TOUTE CAMPAGNE est une sorte de cirque, avec les excès propres au cirque : plus c'est gros, et plus on rit. On peut dire que ni M. Sarkozy, ni Mme Royal, ni M. Bayrou, n'ont échappé, à un moment ou à un autre, à la tentation de la démagogie.
Un exemple : la surenchère du candidat centriste au sujet de la « VIe République », thème soulevé naguère par Arnaud Montebourg, exposé avec délices par Mme Royal, et que François Bayrou a repris en prônant une proportionnelle élargie. C'est en effet un moyen pour M. Bayrou de fonder un nouveau parti et d'asseoir son éventuel mandat présidentiel sur une représentation à l'Assemblée. Pour les socialistes, en revanche, le changement de Constitution aurait pour objectif d'accroître les pouvoirs du Parlement. On peut donc parler de la même chose pour faire quelque chose de différent. Mais le débat est-il utile ? La France a-t-elle besoin, en priorité, de changer de République ou de créer des emplois ? Les candidats ne sont jamais à court de nouvelles idées. Il est curieux que ces idées ne s'appliquent pas aux premières préoccupations des Français, comme l'emploi et le pouvoir d'achat.
Comme aux courses.
Dans l'atmosphère des meetings, on décèle pourtant plus d'enthousiasme que de frustration. Une échéance électorale importante comme celle-ci présente inévitablement un aspect ludique : le peuple se moque un peu des candidats, fait des paris, s'amuse d'un mot ou d'une querelle, n'est pas mécontent de les renvoyer tous à leurs ambitions, à leur appétit de pouvoir, à leur feinte humilité, à l'immense mansuétude qu'ils lui témoignent mais qui, même si l'on se refuse à tomber dans le cynisme, se mesure en pourcentages.
Bref, on choisit aussi son candidat comme on choisit son cheval aux courses ou son équipe au foot : c'est en prenant parti qu'on va éprouver une passion intense.
Il est néanmoins souhaitable que les candidats échappent à ce climat de vacances. Bien que la notion de publicité négative soit répandue, il n'est de l'intérêt de personne d'attaquer l'adversaire, surtout s'il s'agit d'une attaque personnelle : M. Sarkozy s'est moqué de M. Bayrou et de son tracteur, ce qui a conduit le président de l'UDF à clamer qu'il était fier de n'être pas un fils de famille riche. La raillerie et la riposte étaient également regrettables, car le sujet ne présente aucun intérêt.
Posture. Et qu'on nous épargne le coup des origines, qui ne vaut pas mieux que le montant de l'ISF payé par ceux qui briguent la magistrature suprême : on s'en moque. Ils peuvent bien payer l'ISF s'ils créent un million d'emplois en deux ans ou s'ils réduisent, en trois, la dette de 100 milliards.
BAYROU NE SERAIT PAS LE PRODIGE ELECTORAL QUE L'ON CROYAIT
On se permettra ici d'adresser – de façon très oecuménique – un conseil à chaque candidat. A Ségolène Royal, nous suggérons de ramasser un peu ses propositions, de les simplifier et de les mettre au service d'une synthèse programmatique. Elle parcourt trop de domaines et, surtout, elle a pris le parti, sur chaque sujet d'actualité, de proposer le contraire absolu de ce que fait la majorité actuelle, ce qui est un peu systématique et conduit, là encore, à une posture démagogique. Mme Royal, à un mois du scrutin, bien qu'elle remonte dans les sondages, se situe à un niveau où elle reste très vulnérable aux assauts de M. Bayrou.
Une contradiction grave, qui peut lui être fatale, réside dans ses relations avec le PS : successivement, elle a ramené vers elle tous les éléphants ; puis, elle a dit qu'elle était libre de l'influence du PS ; puis, elle va à un meeting pour dire qu'elle sait ce qu'elle doit aux militants. Nous continuons à croire qu'elle doit s'affranchir de toutes les influences ; si c'est pour nous servir le repas tiède des éléphants, franchement, où est le changement ?
Nicolas Sarkozy, lui, n'aura ni bénéficié ni souffert du soutien contraint que lui a apporté le président de la République ; comme il est bien élevé malgré tout, il a remercié M. Chirac : au moins le risque de dissidence à l'UMP, qui n'était pas bien grand, a-t-il disparu. Mais ce n'est pas avec ce soutien qu'il remportera l'élection présidentielle : il doit à la fois se montrer plus calme, plus drôle, plus sûr de lui et faire des propositions solennelles, importantes, sur les sujets « sérieux », comme le chômage, la fiscalité et la croissance. De M. Sarkozy, on perçoit en ce moment davantage la nervosité que les idées. Or il est menacé, lui aussi, par M. Bayrou et il lui appartient d'écarter cette menace.
Querelles.
François Bayrou, enfin, ne serait pas, si l'on en croit les sondages les plus récents, ce prodige électoral tant exalté. Son niveau serait plus à 17-18 qu'à 24 %. Aurait-il lassé ses supporters ? Non. Il nous semble qu'il est entré dans des querelles qu'il aurait dû éviter, quitte à ne pas répondre aux sarcasmes de M. Sarkozy ; et que ses incursions dans le domaine idéologique de la candidate socialiste se voient trop et sont gênantes car il ne s'est jamais situé à gauche. Bien entendu, ce racolage découle de la nature même de sa candidature qui, un peu comme jadis Michel Jobert, n'est ni de droite ni de gauche, elle est d'ailleurs. Ou de nulle part. Nulle part est une locution quand même très négative et il faudra des trésors d'imagination à M. Bayrou pour décrire un programme qui ne doive rien aux autres candidats et séduise, sinon tout le monde, beaucoup de monde.
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