après une crise cardiaque », ajoute-t-il. Le Dr David Finkelstein, directeur du National Institute on Aging, observe, quant à lui, que « ce résultat, s'il est confirmé, pourrait commencer à éclaircir comment les cœurs répondent aux agressions normales du vieillissement par des mécanismes de réparation jusqu'ici non détectés ».
Dans cette nouvelle étude, Anversa (New York Medical College, Valhalla, New York) et coll. ont étudié les myocytes de cœurs de 13 patients décédés de quatre à douze jours après un infarctus. Ils ont pris pour témoins des cœurs normaux de 10 sujets décédés d'autres causes que cardiaques.
Les investigateurs ont examiné au microscope confocal des échantillons pris en bordure de l'infarctus, ainsi qu'à distance et ont mesuré le nombre de myocytes en mitose. Pour cela, ils ont eu recours à des techniques de coloration. Ils ont marqué par un anticorps vert fluorescent la protéine nucléaire Ki67, un indicateur de division cellulaire, et par un anticorps rouge fluorescent l'actine alpha-sarcomérique, un indicateur spécifique du cardiomyocyte.
Les chercheurs ont ainsi observé que dans les cœurs infarcis, 4 % des myocytes expriment la protéine Ki67 en bordure de l'infarctus, et qu'à distance, 1 % des myocytes l'expriment. En comparaison avec les myocytes des cœurs normaux, le nombre de cellules positives pour la Ki67 dans les cœurs infarcis est 84 fois plus élevé dans les échantillons en bordure d'infarctus et 28 fois plus élevé à distance de la lésion.
D'autres signes de division mitotique
Ils ont aussi observé d'autres signes de division mitotique : comme les fuseaux mitotiques colorés par un anticorps bleu fluorescent et la formation d'anneaux contractiles par l'accumulation d'actine. En comparaison avec les cœurs normaux, le nombre de cardiomyocytes avec des signes visibles de mitose est, là encore, 70 fois plus élevé en bordure de l'infarctus, et 24 fois plus élevé à distance.
Reste à savoir quelle est l'origine de ces myocytes qui entrent en division cellulaire. Ces cellules viennent-elles d'une sous-population de myocytes, qui conservent la capacité de se diviser, ou de cellules souches cardiaques ? « Si nous pouvons prouver l'existence de cellules souches cardiaques et faire migrer ces cellules vers la région infarcie, nous pourrions en théorie améliorer la réparation du muscle cardiaque endommagé et réduire l'insuffisance cardiaque », observe le Dr Anversa, dans un communiqué.
« Le degré de prolifération des cardiomyocytes observé dans cette étude pourrait être suffisant pour réparer des lésions infracliniques après blocage de petits capillaires », selon le Dr Nadia Rosenthal (Massachusetts General Hospital, Charlestown, Massachusetts), auteur d'un éditorial. Mais pour faire face à la nécrose massive provoquée par une crise cardiaque, le cœur a besoin d'aide, ajoute-t-elle.
Des expériences chez l'animal suscitent l'espoir de pouvoir améliorer la réparation du cœur. La même équipe a récemment signalé que des cellules souches de moelle osseuse de souris adultes, après injection dans le cœur endommagé d'autres souris, se différencient en cardiomyocytes, cellules endothéliales et cellules musculaires lisses, et restaurent partiellement la fonction cardiaque (« Nature » et « le Quotidien » du 2 avril 2001). Un autre groupe a montré qu'une sous-population de cellules souches de moelle osseuse humaine, injectée en I.V. chez des rats athymiques avec un infarctus, migrent vers la zone infarcie, se différencient en vaisseaux sanguins et induisent la revascularisation du myocarde, ce qui améliore le remodelage et la fonction cardiaque (« Nature Medicine » et « le Quotidien » du 2 avril 2001). Cet espoir doit toutefois être tempéré, conclut le Dr Rosenthal, par les obstacles considérables qui demeurent devant nous.
« New England Journal of Medicine », 7 juin 2001, pp. 1750 et 1785.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature