En dépit des avancées thérapeutiques, les candidoses vaginales demeurent un problème universel affectant toutes les couches de la société.
Les mécanismes qui sous-tendent les défenses de l'hôte contre les Candida demeurent encore mal compris malgré une bien meilleure connaissance des facteurs de risque. Un test rapide et peu onéreux de confirmation du diagnostic fait également défaut. Le traitement bien qu'ayant fait des progrès continue à poser des problèmes, surtout chez certaines femmes souffrant de rechutes multiples et parfois très rapprochées.
ÉPIDÉMIOLOGIE
L'infection causée par Candida spp affecte 70 à 75 % des femmes au moins une fois dans leur vie, le plus souvent pendant les années reproductives. Et 40 à 50 % des femmes feront une ou plusieurs rechutes. 5 à 8 % des femmes adultes souffriront de candidose vaginale récidivante définie comme quatre épisodes ou davantage chaque année.
Selon les auteurs, 30 % ou seulement de 15 à 30 % de femmes qui se plaignent de symptômes de vaginite étaient atteintes de vaginite mycosique. En même temps, environ 20 % des femmes asymptomatiques étaient porteuses de Candida dans leur vagin.
Comme toujours les auteurs américains chiffrent les pertes financières occasionnées par cette affection : tests diagnostiques, traitements et perte de productivité. Elle coûterait 1 milliard de dollars par an aux États-Unis. En outre, entre 1980 et 1990, le nombre de prescriptions a presque doublé atteignant 13 millions en 1990.
MICROBIOLOGIE
Parmi les épisodes de vaginites mycosiques, entre 85 et 95 % sont dues au Candida albicans. Parmi les autres le C. glabrata affecte de 10 à 20 % des femmes. C. krusei, C. tropicalis et C. parapsilopsis sont plus rarement en cause. La distinction clinique n'est pas possible mais le C. glabrata est plus résistant et souvent à l'origine de formes récurrentes. On ne sait pourquoi certaines femmes présentent au spéculum des grumeaux épars typiques de candidose et ne se plaignent d'aucun trouble. De multiples travaux de biologie sont publiés chaque année et il n'entre pas dans les objectifs de cet article de les analyser, du fait surtout de leur complexité. On admet cependant que des transformations de l'écosystème vaginal sont nécessaires pour que la forme commensale devienne pathogène. Le mycogramme ne fournit pas d'informations fiables prédisant les résultats cliniques d'une molécule par rapport aux autres.
LES CONDITIONS FAVORISANTES
›La grossesse. Non seulement elle favorise le développement des mycoses mais encore elle rend les traitements moins efficaces et les récidives plus fréquentes, probablement par l'augmentation de la concentration de glycogène dans les tissus vaginaux.
› Les contraceptifs hormonaux. On a d'abord publié que les contraceptifs oraux à forte composante ?strogénique étaient un facteur de candidose vaginale. Actuellement, avec les formes minidosées, les études sont contradictoires. Il en est de même pour les porteuses de stérilet.
›Le diabète sucré. Les femmes souffrant de diabète sont plus souvent que les non-diabétiques affectées par les candidoses génitales. On retrouve fréquemment chez elles du C. glabrata et il semble acquis qu'un régime pauvre en sucre diminue chez ces patientes la fréquence des récidives.
› La carence en fer.
› Le comportement sexuel. Étrangement, les relations oro-sexuelles sont fréquemment rencontrées, dues à une colonisation bucco-pharyngienne masculine.
CLINIQUE
Comme aucun étudiant en gynécologie ne l'ignore, le principal trouble provoqué par les mycoses génitales est le prurit vulvo-vaginal. On a beaucoup discuté sur la nature externe ou interne de ce prurit sans que cela ait beaucoup d'intérêt. Ce prurit est constant, diurne et nocturne, rendant les rapports sexuels insupportables. Certaines patientes, mais elles sont plus rares, se plaignent également de brûlures vulvaires. Les troubles sont souvent exacerbés à l'approche des règles. Lorsque leur conjoint souffre également de prurit pénien le diagnostic est pratiquement fait. Les patientes qui ont déjà été atteintes de mycose confirmée font également souvent leur diagnostic mais parfois à tort !
› L'examen de la vulve montre deux signes fondamentaux : outre la présence de sécrétions blanchâtres, les petites et grandes lèvres, parfois oedémaciées, sont d'une rougeur anormale ; ces rougeurs s'étendent parfois à la région péri-anale. Le deuxième signe est la présence de fissures généralement entre les grandes et petites lèvres qui expliquent l'intensité du prurit.
En l'absence de ces deux signes le diagnostic de mycoses doit être réservé.
› L'odeur des pertes vaginales est rarement gênante. Au spéculum, on constate une intégrité du col et la rougeur des parois vaginales. Ces pertes sont très variables. Elles peuvent être aqueuses ou très épaisses, néanmoins la formation de grumeaux blancs évoquant le yaourt est caractéristique. Il est important de prélever celui ou ceux que l'on aperçoit sur la vulve avant l'introduction du spéculum (ou qui sont présentes dans le vagin), pour les soumettre, sous microscope, dans une goutte de sérum physiologique, à une recherche des filaments mycéliens. Rappelons que le pH est normal : 4 à 4,5 dans les mycoses à l'inverse des vaginoses bactériennes où il est au-dessus de 4,7.
DIAGNOSTIC
Bien que le prurit soit le signe majeur de la mycose vaginale, celle-ci ne représente que 38 à 50 % des étiologies de ce trouble. L'observation, qui exige parfois quelques bonnes minutes – principalement à la périphérie des grumeaux, de filaments présentant des intersections régulières, et sur lesquels se greffent quelques spores – est le meilleur moyen de poser un diagnostic de certitude. Éventuellement, si le tableau est évocateur et que le médecin ne dispose pas d’un microscope, la culture en laboratoire sur milieu de Saboureau, de Nickerson ou milieu Microstix candida en apportera la preuve. Il est, en effet, indispensable que le diagnostic soit confirmé au moins lors de la première poussée avant la prescription d’un antifungique.
› Il est fortement recommandé, devant un pareil tableau, tant dans un but diagnostique que dans l'intention d'éviter les récidives, de chercher une probable cause à cette vaginite aiguë. Outre la recherche des trois facteurs de risque cités, des questions simples, mais indispensables sont à poser:
– Avez-vous pris (ou votre partenaire) des antibiotiques ou des corticoïdes (quelle que soit la voie) dans la quinzaine qui précède ?
– Votre partenaire s'est-il plaint de prurit ? A-t-il des rougeurs du pénis ? La transmission sexuelle bien que non fréquente est une possibilité reconnue, la présence de Candida étant observé plus communément chez les hommes non circoncis que chez les autres.
– Avez-vous gardé pendant quelques heures un maillot mouillé en sortant de la piscine ou d’un bain de mer ?
– Avez-vous porté des pantalons serrés qui auraient pu favoriser une mycose en raison de macération génitale (fréquente chez la femme obèse)?
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
– C'est, avant tout, l'herpès facilement reconnaissable cliniquement ou le développement de condylomes vulvaires parfois difficiles à affirmer ; les vaginites à Trichomonas et bactériennes ; mais, ce sont surtout les lésions de grattage et les allergies. Les Prs Hewitt et Netter ont insisté sur le rôle possible dans ces cas des changements de savon ou de lessive, des protège-slips, des teintures de cheveux, des vernis à ongles, des shampoings d'usage récent et de l'état psychique des patientes qui se grattent surtout la nuit et le plus souvent en une région précise de la vulve ou du périnée. Ces causes sont à rechercher attentivement en l'absence de filaments.
À ce propos, il serait souhaitable que les pharmaciens ne s'autorisent à conseiller un antimycosique à des clientes venant se plaindre de prurit que si celles-ci ont déjà eu un épisode de mycose
confirmée. Sans quoi la mise en place d'ovule d'azolé ne peut que rendre plus difficile un diagnostic étiologique.
LE TRAITEMENT
Il est dominé par la crainte de méconnaître un facteur de risque mais également par la notion indéniable d'une grande efficacité des traitements brefs. D'où l'importance de l'interrogatoire à la recherche d'un facteur causal et de la prise en compte des antécédents de mycose, a fortiori si elle était répétée. Il n'y a aucun traitement passe-partout et c'est la responsabilité du médecin de personnaliser son ordonnance. Le traitement sera donc très différent en cas de vaginite aiguë isolée ou de vaginite récidivante.
La vaginite aiguë d'intensité modérée
La mise en place d'un ovule d'un dérivé azolé est le plus fréquemment conseillée. Il semble que les molécules proposées aient dans leur ensemble à peu près la même efficacité. Il est habituel d'associer, surtout en cas de vulvite marquée, deux applications de crème/j pendant 7 jours. Les effets indésirables sont peu fréquents en dehors d'une éventuelle exacerbation durant les 2 jours qui suivent. Le choix est difficile en raison de la grande efficacité de tous les azolés. Il peut s'agir à titre d'exemple (liste non exhaustive) de :
– clotrimazole (Mycohydralin® 200, cp vaginal et crème) 1 cp x 3/j ;
– econazole (Gynopévaryl® ovule LEP 150 et crème Pévaryl®). Un seul ovule ;
– fenticonazole (Lomexin® ovules [600 mg» et crème) id. (CI premiers mois de la grossesse) ;
– miconazole (Gynodaktarin® 1 200) et crème. Un seul ovule ;
– sertaconazole (Monazol® 300 ovule et crème) id. Un seul ovule. Selon Croxtall et Plosker (3) la réponse à cette molécule serait plus rapide et avec un taux plus fort de guérison qu'avec une dose triple d'econazole ;
– omoconazole (fongarex 900 ovule et crème fongamil) id. (CI premiers mois de la grossesse) ;
– tioconazole (Gynotrozyd® 300). Un seul ovule ;
– la ciclopiroxolamine n'est pas un azolé, mais, sous forme de crème (Mycoster®) avec deux applications quotidiennes, elle s'est révélée un adjuvant utile en même temps que l’ovule. Toutes ces crèmes sont associées ou non aux ovules pendant 7 ou 14 jours selon la présence ou l’intensité de la vulvite. Elles peuvent ou doivent (selon les cas) être prescrites au partenaire.
› Cependant si la vaginite est sévère ou si persistent des signes cliniques même modestes la mise en place d'un deuxième ovule soit le matin suivant, soit sept jours plus tard quel que soit l’azolé – voire avant – ou même de trois pendant une plus longue durée est justifiée.
La voie orale n'est pas à écarter et Sobel et col ont montré qu'un comprimé de fluconazole unique avait eu des effets identiques à 7 jours de clotrimazole vaginal.
En même temps les conseils classiques sont proposés ou rappelés : port de sous-vêtements en coton, évitement des tampons et des douches vaginales, choix d'un savon neutre ou alcalin, pas d'utilisation de préservatifs dans les jours suivant l'application de l'ovule.
Vaginite récidivante
Lorsque la patiente a fait état de quatre épisodes ou plus dans l’année, on doit agir très fortement. C'est dans ces cas que les molécules actives par voie orale sont employées malgré la plus grande fréquence des effets indésirables. Plus les poussées ont été fréquentes et plus actif et prolongé devra être le traitement. Et, surtout, plus les conseils d'hygiène et le traitement du conjoint doivent faire l'objet de l'insistance du médecin.
Il convient d'abord de préciser par culture la souche de Candida car la moitié des souches de
C. glabrata isolées lors des récidives, avaient une sensibilité diminuée au fluconazole de même que C. krusei.
Le traitement conseillé est alors de prolonger pendant 15 jours l'application d'ovules ou l'absorption de 150 mg de fluconazole une fois/semaine (ou moins souvent) pendant de nombreuses semaines en sachant que malgré tout les rechutes dans les trois mois après arrêt du traitement ne seront pas rares. Les auteurs allemands vont jusqu'à la prescription de 800 mg/j pendant 2 à 3 semaines. Les Centers for Disease Control conseillent des traitements de 6 mois. Le clotrimazole 400 mg avant les règles ou une fois/semaine est également suggéré de même que la prise vers le 20e jour du cycle d’un comprimé de fluconazole.
Dans ces cas, certains insistent sur l'intérêt du traitement du réservoir intestinal par la nystatine solution buvable 10 à 40 ml/j ou l'amphotéricine B (6 gélules/j pendant 15 à 20 jours).
L'acide borique 300 à 600 mg en capsules de gélatine 1 fois/j pendant 14 jours a été très étudié, en particulier chez les femmes diabétiques et en raison de leur faible coût. Certains le contre-indiquent pendant la grossesse. Il provoque parfois (<10% des cas), des écoulements et un érythème vaginal. L'irritation est moindre avec 300 mg. Ses effets seraient supérieurs à ceux du fluconazole en cas de glabrata et en traitement de 3 mois chez la diabétique.
La flucytosine est également souvent citée mais elle provoquerait des résistances.
EFFETS À LONG TERME DES MYCOSES RÉCIDIVANTES
Dans l'ensemble, la lecture de nombreuses revues générales démontre, dans les cas de vaginites récidivantes, l'absence de vrai consensus avec un degré variable de puissance du traitement conseillé. Or il n'est pas douteux que, au moins chez certaines femmes, les répercussions sur la vie sexuelle et même l'état mental de ces récidives à la fois inattendues et fréquentes, soient sérieuses et qu'une sécheresse vaginale en partie psychogène ne s'en suive parfois.
Les ovules à base d'acide hyaluronique, associés à un traitement d'entretien antimycosique pourraient aider à un retour à la normale surtout lorsque le médecin sait faire preuve d'empathie.
Nous n'aborderons pas les cas très spéciaux des mycoses résistantes de femmes HIV positives.
EN CONCLUSION
Un symposium international de la Royal Society of Medicine s'est tenu à Londres en 1976 (8).
Tous les conférenciers ne proposaient pas les mêmes conseils thérapeutiques. Depuis 35 ans le nombre de molécules actives s'est accru, les règles d'hygiène sont mieux définies, mais il ne semble pas que
la fréquence des formes récidivantes se soit nettement réduite. La personnalisation des traitements qui exige beaucoup de temps et leur prolongation qui nécessite une surveillance attentive semblent les méthodes les plus efficaces.
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