LES FEUILLES DE SOINS papier (FSP) ont encore de beaux jours devant elles.
Dans les prochaines semaines, les caisses d’assurance-maladie vont probablement traiter plus de paperasse que d’habitude, en raison de la conjonction de plusieurs facteurs qui entravent la télétransmission des feuilles de soins électroniques (FSE).
L’Umespe, la branche spécialiste de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), a lancé en décembre un mot d’ordre de «boycott de la carte Sesam-Vitale au 1erjanvier». Depuis le début de l’année, l’Umespe-Csmf appelle donc les médecins spécialistes libéraux à «n’utiliser que des feuilles de Sécurité sociale papier pour stigmatiser la non-efficience technique des caisses d’assurance-maladie et l’absence du respect des engagements conventionnels par l’Uncam» (1).
De report en report.
Il est trop tôt pour savoir si cette consigne syndicale est suivie par les spécialistes. Quoi qu’il en soit, ces derniers sont parfois contraints de rédiger des FSP en raison de la mise en place de la nouvelle nomenclature technique (Ccam V2), tarifante depuis le 1er septembre.
La Ccam V2 pose deux types de problèmes. Tout d’abord, les médecins spécialistes ou généralistes doivent impérativement adapter leur logiciel à la nouvelle version du système Sesam-Vitale (version 1.40) pour pouvoir éditer des factures électroniques d’actes techniques codés et tarifés en Ccam. Mais, compte tenu des délais nécessaires aux éditeurs de logiciels pour diffuser les mises à jour 1.40, un certain nombre de praticiens exerçant en cabinet se sont trouvés dans l’incapacité de basculer à la Ccam V2 avant la date butoir initialement fixée au 31 décembre (« le Quotidien » du 19 septembre). D’où le report de la date limite au 1er avril 2006 pour les médecins de ville et au 1er juillet pour les centres de santé (2).
La Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) a souligné qu’à la fin de l’année 2005 «près de 75% des médecins spécialistes les plus concernés par l’utilisation de cette nouvelle nomenclature (radiologues, cardiologues, ORL, pneumologues...) utilisaient un logiciel Sesam-Vitale 1.40 pour coder l’ensemble de leurs actes techniques en Ccam». La Cnam arrive au taux de 75 % «essentiellement sur quatre spécialités et parmi ceux qui ont télétransmis au moins une fois», nuance le Dr Yves Decalf, de l’Umespe-Csmf. Or, sur l’ensemble de l’année 2005, environ 40 % des spécialistes libéraux en moyenne n’ont transmis aucune FSE, selon les statistiques du GIE Sesam-Vitale.
« Bug » sur le tiers payant hors parcours de soins.
Par ailleurs, dans certains cas, la Ccam V2 complique la vie des spécialistes, même s’ils ont déjà « migré » vers un logiciel agréé 1.40. «Certains actes dermatologiques ne sont pas codables en Ccam V2 car ils sont considérés comme des actes chirurgicaux [et donc non réalisables en cabinet, ndlr]. Il faut que cela change!», déclare le Dr Decalf.
Enfin, depuis le 1er janvier, l’assurance-maladie elle-même recommande un retour à la «facturation sur feuille de soins papier, et non en FSE», en cas de tiers payant pour un patient hors parcours de soins. Dans une notice mise en ligne sur www.ameli.fr, la Cnam explique que, « en effet, hors parcours de soins, le logiciel ne calcule pas correctement la part restant à la charge de l’assuré ». La baisse du remboursement de 10 % (plafonnée à 2,50 euros) hors parcours n’étant «pas déduite par le logiciel», le remboursement de l’acte au médecin qui a pratiqué la dispense d’avance de frais «est alors supérieur au remboursement dû par la caisse. Cette situation provoque un rejet de la FSE». «C’est à nous, médecins, qu’ils font supporter leur incurie de gestion!», ironise le Dr Claude Bronner, président du nouveau syndicat Espace généraliste. Il relève aussi que le nom du médecin traitant ne peut être télétransmis et que «les FSE contiennent donc moins d’informations que les feuilles de soins papier».
Ces divers bugs informatiques ne manquent pas d’irriter MG-France, où le Dr Gilles Urbejtel dénonce «l’instabilité du système qui n’incite pas les médecins à évoluer».
Pour l’instant, la Cnam n’observe «aucun embouteillage» de FSP dans les caisses. A la Cpam de Paris, première caisse en flux de remboursement, Marie-Renée Babel «n’est pas inquiète». La directrice générale de la Cpam de Paris ne constate à ce jour «aucun afflux particulier de demandes de remboursement sur du papier» et note tout au plus «un certain nombre de rejets de FSE dus aux contrôles plus serrés du système d’information». En attendant, la caisse s’apprête quand même à faire «un peu plus d’information de proximité» auprès des médecins afin d’accompagner leur «phase d’apprentissage» du parcours de soins et de la Ccam.
(1) L’Umespe fait référence notamment à la majoration de 1 euro des consultations spécialisées en parcours de soins coordonnés (prévue par la convention) et la création d’un secteur optionnel.
(2) Les cliniques privées spécialisées en médecine-chirurgie-obstétrique sont censées avoir totalement basculé au 16 septembre 2005, tandis que les cliniques psychiatriques, les cliniques SSR (soins de suite et de rééducation), les hôpitaux et les établissements privés ex-dotation globale doivent avoir fait de même au 1er janvier 2006.
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