Pourquoi rechercher le grand nombre dans le champ disciplinaire de la santé mentale ? Une réponse préalable consisterait à rappeler que nos connaissances et notre compréhension des troubles psychiques demeurent limitées par la complexité des phénomènes que nous étudions et les différents référentiels de description. Et, même si nous tentons de résumer ou restreindre notre approche selon certains prismes – épidémiologie, facteurs environnementaux et sociaux, génétique, imagerie cérébrale, sciences comportementales et cognitives, phénoménologie, etc. – la compréhension des troubles et de leurs déterminants reste peu aboutie : « malgré des décennies de recherches sur les causes et les traitements des troubles mentaux, les patients continuent de souffrir », comme le déclarait l’ancien directeur du NIMH (1).
L’intérêt pour les grands volumes de données réside donc dans la volonté de mieux prendre en compte la complexité du fonctionnement « biologique humain » (les approches « omics »), à laquelle on cherche à associer des données cliniques « phénomiques » (questionnaires diagnostiques, échelles cliniques, données narratives des soignants et des patients, données écologiques recueillies en temps réel, comptes rendus de prises en charge, traitements suivis…), issues d’un nombre plus ou moins grand de dossiers patients (2). L’objectif est de pouvoir s’affranchir des catégories diagnostiques actuelles, qui à certains niveaux ont une utilité, mais dont le manque de validité constitue un frein à la progression des connaissances (3).
Des ressources à adapter
L’utilisation des big data, couplée à des modélisations complexes et à l’intelligence artificielle peut faire émerger de nouvelles connaissances. Cependant, la consommation de ressources en matière de transfert des données et de puissances de calcul explose. Cette inflation est prise en charge par des techniques spécifiques qui « passent à l’échelle » des big data. Par ailleurs, l’utilisation de standards d’échange et de procédures rigoureuses de gestion de la qualité demeure un enjeu fondamental, pour exploiter toute cette puissance afin d’obtenir des résultats fiables et facilement partageables. Enfin, l’évolution de la législation doit être pensée afin de garantir autant les droits des personnes que les possibilités de cette nouvelle recherche.
(1) Université Paris Nanterre, EA4430 CLIPSYD, UFR SPSE. Université Paris Descartes, Inserm UMR 894, LPMP, CPN. CNRS GDR 3557. Institut de Psychiatrie
(2) Université Paris Descartes. Inserm UMR 894, LPMP, CPN. CNRS GDR 3557. Institut de psychiatrie. GHT Paris, hôpital Sainte-Anne, SHU
(3) Chargé de mission AP-HP. Limics/INSERM. Paris VI
(4) Limics/INSERM. Paris VI. Cogsonomy
(5) Professeur de psychiatrie à l’université Paris Descartes, chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne (Paris)
(6) Université Paris Descartes. Inserm UMR 894, LPMP, CPN. CNRS GDR 3557. Institut de psychiatrie. Chef de service à l’hôpital Sainte-Anne (Paris)
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