LA MEDECINE EN 2003
Il ne fait maintenant aucun doute que plus le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde et la mise en route d'un traitement de fond sont précoces, moins les dégâts ostéo-articulaires seront importants. Or, on dispose maintenant de molécules qui peuvent freiner considérablement, sinon arrêter, la maladie rhumatoïde. De fait, le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) s'est enrichi récemment d'une nouvelle classe, celle des biothérapies, qui comporte aujourd'hui quatre produits. Trois sont des anti-TNF alpha ; infliximab (Remicade), anticorps monoclonal chimérique ; etanercept (Enbrel), récepteur soluble du TNF alpha ; adalimumab (Humira), anticorps monoclonal humain ; le quatrième est un antagoniste du récepteur de l'interleukine 1, l'anakinra (Kineret).
A quelques nuances près, toutes ces molécules sont indiquées dans la PR active avec réponse insuffisante au traitement de fond y compris le méthotrexate. Il ne s'agit donc pas d'un traitement de première intention (sauf pour l'etanercept qui peut être administré avant le méthotrexate dans certains cas), tout au moins aujourd'hui, car des études sont en cours sur l'intérêt d'un traitement très précoce. Leur prescription vient donc s'ajouter, dans la majorité des cas, au méthotrexate, excepté pour l'etanercept qui peut être administré en monothérapie.
Il existe plusieurs contre-indications : infections sévères ou évolutives (septicémie, arthrite septique...), maladies démyélinisantes ou antécédent de névrite optique, maladies hématologiques, lymphomes sous-jacents, néoplasie récente, insuffisance cardiaque stade III ou IV, hypersensibilité au médicament, grossesse et allaitement.
Le bilan préalable doit comporter un hémogramme à la recherche d'une leucopénie signant une augmentation du risque infectieux ; et pour les anti-TNF, une radiographie pulmonaire et une IDR, afin de dépister une tuberculose latente.
L'administration initiale est strictement hospitalière, mais un rhumatologue installé en ville et ayant une vacation à l'hôpital peut tout à fait profiter de cette dernière pour débuter le traitement. Les produits sont alors délivrés par la pharmacie hospitalière, sauf l'etanercept qui est disponible en officine de ville, sous réserve d'une prescription sur un formulaire destiné aux médicaments d'exception. L'administration de l'infliximab ne peut se faire qu'à l'hôpital, puisqu'il s'agit de perfusions, ce qui n'est pas le cas pour les autres molécules qui sont prescrites par voie sous-cutanée à raison de deux injections par semaine pour l'etanercept, de deux injections par mois pour l'adalimumab et d'une injection par jour pour l'anakinra. Hormis pour ce dernier produit où les règles de surveillance biologiques sont précisées (hémogramme une fois par mois pendant les six premiers mois, puis tous les trimestres), il n'existe pas de directive particulière. En pratique, cette surveillance est cependant appliquée pour toutes les molécules de la classe. La surveillance biologique et clinique doit permettre de dépister :
- une pathologie infectieuse à pyogènes (notamment des voies aériennes supérieures) et pour les anti-TNF seulement, une tuberculose ou une infection opportuniste. La survenue d'une infection doit alors faire interrompre le traitement, qui ne sera repris qu'une fois qu'elle aura été traitée et guérie, sauf s'il s'agit d'une infection sévère, d'une infection à germes opportunistes ou d'une tuberculose, qui constitueront alors une contre-indication
- une insuffisance cardiaque, qui doit conduire à un bilan, et éventuellement à l'interruption du traitement ;
- une dysimmunité, avec les anti-TNF, en sachant que l'apparition d'anticorps antinucléaires ou d'anti-ADN est de fréquence variable (15 % d'anti-ADN avec l'infliximab et l'etanercept et 4 % avec l'adalimumab), mais que le développement d'un syndrome clinique, principalement d'un lupus, est rare, l'arrêt du traitement entraînant sa résolution ;
- une immunisation avec apparition d'anticorps anti-agent biologique, qui est surtout constatée avec l'infliximab (< 10 % des cas). Celle-ci ne semble cependant pas avoir d'influence sur la réponse thérapeutique ;
- une réaction au produit. Il peut s'agir d'une réaction locale au point d'injection, particulièrement avec l'anakinra pendant le premier mois. Dans la grande majorité des cas, ces réactions bénignes ne s'observent qu'au début du traitement et diminuent grâce à l'apport de glace, de corticoïdes locaux, l'administration du produit à température ambiante et l'alternance des sites d'injection. Rarement, elles peuvent nécessiter l'arrêt ou l'espacement des injections. Une réaction générale avec fièvre, frissons, douleurs musculaires peut également être observée au moment de l'injection, surtout en cas d'administration intraveineuse (environ 10 % des cas). Une réaction anaphylactique est en revanche très rare (< 1 % des cas). Cela explique la nécessité d'une surveillance pendant les deux heures suivant la fin de perfusion qui doit être lente (au moins deux heures). Ce phénomène surviendrait d'autant plus que l'intervalle entre les injections est grand ;
- une affection démyélinisante, qui est une éventualité possible, mais rare, puisque seulement une vingtaine de cas ont été publiés, et de mécanisme inconnu. L'apparition de signes évocateurs doit faire interrompre le traitement et pratiquer un bilan neurologique ;
- un lymphome. Si aucune augmentation d'incidence des tumeurs solides n'a été constatée avec les biothérapies, quelques cas de lymphome ont été décrits avec les anti-TNF, en sachant que la polyarthrite rhumatoïde par elle-même augmente le risque de lymphomes.
Enfin, d'autres effets ont été décrits (toxicité hépatique, thrombose, antiphospholipides, troubles de l'humeur, etc.) qu'il faut savoir interpréter en fonction du contexte : polyarthrite rhumatoïde et comorbidités éventuelles.
De 45 à 80 %
de patients répondeurs
L'évaluation de la réponse au traitement s'appuie sur les critères de l'ACR ou le Disease Activity Score. A 10-12 semaines de traitement, environ 45 à 80 % des patients sont répondeurs (contre 20 à 30 % sous placebo). Toutefois, en cas d'absence de réponse à un produit, il est possible de proposer un autre agent de la classe. Si la réponse est satisfaisante et s'il n'existe pas d'effets secondaires, le traitement doit théoriquement être institué au long cours.
En pratique, la surveillance clinique peut tout à fait être assurée par un rhumatologue de ville au moyen, par exemple, d'une consultation mensuelle avec une consultation hospitalière tous les trois à six mois. Elle suppose cependant une très bonne réactivité des services et une excellente collaboration ville-hôpital afin de pouvoir effectuer un bilan à la moindre alerte.
D'après un entretien avec le Pr Daniel Wendling, CHU de Besançon.
Les spondylarthropathies aussi
La polyarthrite rhumatoïde n'est pas le seul rhumatisme inflammatoire à pouvoir bénéficier des biothérapies. Les spondylarthropathies sont également des indications possibles.Ainsi, l'etanercept peut être prescrit dans le rhumatisme psoriasique actif et évolutif de l'adulte (en cas de réponse inadéquate au traitement de fond antérieur) où il est maintenant remboursé à 65% selon la procédure des médicaments d'exception. L'infliximab est aussi, depuis peu,indiqué dans la spondylarthite ankylosante (malades avec signaux axiaux sévères, marqueurs sérologiques de l'inflammation élevés et n'ayant pas répondu de manière adéquate au traitement conventionnel). Enfin, l'etanercept a également reçu un avis favorable européen pour l'élargissement de ses indications au traitement de la spondylarthrite ankylosante.Ces nouvelles solutions thérapeutiques sont particulièrement intéressantes pour cette dernière affection dont la prise en charge reposait jusqu'alors essentiellement sur les anti-inflammatoires.Ce d'autant que d'après une récente étude épidémiologique française la prévalence des spondylarthropathies, de l'ordre de 0,30%, apparaît similaire à celle de la polyarthrite rhumatoïde.Il reste maintenant à développer des recommandations concernant le suivi et le traitement des spondylarthropathies, en précisant le place exacte des anti-TNF dans la prise en charge de ces maladies.
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