Alimentation des personnes âgées

Les bases d'un vieillissement réussi

Publié le 05/03/2008
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Le vieillissement est un processus complexe, multifactoriel et progressif, impliquant des modifications physiques, biologiques, psychologiques et sociales. Si vieillir est inéluctable, mal vieillir n'est pas une fatalité. La notion de « vieillissement réussi » a été énoncée la première fois en 1987 par Rowe et Kahn, qui le décrivent comme un vieillissement sans pathologie ni handicap, permettant un niveau élevé d'activités physiques et de fonction cognitive et s'accompagnant d'un engagement dans la vie sociale. L'alimentation et l'activité physique sont les deux facteurs modifiables les plus accessibles pour favoriser un vieillissement réussi.

Maintenir un poids stable
Le contrôle du poids est particulièrement important chez la personne âgée. Si l'obésité est un facteur de risque de mauvais vieillissement - par le biais des pathologies cardio-vasculaires, de l'arthrose et d'autres maladies chroniques -, la maigreur est, elle aussi, un élément péjoratif. Ainsi, l'indice de masse corporel optimal est plus élevé chez le sujet âgé que chez l'adulte jeune : entre 23 et 27 kg/m<+>2<+>. Contrairement à une idée largement répandue, les dépenses énergétiques de la personne âgée sont augmentées, du fait d'un moins bon rendement des nutriments et d'une dysrégulation du métabolisme protéique. Ces constatations ont conduit récemment les autorités de santé à augmenter les apports nutritionnels conseillés (ANC) du sujet âgé à 36 kcal/kg/j.
Maintenir un poids stable consiste donc surtout à lutter contre la dénutrition et la malnutrition. Ce d'autant que les changements physiologiques liés au vieillissement peuvent atteindre les capacités à s'alimenter : satiété précoce, dysrégulation de la sensation de faim par déséquilibre entre leptine et ghréline, perte du goût, trouble de la mastication. Tous ces facteurs sont accrus par l'isolement social et la monotonie des repas. Les solutions proposées sont de relever le goût des plats par l'utilisation d'aromates, proposer une alimentation enrichie, permettant de réduire le volume à ingérer, et lutter contre la solitude et la précarité financière. L'apport en énergie doit se faire de façon privilégiée par les sucres à faible index glycémique, comme les « graines » et les féculents, même chez les sujets diabétiques.

Lutter contre la sarcopénie
Un poids stable peut parfois être faussement rassurant. En effet, avec l'avance en âge la masse musculaire diminue au profit de la masse grasse, aboutissant parfois à un état d'obésité sarcopénique. Rappelons que la sarcopénie correspond à une baisse de la masse et de la force musculaire. Elle fait partie du vieillissement normal, mais elle est accélérée par tout processus pathologique, et en particulier la dénutrition et les épisodes inflammatoires. Elle est associée à une augmentation du risque de chutes, de troubles de l'équilibre et de la marche. Les capacités de synthèse protéique diminuent avec l'âge et il existe une séquestration splanchnique d'acides aminés, les rendant moins disponibles en circulation périphérique. Lutter contre la sarcopénie nécessite de conserver un apport conséquent en protéines animales, de bonne valeur biologique et rapidement absorbées. Un enrichissement en leucine, acide aminé spécifique impliqué dans la synthèse musculaire, peut être envisagé. Par ailleurs, certains auteurs ont proposé de concentrer la majeure partie des apports protéiques lors d'un même repas, afin de dépasser la séquestration splanchnique et de favoriser la synthèse protéique. Toutes ces mesures doivent être associées à la pratique d'un exercice physique quotidien, participant au maintien d'une masse musculaire suffisante.

Rôle anti-inflammatoire des acides gras oméga 3
Autre domaine dans lequel la nutrition intervient, l'insulinorésistance, l'inflammation et le stress oxydatif, tous trois associés au vieillissement. L'insulinorésistance est accrue par les pathologies de surcharge, l'excès de consommation d'acides gras saturés et le manque d'activité physique, et est limitée par un statut équilibré en chrome.
L'état inflammatoire, plus prolongé chez le sujet âgé que chez l'adulte jeune, par activation chronique du système immunitaire et dysrégulation de la production de cytokines, est en partie favorisé par un apport trop important en acides gras polyinsaturés oméga 6. L'acide linoléique (n-6) est transformé dans l'organisme en acide arachidonique, qui favorise l'agrégation plaquettaire et l'inflammation. Ainsi, si les apports en graisses saturées et en acides gras trans doivent être limités, l'équilibre entre oméga 6 et oméga 3 est également important. Les ANC pour les omégas 3 ont été revus à la hausse chez les sujets âgés (1,5 g/j d'acide a-linolénique), portant le rapport optimal (n-6/n-3) à 5. Des études portant sur des sujets très âgés ont montré le rôle clé du métabolisme lipidique comme prédisposition à la longévité.
Enfin, le stress oxydatif, cause majeure de vieillissement accéléré, est responsable d'une accumulation de dommages au niveau lipidique, protéique mais aussi de l'ADN. Un grand nombre de pathologies, parmi lesquelles le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les démences ou le déclin de la fonction immunitaire, seraient favorisées par une production de radicaux libres dépassant les capacités de défense anti-oxydante. Le stress oxydatif peut être prévenu par un apport alimentaire en vitamines et minéraux anti-oxydants, comme les vitamines E, C et B9, le sélénium ou encore les polyphénols. Cependant il est important de savoir que les anti-oxydants peuvent devenir pro-oxydants quand ils sont employés à dose élevée inadaptée, notamment dans leur action anti-apoptotique, qui peut avoir un effet négatif dans la survenue de certains cancers. C'est pourquoi la prévention des carences repose avant tout sur une alimentation équilibrée, en évitant la prescription de suppléments alimentaires globaux inadaptés, potentiellement délétères.

Un statut optimal en micronutriments
Le rôle des micronutriments dans le processus de vieillissement commence, en effet, à être mieux connu. Si les déficits en minéraux sont habituellement bien appréhendés en pratique clinique, les données concernant les oligo-éléments (sélénium, zinc, chrome...) sont beaucoup moins évidentes et l'évaluation des besoins encore difficile. Les déficits en micronutriments apparaissent rapidement chez la personne âgée, dus à une pathologie ou à une médication mais aussi à des modifications physiologiques du tractus gastro-intestinal, perturbant leur absorption et leur biodisponibilité. Les déficits les plus fréquemment rencontrés sont ceux en sélénium, en vitamines C, D et en folates. Un apport alimentaire quotidien inférieur à 1 500 kcal/j ne permet pas d'obtenir un statut optimal en vitamines et minéraux.
Chaque micronutriment a souvent une action sur plusieurs aspects du vieillissement. Ainsi, le sélénium, présent dans les aliments d'origine animale, a un rôle essentiel dans la lutte contre le vieillissement. En plus de son effet anti-oxydant, luttant contre les pathologies cardio-vasculaires et le déclin cognitif, il intervient dans la synthèse des hormones thyroïdiennes, dans l'immunomodulation et la détoxification des métaux lourds.
L'étude multidisciplinaire « Healthy Aging : Longitudinal study in Europe » (HALE), conduite dans onze pays européens, a pu mettre en évidence les déterminants d'un vieillissement réussi, chez des volontaires en bon état de santé physique et psychique, ayant atteint une grande longévité. Parmi les conseils qui peuvent être retenus de cette étude, s'alimenter selon un modèle « méditerranéen » semble constituer une nutrition équilibrée, combinant la plupart des facteurs positifs de vieillissement.

D'après une intervention du Pr Monique Ferry, espace Prévention Senior / INSERM U557, université Paris XIII, lors de la 48e Journée annuelle de nutrition et de diététique.


&gt; Dr Camille Cortinovis

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8326