CONGRES HEBDO
La peau est la première interface moléculaire de l'organisme. Elle est en contact permanent avec de très nombreuses molécules de l'environnement. Celles-ci sont arrêtées par l'épiderme ou pénètrent en profondeur en fonction de leurs propriétés physico-chimiques.
Dans certains cas, les molécules étrangères présentes dans la peau peuvent déclencher une manifestation pathologique de type allergie de contact. Cela s'explique par leur transformation chimique en haptènes, des molécules de faibles poids moléculaire (moins de 1 000 Daltons) qui traversent la couche cornée et entrent en contact, à la partie moyenne de l'épiderme, avec les cellules de Langerhans. Celles-ci sont des cellules dendritiques épidermiques d'origine mésenchymateuse ayant une fonction immunologique. Elles transmettent l'information antigénique aux lymphocytes T. Depuis une dizaine d'années, de grands progrès ont été accomplis dans la compréhension des mécanismes cellulaires, biochimiques et chimiques qui sous-tendent le processus de reconnaissance des haptènes par les lymphocytes T.
Des réactions chimiques variées
Les haptènes peuvent interagir avec les macromolécules biologiques par des liaisons chimiques diverses.
Les interactions dites faibles mettent en jeu des niveaux d'énergie de l'ordre d'une dizaine de kilocalories par mole. Elles sont donc sans rapport avec les liaisons dites fortes comme les liaisons covalentes ou de coordination, qui représentent des énergies de 50 à 100 kilocalories par mole. Les liaisons hydrophobes permettent aux molécules organiques de diminuer leur surface de contact avec les milieux aqueux. Ces molécules s'insèrent par exemple dans les bicouches phospholipidiques des membranes cellulaires, dans des régions hydrophobes des protéines ou des récepteurs membranaires. Elles ont un rôle important dans les allergies aux produits très lipophiles. Les liaisons dipolaires (ou forces de Van der Waals) font intervenir des forces électrostatiques entre dipôles permanents ou induits. Les liaisons ioniques sont des interactions électrostatiques entre charges existantes et souvent localisées sur des molécules organiques ou minérales. Toutes ces liaisons faibles mettent en jeu des niveaux d'énergie très faibles et génèrent des complexes peu stables, mais elles contrôlent pratiquement tous les phénomènes de reconnaissance entre les récepteurs et leurs substrats.
Les interactions fortes sont essentiellement des liaisons covalentes. Elles résultent de la mise en commun de deux électrons par deux atomes. Elles sont très stables. Les deux électrons peuvent provenir des deux atomes eux-mêmes, mais aussi être apportés par l'un des atomes seulement, riche en électrons (ou nucléophile), qu'il partage avec un atome pauvre en électrons (ou électrophile).
De très nombreuses structures biologiques, comme les acides nucléiques et les protéines, renferment des groupes azotés, oxygénés et soufrés riches en électrons. Elles sont donc nucléophiles. Les acides aminés fréquemment impliqués dans ce contexte sont la lysine et la cystéine, mais aussi l'histidine, la méthionine et la tyrosine. Des substances étrangères à l'organisme risquent de perturber leur fonctionnement si elles sont électrophiles. La protéine modifiée par le composé électrophile, très stable, peut provoquer le déclenchement d'une hypersensibilité retardée.
Réactions haptène-protéine : une grande diversité
Une conséquence directe de la diversité des réactions haptène-protéine est la sélectivité des haptènes pour des aminoacides. Ainsi, par exemple, les allergènes principaux des plantes de la famille des Aseraceæ interagissent principalement avec la lysine. Par ailleurs, toutes les interactions haptène-protéine ne provoquent pas une réaction allergique. Un haptène semble d'autant plus allergisant qu'il est capable de modifier des résidus protéiques spécifiques.
Cette sélectivité haptène-protéine est matérialisée par des différences de nature et de densité de sites d'une protéine à l'autre. Ces différences semblent avoir un impact majeur sur la réponse immune.
Par ailleurs, certains xénobiotiques non allergisants qui pénètrent dans la peau peuvent y être métabolisés en composés électrophiles. Ces processus de métabolisation mettent en jeu des systèmes enzymatiques puissants comme les enzymes à cytochrome P450, des monoamine oxydases ou des peroxydases. Les tuliposides A et B, présents dans les bulbes de tulipe, sont par exemple hydrolysés en tulipalines, allergisantes. Un tel mécanisme peut également être induit par l'oxygène de l'air ou les rayonnements ultraviolets.
Ainsi, de nombreuses substances, appelées prohaptènes, sont métabolisées en molécules allergisantes. Le fait que la structure chimique du prohaptène puisse être très différente de celle de l'haptène peut rendre l'enquête allergologique difficile.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Pierre Lepoittevin, Laboratoire de dermatochimie, clinique dermatologique, Strasbourg
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