« C'est une très lourde défaite », a reconnu Me Francis Caballero, grand pourfendeur du tabagisme et avocat de la caisse primaire d'assurance-maladie de Saint-Nazaire : le tribunal de grande instance de la ville a jugé irrecevable la plainte de la caisse contre quatre cigarettiers.
La CPAM réclamait 18,66 millions d'euros à Altadis (ex-SEITA), Philip Morris, JTI-Reynolds et BAT-Rothmans pour préjudice à la santé de ses assurés, la somme correspondant aux frais engagés pour un millier de malades depuis le 1er avril 1997. Elle les juge responsable des maladies liées au tabac pour avoir tardé à informer sur les dangers et continuer à minimiser les risques.
Cochons de payants
Le tribunal, qui avait mis son jugement en délibéré après l'audience du 26 juin, a rejeté la demande sur un point technique, en jugeant que si les caisses peuvent engager des actions contre des tiers en cas d'accidents, il ne leur est pas permis de le faire à la suite de maladies.
« Les CPAM sont réduites à des cochons de payants, qui gèrent les conséquences du tabagisme sans pouvoir responsabiliser l'industrie », tempête Me Francis Caballero. « On voit que l'on n'est pas aux Etats-Unis, ajoute-t-il. On devait dire le droit du tabac et on n'a parlé que du droit de la Sécurité sociale. Le grand chantier de la lutte anticancer en prend un sacré coup. »
Le Comité national contre le tabagisme regrette pour sa part, par la voix de son président, le Dr Yves Martinet, « une absence de prise en compte de la gravité des problèmes de santé publique » par la justice. Le CNCT ne renoncera pas pour autant aux actions judiciaires. « On ne laissera pas de répit à l'industrie. Il ne faut pas baisser la garde parce qu'eux ne baissent pas la garde. »
« Nos arguments ont été entendus », se réjouissent en effet les industriels. « Le tribunal a confirmé que les CPAM, qui sont des tiers payeurs, ne peuvent pas agir directement contre les auteurs présumés de dommages à l'encontre de leurs assurés », souligne Altadis, qui précise dans un communiqué avoir « remporté 12 procès liés au tabac intentés à son encontre en Espagne, France et Pologne ». Le groupe franco-espagnol « espère que cette décision mettra un terme à une tentative de judiciarisation qui ne tient pas compte du cadre réglementaire applicable aux caisses de Sécurité sociale ». « Il est intéressant de noter qu'aucune juridiction en Europe n'a encore admis ce type d'action subrogatoire (menée par des organismes tiers, NDLR) contre les fabricants de cigarettes », souligne BAT France. Le groupe britannique et Philip Morris signalent qu'aux Etats-Unis des actions de ce type ont également été rejetées. « Ce type de problème ne se résout pas devant les tribunaux », estime Philip Morris qui annonce qu'il « continuera à coopérer avec les autorités compétentes pour chercher des solutions législatives et réglementaires aux questions liées au tabagisme et à son effet sur la santé ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature