INSUFFISANCE cardiaque chronique et fibrillation auriculaire coexistent chez près de 20 % des patients. Généralement, c'est le trouble du rythme auriculaire qui préexiste. Du fait d'une réponse ventriculaire rapide, il entraîne une cardiomyopathie qui peut être à l'origine d'une insuffisance cardiaque. Mais d'autres phénomènes peuvent aussi contribuer à limiter les capacités du muscle cardiaque : défaut de contraction auriculaire, perte du synchronisme auriculo-ventriculaire et irrégularité du rythme ventriculaire.
Afin d'améliorer la fonction ventriculaire chez les sujets présentant à la fois une fibrillation auriculaire et une insuffisance cardiaque, différentes approches thérapeutiques ont été proposées. La plus ancienne repose sur la mise en place d'un traitement médicamenteux visant à ralentir la fréquence auriculaire ou à contrôler le rythme cardiaque. Mais l'utilisation des anti-arythmiques, outre son effet limité chez ces patients, peut s'accompagner d'effets indésirables à plus ou moins long terme. Il peut exister en particulier une majoration de l'insuffisance ventriculaire du fait d'un blocage de la conduction intraventriculaire (effet pro-arythmique ventriculaire).
Neutraliser les foyers.
C'est dans ce contexte que l'équipe de cardiologie du Pr Haïssaguerre (Bordeaux) a proposé d'utiliser la technique d'ablation auriculaire par radiofréquence, qu'elle a mise au point, afin de neutraliser les foyers situés au niveau des fibres musculaires des veines pulmonaires. Ils déchargent de manière intermittente une activité électrique rapide entraînant une déstabilisation du tissu atrial évoluant en fibrillation.
Les auteurs ont inclus 58 patients consécutifs atteints de FA, présentant une insuffisance ventriculaire gauche (fraction d'éjection systolique inférieure à 45 %) et qui ont subi une ablation. Ils ont comparé leur devenir à celui de sujets appariés ne présentant pas d'insuffisance cardiaque. Après un suivi moyen de douze mois, 78 % des sujets traités par ablation - dont la moitié avaient subi deux procédures en raison de l'échec de la première - et 84 % des sujets contrôles restaient en rythme sinusal (dont respectivement 69 et 71 % sans l'administration de médicaments anti-arythmiques).
Les sujets atteints d'insuffisance cardiaque ont vu leur fonction ventriculaire s'améliorer (augmentation de la fraction d'éjection de 21 %) et la taille du ventricule gauche diminuer (baisse du diamètre systolique de 6 mm et du diamètre diastolique de 8 mm). Enfin, leur capacité d'exercice et leur qualité de vie se sont améliorées alors que leurs symptômes ont diminué. L'amélioration a aussi été notée chez les sujets présentant, outre les deux pathologies étudiées, une maladie coronarienne.
Le traitement habituel de ces patients ?
Dans un éditorial, le Dr William Stevenson (Boston) reconnaît que la technique d'ablation semble donner des résultats prometteurs chez les sujets inclus dans l'étude. Néanmoins, il souligne que « les patients adressés au centre hospitalier de Bordeaux, pionnier en matière d'ablation atriale, ne sont pas réellement le reflet de la pratique quotidienne des cardiologues. Il s'agit en effet des sujets les plus gravement atteints mais chez qui une telle procédure peut être envisageable. En outre, la technique d'ablation est particulièrement maîtrisée par l'ensemble des praticiens de cet hôpital ». Dans ces conditions, s'interroge l'éditorialiste, « au cours des cinq prochaines années, l'ablation deviendra-t-elle le traitement habituel de ces patients ? Le développement des nouveaux anti-arythmiques spécifiquement actifs sur le myocarde auriculaire sans effet pro-arythmique ventriculaire semble être en bonne voie. Par ailleurs, il est possible d'imaginer que la technique associant la création d'un bloc auriculo-ventriculaire complet à la mise en place d'un pacemaker biventriculaire sera encore améliorée et pourra être proposée dans un grand nombre d'hôpitaux, y compris au sein des services de cardiologie qui ne disposent pas de praticiens spécifiquement formés à l'ablation ».
« New England Journal of Medicine », vol 351; 23, pp: 2373-2383 et 2437-2438, 2 décembre 2004.
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