Les buveurs ne sont pas égaux devant l'alcool

Publié le 20/09/2001
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Selon que l'on est un homme ou une femme, un adolescent ou un adulte, selon les quantités que l'on absorbe et la durée de l'imprégnation, selon le poids corporel, les effets de l'alcool sont sensiblement différents.

Globalement, les hommes payent le plus lourd tribut au toxique : 7 % des décès masculins pour seulement 2 % des décès féminins sont directement liés à l'alcool (responsable globalement d'environ 23 000 décès par an). Les femmes toutefois sont touchées plus rapidement et plus sévèrement par certaines pathologies, telles que la cirrhose.
S'il faut au moins quinze années d'imprégnation aux hommes pour développer cette maladie, il ne faut que dix ans aux femmes, et le risque de développer une cirrhose se multiplie par 3 à 4 à partir de 50 g/j d'alcool chez les premiers, contre 30 g/j chez les dernières. Les individus obèses, enfin, ont davantage de risque de développer une cirrhose, tout comme les sujets en état de malnutrition.

La malnutrition et le surpoids

Le temps de latence des effets délétères de l'alcool apparaît clairement. Une consommation importante qui commence à l'adolescence ou chez un jeune adulte ne manifestera ses principaux effets qu'après 45 ans.
Le rapport de l'INSERM dégage trois grands types de pathologies.
Tout d'abord, les affections hépatiques. Les maladies alcooliques du foie - stéatose, hépatite alcoolique et cirrhose - semblent, selon toute vraisemblance, favorisées par la malnutrition ainsi que par le surpoids. Pas moins de 9 000 décès par cirrhose alcoolique ont été recensés en France en 1998. La plupart des cirrhoses sont diagnostiquées vers 50 ans chez les hommes. Entre 40 et 80 % des patients décèdent dans les cinq ans suivant le diagnostic.
En ce qui concerne les cancers, la relation avec l'alcool est montrée de façon convaincante, par rapport aux personnes qui ne boivent pas du tout, pour les atteintes des voies aérodigestives supérieures (bouche, pharynx, oesophage, larynx), avec une multiplication du risque de 2 à 6 selon la quantité d'alcool ingérée. On connaît l'effet additif du cocktail alcool + tabac. Comparativement aux sujets abstinents pour les deux toxiques, le risque de cancer de la cavité buccale et du pharynx est multiplié par 15 chez les fumeurs de plus de 40 cigarettes par jour et consommateurs de plus de 45 g d'alcool par jour. Les personnes qui boivent et fument beaucoup ont un risque de développer un cancer de l'oesophage multiplié par 44.

Une cirrhose préalable

Le cancer du foie apparaît chez les sujets ayant d'abord développé une cirrhose, avec une probabilité de 15 à 20 % dans les cinq années qui suivent le diagnostic.
La consommation d'alcool et le cancer du sein apparaissent, « selon une synthèse d'études prospectives de cohorte, probablement liés », explique Françoise Clavel-Chapelon (INSERM U521, unité d'épidémiologie des cancers, Villejuif). Et ce « quel que soit le type d'alcool. Le risque semble modéré : au-delà de 10 g d'éthanol par jour, il augmente de 10 % ».
Une relation identique semble lier alcool et cancer colo-rectal, poursuit F. Clavel-Chapelon. Les hommes et les femmes sont touchés. Mais autant pour le cancer du sein que pour le cancer colo-rectal, les résultats sont à moduler en fonction de la composition alimentaire. On a montré que les sujets qui boivent s'alimentent différemment, avec plus de charcuterie, de viande, de fromage et moins de légumes, de fruits et de laitages. On ne sait si les cancers sont dus à l'effet de l'alcool ou de l'alimentation.
En matière de toxicité sur le système nerveux, enfin, l'effet psychostimulant observé au-dessous de 0,5 g par litre de sang est rapidement dépassé par un comportement de prise de risque avec altération des fonctions cognitives à partir de cette concentration. La consommation à long terme s'accompagne de troubles de la mémoire, des praxies, des capacités visuo-motrices ou élaboratives. La plus grave est l'encéphalopathie de Wernicke, surtout quand elle évolue vers le syndrome de Korsakoff : troubles de la mémoire, fabulation, fausses reconnaissances, état confusionnel, problèmes de coordination.
Sous la direction de Jeanne Etiemble, les douze membres du groupe d'experts du centre d'expertise collective de l'INSERM ont procédé à l'analyse de plus de 1 500 articles scientifiques. Leurs conclusions permettent de moduler les messages d'information et de prévention. Par exemple, les messages d'information et de prévention qui s'adressent aux moins de 40 ans doivent sensibiliser sur les effets, à terme, d'une consommation régulière d'alcool.

Des médicaments rendus toxiques

L'éthanol peut modifier les propriétés de certains médicaments. Tel le paracétamol. Le cytochrome CYP2E1 induit par l'alcool peut faire élaborer un produit particulièrement toxique pour le foie à partir du paracétamol. Normalement, il est immédiatement neutralisé par l'organisme, mais cela n'est plus le cas lors d'une alcoolisation chronique, où des hépatites graves peuvent se déclencher pour des doses de paracétamol équivalentes à la dose maximale recommandée.

Du nord au sud

Le taux de mortalité lié à la consommation excessive d'alcool est 3 fois supérieur chez les hommes et près de 5 fois supérieur chez les femmes dans le Nord - Pas-de-Calais par rapport à la région Midi-Pyrénées.
Il existe aussi d'importantes disparités socioprofessionnelles. Les ouvriers et les employés meurent 10 fois plus d'alcoolisme, de cirrhose et de cancers des voies aérodigestives supérieures que les cadres supérieurs et les professions libérales.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6972