Ciblant les mécanismes clés des anomalies immunitaires des maladies auto-immunes, les biothérapies représentent une réelle avancée dans la prise en charge de ces maladies.L'exemple de l'abatacept et du rituximab
LES CELLULES de l'immunité - et en particulier les lymphocytes T - sont activées par des cellules que l'on appelle des « professionnels de présentation de l'antigène » : c'est notamment le rôle de macrophages et des cellules denditriques. Ces cellules ont pour mission de capter les informations de l'environnement - présence d'une infection, en l'occurrence - et de transmettre cette information aux lymphocytes T, afin qu'ils s'activent et assurent la défense de l'organisme.
• Son mode d'action : pour que ce mécanisme d'activation puisse se mettre en place, le macrophage et la cellule denditrique expriment des molécules de costimulation, dont les plus connues sont celles du système B7-CD28. Toutefois, l'activation ne peut se faire en permanence, faute de quoi, nous serions tous atteints de maladies auto-immunes ! C'est pourquoi il existe également des systèmes physiologiques de régulation. L'un d'entre eux est le système B7-CTLA-4 : quand les lymphocytes T sont très activés, ils n'expriment plus CD28, mais CTLA-4, ce qui a pour effet de mettre les lymphocytes au repos. Il s'agit donc bien d'un effet inhibiteur. « C'est bien le même B7 qui joue, mais, selon qu'il est en contact avec un récepteur activateur (CD28) ou inhibiteur (CTLA-4), il y a en permanence une balance activation/inhibition », insiste le Pr Sibilia. Les Laboratoires BMS ont ainsi eu l'idée de copier le CTLA-4 et de le coupler à des bouts d'immunoglobulines pour permettre leur injection par voie intraveineuse. Or ce CTLA-4-Ig n'est autre que l'abatacept (Orencia). Cette action inihibitrice majeure s'exprime notamment par une réduction de la synthèse des cytokines inflammatoires, dont le TNF-alpha, l'interleukine 1 et l'interleukine 6.
L'abatacept est également utilisable après échec des anti-TNP.
• Les résultats : selon les premières études sur la polyarthrite rhumatoïde, ce modulateur de la costimulation des lymphocytes T est aussi efficace que les anti-TNF en cas d'échec au méthotrexate. Mais, surtout, il est également utilisable en cas d'échec aux anti-TNF. Comme l'abatacept n'agit pas sur une cytokine, mais sur une cellule (le lymphocyte T), son action est plus lente, mais elle va crescendo, avec un pic d'efficacité au troisième mois. Le pourcentage de rémissions complètes dans la polyarthrite rhumatoïde n'en est que plus intéressant. Déjà utilisable en ATU (sur demande à l'Afssaps), son AMM est attendue en 2007. En ce qui concerne le lupus, une étude de phase III est en cours. Elle pourrait avoir enfin des perspectives dans d'autres maladies auto-immunes et les arthrites juvéniles.
La tolérance de cette molécule est intéressante, avec peu d'infections et, a priori, pas d'infection opportuniste (tuberculose...). Dans l'état actuel des connaissances, il n'y a pas non plus de risque connu d'affection néoplasique.
Du côté du rituximab.
Il s'agit d'un anticorps monoclonal anti-CD20 qui agit de façon spécifique sur les lymphocytes B. C'est d'ailleurs pourquoi cette molécule est un des traitements clés des lymphomes de type B, depuis 1997.
• Son mode d'action : en 2001, un chercheur britannique a eu l'idée de recourir au rituximab dans la polyarthrite rhumatoïde, car les lymphocytes B y jouent un rôle prépondérant par trois mécanismes : ils participent à la sécrétion d'autoanticorps, ils sont des professionnels de présentation de l'antigène aux lymphocytes T et ils sécrètent des cytokines inflammatoires.
• Les résultats : un premier essai datant de 2004 montrait déjà l'intérêt du rituximab dans les polyarthrites rhumatoïdes (PR) résistantes au méthotrexate. Depuis, deux autres essais datant de 2006 sont venus conforter cette donnée et ont parallèlement prouvé l'intérêt de cette molécule dans le cadre des PR résistantes aux anti-TNF. Le rituximab a ainsi reçu son AMM dans la PR, après échec du méthotrexate et des anti-TNF (en troisième intention). Non seulement le rituximab permet de contrôler l'inflammation, mais, en plus, il ralentit la destruction des articulations, comme en témoignent les radiographies.
Administré par voie intraveineuse en deux perfusions à deux semaines d'intervalle, le rituximab a une durée d'action prolongée, avec une période de rémission de neuf mois en moyenne. Son action est optimisée en l'associant au méthotrexate, même chez les patients résistant à cette dernière molécule. Au moment de la perfusion, quelques troubles mineurs, comme une fièvre, des céphalées et des rougeurs, sont parfois observés. Des réactions plus sévères, exceptionnelles, peuvent être prévenues par l'administration simultanée de 100 mg de corticoïdes et d'un antihistaminique. Certes, on manque de données à propos de sa bonne tolérance au long cours dans la PR. Cependant, comme ce traitement est utilisé depuis près de dix ans dans les lymphomes (selon un protocole un peu différent, mais à des doses similaires), on a toutes les raisons de penser qu'elle sera bonne. Il existe juste un léger sur-risque d'infection sévère, justifiant de ne pas prescrire ce traitement en cas d'infection active. Enfin, il faut éviter de prescrire ce médicament en cas d'hépatite B chronique non contrôlée, en raison d'un risque de réactivation.
Comme pour l'abatacept, les bons résultats obtenus avec cette molécule dans la PR justifient que l'on s'y intéresse pour d'autres maladies auto-immunes : des études ouvertes ont d'ailleurs débuté dans le lupus, les vascularites systémiques, le syndrome de Sjögren sévère et les dermatopolymyosites. « Afin d'en savoir plus sur la tolérance au long cours du rituximab dans la PR, le registre AIR (Auto Immunité Rituximab) a été créé avec l'aide du club Rhumatismes et Inflammation (CRI) et de la Société française de rhumatologie (SFR). Une proposition a d'ailleurs été faite à l'afssaps pour permettre de prescrire ce traitement hors AMM chez des patients atteints d'une maladie auto-immune sévère résistant à toutes les autres thérapeutiques, à condition qu'ils soient enregistrés dans AIR. Voilà qui permettrait, en effet, de récolter des données essentielles, dans des affections rares, pour lesquelles aucun résultat d'études contrôlées ne sera disponible avant des années », conclut le Pr Xavier Mariette.
D'après un entretien avec le Pr Jean Sibilia, centre hospitalier de Strasbourg, et le Pr Xavier Mariette, hôpital Bicêtre pour le rituximab.
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