L'INTERSYNDICALE des biologistes libéraux, qui vient de se créer (1), est vent debout contre le projet d'ouverture à 100 % du capital des laboratoires d'analyses de biologie médicale (LABM).
Pris en tenaille entre la pression de Bruxelles et la volonté du gouvernement d'une réforme profonde de leur profession, les biologistes libéraux «veulent alerter l'opinion publique, les parlementaires et les autres professionnels de santé libéraux» sur les risques induits par l'arrivée massive d'investisseurs privés, voire de spéculateurs, dans le secteur (alors qu'aujourd'hui l'ouverture à des non-professionnels ne peut pas dépasser 25 % du capital des sociétés d'exercice libéral ou SEL, voire 49 % sous conditions). L'intersyndicale de biologistes met l'accent sur l'« effet domino » d'une telle révolution : après les LABM, les cabinets de radiologie ou d'anatomopathologie, voire les maisons de santé pluridisciplinaires, peuvent demain «intéresser aussi les financiers», avertit Jean Benoît, du Syndicat des biologistes (SDB). Or, souligne-t-il, «la priorité de ces structures financières, c'est la rentabilité», tandis que les professionnels «n'auront plus leur liberté de jugement et de choix». «Si les financiers prennent le pouvoir, renchérit le Dr Claude Cohen du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB), il y aura une concentration de gros plateaux techniques d'analyses avec des sites de prélèvements un peu partout.» En outre, argue le Dr Cohen, les économies escomptées par le gouvernement sont un leurre : «Dans tous les pays européens, comme la Belgique, où les laboratoires ont été contraints à la concentration, il y a eu une compensation de la baisse des tarifs par une hausse du volume des actes.»
Garde-fous insuffisants.
Quant aux garde-fous proposés par le rapport Ballereau (« le Quotidien » du 25 septembre), ils sont jugés largement insuffisants. Les précautions suggérées pour empêcher le monopole ou l'oligopole de LABM sur un territoire donné «ne peuvent empêcher la constitution de réseaux» au-delà d'une région. La durée minimale d'investissement de sept années est considérée comme «dissuasive pour les plus spéculateurs», mais rigide pour les professionnels eux-mêmes. Enfin, la proposition du rapport Ballereau qui consiste à conserver la majorité des droits de vote aux biologistes actionnaires devenus minoritaires est assimilée à une «vue de l'esprit». «De toutes les façons, rappelle le Dr Cohen, c'est toujours celui qui a le capital qui détient le pouvoir.» Quoi qu'il en soit, le recours aux ordonnances (au lieu du projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires) pour faire passer la réforme de la biologie française fâche l'intersyndicale. «Il faut une loi classique pour ce sujet de fond», dès lors que la réforme de la biologie «enfonce un coin dans le système de santé», explique Jean Benoît.
(1) L'intersyndicale réunit les trois syndicats nationaux de biologistes libéraux (SDB, SLBC et SNMB), la Fédération nationale des syndicats d'internes en pharmacie et quatorze organisations régionales et départementales de la profession.
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