SERPENT DE MER de la lutte contre la désertification médicale, le décret autorisant un médecin libéral à exercer son activité professionnelle dans un cabinet secondaire, voire sur plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle, est paru au « Journal officiel ».
Le cabinet secondaire sera dorénavant possible pour tout médecin « lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou de la permanence des soins, ou bien lorsque les investigations qu'il entreprend nécessitent un environnement adapté, l'utilisation d'équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants ».
Président de la section exercice professionnel au Conseil national de l'Ordre (Cnom), le Dr Jean Brouchet est satisfait. « Cela fait quatre ans que l'on travaille sur ce dossier, précise-t-il, c e genre de procédure est toujours lent, mais cela valait la peine car le texte est tout à fait conforme à la rédaction initiale que nous avions effectuée. »
Pour le Dr Brouchet, ce nouvel article du code de déontologie ne va pas bouleverser l'exercice médical. Il s'inscrit simplement dans un ensemble de mesures destinées à enrayer la désertification médicale, comme les aides à l'installation ou les mesures fiscales prévues par la loi sur les territoires ruraux, ou encore les majorations d'astreintes dans les zones sous-médicalisées prévues par l'avenant à la convention médicale sur la permanence des soins.
Le pouvoir de l'Ordre.
Quant à la mise en œuvre de cette nouvelle disposition, elle est fort simple : si un médecin souhaite exercer dans des sites multiples, il doit en faire la demande au conseil départemental de l'Ordre dont il relève. C'est à cette instance qu'il revient de juger du bien-fondé de sa demande, au regard des critères cités plus haut (carence de l'offre de soins, ou lorsque les investigations ou les soins entrepris par le médecin nécessitent un environnement ou des équipements adaptés).
De son côté, il revient au médecin qui fait cette demande de prendre toutes les dispositions pour assurer sur tous les sites où il entend exercer, la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins. Si l'accord formel n'est pas donné au médecin dans un délai de trois mois après le dépôt de sa demande, « le silence gardé par le conseil départemental sollicité vaut autorisation implicite ».
Mais si le conseil départemental est seul juge de l'attribution ou non de cette autorisation personnelle et incessible, « c'est le bon sens qui prévaudra », prévient le Dr Brouchet : « Un conseil départemental ne va pas accorder une autorisation à un médecin pour aller exercer en sites multiples dans des zones déjà bien pourvues en médecins. En revanche, s'il y a déjà un médecin dans une zone concernée, mais que celui-ci, vieillissant, ne peut ou ne veut plus exercer à plein temps, une autorisation pourra être accordée à un autre médecin d'ouvrir un cabinet dans la même zone, cela afin de soulager son confrère. »
De même, si une zone considérée ne dispose pas des moyens techniques nécessaires aux investigations médicales, le conseil départemental pourra autoriser l'ouverture d'un cabinet possédant ces équipements.
Modification du code de déontologie.
En clair, l'accord sera du seul ressort du conseil départemental de l'Ordre, même si des recours contentieux pour refus d'autorisation sont prévus par le texte : ces recours en justice ne seront recevables qu'à la condition d'avoir été précédés d'un recours administratif devant le Conseil national de l'Ordre. De la même manière, si un médecin installé dans un secteur s'oppose à l'ouverture d'un cabinet par un médecin déjà installé ailleurs, il doit entamer un recours administratif auprès du Conseil de l'Ordre. Quant à l'application de cette mesure, elle est immédiate : publiée au « Journal officiel », elle est immédiatement ajoutée au code de déontologie, où elle annule et remplace les dispositions antérieures.
Satisfaction des syndicats.
A la Csmf, le Dr Michel Chassang « se félicite de cette très bonne mesure, réclamée par la Csmf depuis 1996 ». Pour le président de la confédération, « par cette mesure, on distingue enfin le cadre de vie des médecins de leur cadre professionnel ». Michel Chassang estime par ailleurs que, si l'attribution de ces autorisations est du ressort exclusif du Conseil de l'Ordre, « les zones où ces cabinets multiples seront autorisées devraient épouser sensiblement les contours des zones déficitaires qui seront prochainement définies par les missions régionales de santé », et qui détermineront l'attribution des aides à l'installation notamment prévues par la loi sur les territoires ruraux, ainsi que les majorations d'astreintes prévues par l'avenant à la convention médicale sur la PDS.
Au SML, Dinorino Cabrera estimé, pour sa part, que « cette mesure n'est qu'un des éléments de tout ce qu'il faut faire ». Mais le président du SML reconnaît que « les éléments du puzzle se mettent en place ; à cet égard, la concomitance entre la parution du décret sur l'exercice en sites multiples et la remise du rapport Berland (voir page 4) , n'est pas un hasard. Le gouvernement veut montrer qu'il tient ses dossiers ». A la FMF, le Dr Jean-Claude Régi salue « une mesure extrêmement positive, réclamée depuis longtemps », quant au Dr Luc Duquesnel, tout à la fois responsable départemental de la Csmf et membre de la Coordination nationale des médecins généralistes (Conat), il attend avant tout « les décrets d'application de la loi sur les territoires ruraux et la définition par les missions régionales de santé des zones sous-médicalisées ; c'est l'addition de toutes ces mesures qui donnera du poids à chacune d'entre elles ».
Lire aussi :
> Le cabinet secondaire a déjà fait ses preuves
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature