AUX ETATS-UNIS où la mise sur le marché de l’anneau gastrique n’a pas été pendant longtemps autorisée, d’autres techniques dites « malabsorptives » se sont développées, en particulier le bypass gastrique d’abord par laparotomie, puis par laparoscopie. Les chirurgiens disposent donc aujourd’hui d’un recul suffisant par rapport à cette intervention : bien que plus compliquée de prime abord, elle présente de gros avantages à long terme.
Une perte de poids plus importante et surtout durable.
«Le bypass consiste à couper l’estomac en deux. Une petite poche de 20 à 30cm3est gardée et raccordée par une anse en Y à l’intestin grêle. La partie inférieure de l’estomac, ainsi que le duodénum et le début de l’intestin grêle sont donc shuntés», précise le Pr Bouillot. Le patient est obligé de restreindre ses portions d’autant que, s’il ne le fait pas, il est victime du « dumping syndrome » qui se traduit par un malaise général lié à l’arrivée brutale des aliments dans l’intestin grêle. Ce malaise est suffisamment désagréable pour inciter le patient à mieux contrôler ses portions par la suite, afin de ne plus avoir à revivre cette situation. Il est en outre possible que la sécrétion de ghréline, une hormone impliquée dans la sensation de satiété, soit modifiée par l’intervention, aidant le patient à moins manger. Au final, la perte de poids rapportée par la littérature est d’au moins 45 kg (60 kg en moyenne dans l’expérience du Pr Bouillot) et, surtout, il y a une faible reprise à moyen et à long terme. Enfin, ces résultats sont homogènes et les échecs, beaucoup plus rares qu’avec l’anneau gastrique où un certain nombre de malades ne maigrissent pas ou, du moins, pas assez.
«Alors que nous posions exclusivement des anneaux gastriques il y a encore cinq ans, nous proposons aujourd’hui le bypass par laparoscopie très souvent de première intention tant la qualité de vie du malade est transformée sur le long terme. Pour autant, le bypass a aussi ses inconvénients: déjà, il s’agit d’une technique très difficile, nécessitant un apprentissage rigoureux. En effet, avec un risque de décès péri-opératoire de0,3 à 1%, le bypass est dix fois plus risqué que l’anneau. Et des risques de fistules et d’abcès existent. Comme les sels minéraux et les vitamines sont moins bien absorbés du fait du shunt, une supplémentation à vie est indispensable, ce qui demande un suivi à long terme du patient.» En contrepartie, la perte de poids spectaculaire s’accompagne d’une disparition rapide des facteurs de comorbidité : le diabète de type 2 disparaît en quelques mois (au point que certains se demandent si le traitement des diabètes non insulinodépendants ne seraient pas le bypass). Les syndromes d’apnées du sommeil s’estompent également dans les six mois qui suivent et l’hypertension artérielle s’améliore. Les patients retrouvent une vraie qualité de vie.
Pas de décision précipitée.
Si la pose d’un anneau gastrique est relativement simple, le bypass est une intervention plus lourde qui comporte certains risques opératoires dont le patient doit bien prendre conscience. C’est pourquoi la décision d’opérer ou non doit être réfléchie. Ne devraient en bénéficier que des patients dont on est sûr qu’ils continueront à se faire suivre au long cours, ne serait-ce que sur le plan nutritionnel. «A l’Hôtel-Dieu, ils sont pris en charge par une équipe multidisciplinaire incluant des psychologues, car les patients doivent savoir exactement ce qui va se passer. Ils bénéficient également d’un large bilan et toute anomalie de l’estomac est traitée avant l’opération: la présence d’Helicobacter pylori est notamment recherchée, car, lorsque l’estomac aura été coupé en deux, il ne sera plus possible de surveiller la poche non raccordée à l’intestin grêle. On ne peut donc se permettre de laisser évoluer, à ce niveau, une pathologie susceptible de dégénérer en cancer. Ainsi, il peut s’écouler de six à douze mois entre le premier contact et la programmation de l’intervention. Ce n’est pas du temps perdu car les résultats à long terme dépendent aussi de la prise en charge du malade avant et après l’opération. La chirurgie ne peut tout résoudre à elle seule!», insiste le Pr Bouillot.
* D’après un entretien avec le Pr Jean-Luc Bouillot, chirurgien, Hôtel-Dieu, Paris.
Déceptions du côté de l’anneau gastrique
Après avoir longtemps séduit pour sa facilité technique, l’aspect non mutilant de l’opération (sous coelioscopie), ses risques péri-opératoires limités et son caractère modulable, l’anneau gastrique a montré ses limites. Selon l’étude suédoise SOS, portant sur le suivi de dix ans des patients opérés, la perte de poids est limitée : de l’ordre de 30 kg en moyenne, ce qui est insuffisant pour beaucoup de grands obèses qui restent des malades à haut risque cardio-vasculaire après l’opération. «C’est pourquoi nous ne proposons encore cette intervention qu’à des patients ayant un indice de masse corporelle proche de 40 et chez qui cette perte de poids relative peut suffire», remarque le Pr Bouillot. De plus, des complications apparaissent à moyen terme : on se retrouve parfois confronté à un problème de retournement, de rupture ou de déconnexion du boîtier sous-cutané par lequel se fait l’ajustement de l’anneau (obligeant alors à intervenir à nouveau). Une dilatation de la petite poche gastrique créée par l’anneau est aussi possible : elle s’accompagne alors volontiers d’une reprise de poids, mais parfois d’une impossibilité totale de s’alimenter. Enfin, la qualité de vie à long terme reste altérée : comme il faut manger par petites quantités et très bien mastiquer, les repas sont longs, parfois accompagnés de vomissements, ce qui n’est pas vraiment compatible avec une vie sociale.
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