Livres
Ecrivain qui surfe au sommet de la vague littéraire depuis une vingtaine d'années et une quinzaine de livres, auteur du fameux « 37 °2 le matin » en 1985 ou d'« Assassins » en 1994, Philippe Djian paie aujourd'hui son « Ardoise » (1) aux écrivains qui l'ont précédé et dont les livres l'ont particulièrement marqué.
Il s'agit d'un livre de commande, et pourtant l'émotion affleure à chaque hommage. Car les romans dont il parle et qu'il a lus entre sa vingtième et sa trentième année, avant qu'il ne se mette à écrire, ont fait plus qu'influencer son travail, ils lui ont, dit-il, « changé la vie ». Alors qu'il n'accordait aux livres qu'une attention distraite en ne les considérant que comme une source de connaissances tandis que le cinéma et la musique lui « parlaient », il a lu « l'Attrape-Cur », de Salinger et ça a été la révélation.
Aujourd'hui, il nous offre sa lecture personnelle de dix ouvrages : « l'Attrape-Cur », bien sûr, et « Mort à crédit » de Céline, « Du monde entier » de Cendrars, « Sur la route » de Kerouac, « Moby Dick » de Melville, « la Crucifixion en rose » d'Henry Miller, « Tandis que j'agonise » de Faulkner, « Le vieil Homme et la mer » d'Hemingway, ainsi que l'intégrale de Richard Brautigan et l'intégrale de Raymond Carver. Des amours que l'on n'est pas obligé de partager mais l'on ne peut rester insensible à la passion qui l'anime.
L'entreprise de
Philippe Labro- dont les romans nous ont bien souvent amenés en Amérique »-, qui revient sur son travail de « journalisme littéraire », est intéressante.
Dans
« Je connais des gens de toutes sortes »(2)
,il reprend des articles appartenant au genre du portrait qu'il avait écrits pour « Vogue », « le Point » et « le Monde », respectivement dans les années soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix, exactement tels qu'ils avaient été publiés, et nous en propose une re-lecture qui tient compte de ce qui est arrivé aux sujets et de sa propre évolution. Ceux-ci apparaissent donc tels qu'ils étaient, tels que l'auteur les voyait et tels qu'il repense à eux et à l'époque qu'ils traversaient, donc tels qu'ils sont devenus.
Parmi les étrangers figurent John Fitzgerald Kennedy, Woody Allen, Ernest Hemingway, Jack Nicholson, parmi les Français, Patrick Modiano, Romain Gary, André Malraux, Jean-Luc Godard, François Mitterrand, Michel Platini, Michel Rocard, Pierre Lazareff, Jean-Patrick Manchette...
Loin de l'hommage ou de l'essai d'objectivité,
Pierre Drachlinepublie, dans la maison d'édition dont il est le directeur littéraire -on comprendra pourquoi -
« Le grand livre de la méchanceté »(3).
Non pour la condamner, loin de là, car lui-même se prétend amateur de méchanceté :
« Chaque fois que je lis ou que j'entends une phrase méchante, c'est un bonheur. Moi-même, de temps en temps, je ne résiste pas au plaisir d'énoncer une méchanceté gratuite. »Mais en toute déontologie, car, comme dans tout art, il y a des règles à respecter : jamais au-dessous de la ceinture, toujours à l'encontre des puissants ou de ceux qui se croient tels, si possible assortie d'un zeste de culture et sans oublier l'autodérision.
Pour lui, la méchanceté,
« c'est d'abord un antidote aux bons sentiments. C'est-à-dire à l'hypocrisie qui fonde notre société actuelle. Rien n'est plus affligeant que ce discours sur l'humanitaire, la compassion, la charité. La méchanceté agit comme une sorte de contre-poison. Le seul à notre disposition ».Pierre Drachline - qui avoue donner sa préférence, pour son uvre de méchanceté, à François Mauriac - est cependant remonté jusqu'au XVIIIe siècle pour trouver, dans les écrits des hommes politiques et la littérature, les meilleurs mots méchants. Il en résulte un florilège particulièrement réjouissant de 1 600 citations.
Si vous êtes noctambule ou insomniaque, et amateur de France Culture, vous connaissez
Alain Veinsteinqui chaque nuit à minuit nous fait passer « Du jour au lendemain » par le biais d'un entretien, souvent avec un écrivain, toujours en tout cas avec un homme ou une femme de parole. Lecteur, vous savez aussi qu'il a reçu le prix Mallarmé en 2001 et qu'il a publié « l'Accordeur » et « Violante ».
Ce sont ses activités radiophoniques qui sont le sujet de son nouveau livre, qualifié de roman,
« l'Interviewer »(4). Ecrit à la première personne, ce livre désabusé, ce sont les confessions, entre angoisse et lassitude, d'un homme qui pratique ce métier depuis vingt-cinq ans après avoir déniché ce travail par hasard et s'y être accroché dans l'espoir de vivre des moments bouleversants.
« J'en ai vécu. Mais j'ai aussi abattu beaucoup de besogne en me séparant de moi-même .».La matière de l'ouvrage est en quelque sorte une histoire parallèle à ce qui se déroule dans le studio d'enregistrement et à ce qui ressort dans le haut-parleur du transistor. A son tour, l'interviewer prend la parole par écrit et les personnes qu'il a écoutées ne sont plus que des personnages qui lui permettent de parler de lui-même. Il n'empêche que le kaléidoscope de ces hommes et de ces femmes pris aux pièges de la promotion de leurs ouvrages, donne à rire et à pleurer.
Un écrivain pris au piège de sa propre écriture est le thème du dernier roman de
Lionel Duroy, qui s'intitule d'ailleurs
« Méfiez-vous des écrivain »(5). Plusieurs de ses précédents livres : « Priez pour nous », « Je voudrais descendre », « Un jour, je te tuerai » et « Trois Couples en quête d'orages » ont été portés à l'écran ou sont en cours d'adaptation.
Dans ce dernier opus, Lionel Duroy met en scène un écrivain qui veut faire des habitants de l'immeuble où il vient d'emménager, une ancienne usine transformée en appartements cossus et branchés, les héros de son nouveau roman ; car il part du principe que chacun d'entre nous devrait connaître un destin formidable, mais que la peur de souffrir, la paresse ou la pure bêtise nous empêchent de nous réaliser.
Il va donc se glisser doublement dans leur intimité, le jour, en les observant et en inscrivant scrupuleusement leurs moindres faits et gestes, la nuit, en écrivant les destins étonnant qu'ils pourraient avoir s'ils avaient le courage d'affronter la réalité.
Mais encore faut-il que l'écrivain soit un démiurge à la hauteur et qu'il ne laisse pas la réalité interférer dans le roman ou... inversement ! L'arroseur arrosé n'a pas fini de nous amuser...
(1) Editions Julliard, 127 p., 15,10 euros.
(2) Editions Gallimard, 344 p., 19,50 euros.
(3) Le Cherche Midi éditeur, 307 p., 14,94 euros.
(4) Editions Calmann-Lévy, 306 p., 17 euros.
(5) Editions Julliard, 287 p., 18,10 euros.
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