L’évaluation du risqu de fracture dans l’ostéoporose devra désormais tenir compte de la densité minérale osseuse (DMO), des facteurs de risque associés et de la cyphose dorsale. Quant à la piste génétique, il n’existe point de test pour le moment, mais un support pour une meilleure connaissance de la maladie.
L’ostéoporose voit ses stratégies thérapeutiques évoluer, depuis que son objectif de santé publique a été clairement défini en la prévention des fractures (Loi 2004-806 du 9 août 2004). Ses traitements médicamenteux ont fait l'objet d’avis de la Haute Autorité de santé au Journal Officiel du 11 octobre 2006 qui s'est prononcée pour une extension de leur remboursement jusqu’alors limité à l'ostéoporose avec fracture. Ces avis, ainsi que le remboursement de l'ostéodensitométrie en présence de facteurs de risques d’ostéoporose (permettant le diagnostic d'ostéoporose avant le stade des fractures), ont ouvert la voie à la prise en charge de la prévention des fractures.
Evaluer le risque de fracture
Le risque fracturaire et donc la décision thérapeutique sont sous-tendus par la faible résistance osseuse, dont la densité minérale osseuse n’est pas le seul déterminant. Ces deux dernières décennies, la dichotomie reposant sur le seuil fracturaire de 2,5 DS mesuré par la densité minérale osseuse avait fait manquer beaucoup de patients qui auraient mérité d’être traités. Depuis 2006, la Haute Autorité de santé a fait évoluer ses recommandations, pour que soit pris en compte l’ensemble des facteurs de risque de fracture, dans une appréciation globale du patient : la densité minérale osseuse, mais aussi l’âge, les
antécédents personnels de fractures par fragilité (encore insuffisamment pris en considération, cf. Le Généraliste n° 2463 du 10 octobre 2008), et d’autres facteurs de risque de fracture. Les facteurs de risque de fracture mélangent des facteurs de risque d’ostéoporose, des facteurs de chute, et des causes d’ostéoporose secondaire. Aussi, en préalable à tout traitement d’ostéoporose, la recherche d’une cause à traiter est indispensable.
L’outil FRAX, développé par l’Organisation mondiale de la santé, intègre les facteurs de risque cliniques
– âge, sexe, indice de masse corporelle, antécédents personnel et familial de fracture, tabagisme, alcoolisme, corticothérapie actuelle ou passée pendant plus de trois mois à une dose de prednisolone de 5 mg par jour ou plus, polyarthrite rhumatoïde, ostéoporose secondaire (diabète de type 1, ostéogénèse imparfaite, hyperthyroïdisme de longue date non traité, hypogonadisme ou ménopause prématurée avant 45 ans, malnutrition chronique, malabsorption et maladies chroniques du foie) – et la densité minérale osseuse au col fémoral. Cet outil simple et ludique permet l’évaluation du risque individuel global de fracture à dix ans, au-delà du seul chiffre de densité minérale osseuse.
Depuis l’an dernier, FRAX est accessible sur Internet en modèle imprimable ou sous forme de formulaire
de calcul automatique en ligne (www.shef.ac.uk/FRAX/tool_FR.jsp?locationValue=12).
Plusieurs versions ont été élaborées à partir de cohortes dans différents pays. Celle qui est applicable à la population française ne distingue toutefois pas les minorités ethniques, contrairement aux versions utilisables aux Etats-Unis.
Mais l’outil FRAX a ses limites : il ne prend pas en compte les fractures multiples, ni les facteurs de risque de chute, ne permet pas de donnée spécifique sur le risque vertébral, et ne tient pas compte des facteurs de qualité osseuse. En outre, il s’agit d’un index quantitatif mais dont le seuil de décision thérapeutique n’est pas déterminé et nécessite encore une réflexion collégiale. Ainsi, doit-on proposer le seuil des essais cliniques avec un risque de fractures à dix ans de 15 à 20 % pour le rachis, de 5 à 7,5 % pour la hanche
et de 10 à 15 % pour les fractures non vertébrales ? Ou bien le seuil économique puisqu’il semblerait qu’il y ait un rapport coût-efficacité intéressant à 7 % ? Son utilisation laisse donc une large part au jugement du médecin, elle a un intérêt pédagogique permettant d’attirer l’attention sur les facteurs de risque de fracture, et en particulier les facteurs réversibles.
L’utilisation de FRAX est inutile en cas d’indication thérapeutique indiscutable : fractures, T-score très bas,
corticothérapie à forte dose. Elle est probablement intéressante dans certaines situations limites (femmes ostéopéniques – au T-score compris entre -2,5 et -1 – avec un nombre limité de facteurs de risque).
Dans tous les cas, l’index FRAX doit être complété par l’évaluation individuelle du risque de chute, et par la recherche d’une perte de taille. La cyphose dorsale est depuis peu reconnue comme un facteur de risque, en soi, des fractures vertébrales. A partir de l’analyse des groupes placebo des études SOTI et TROPOS, un index de cyphose dorsale basé sur des mesures d’après radiographie de profil du rachis dorsal a été développé, et permet aujourd’hui de corréler la relation entre le degré de cyphose et le risque de fracture. En pratique, une perte de taille de 3 cm ou plus est le signe d’appel de la cyphose et doit motiver la recherche de fractures prévalentes par des radiographies dorso-lombaires, et éventuellement la mesure de la densité minérale osseuse. Enfin, lorsque les progrès de l’imagerie le permettront en pratique courante, l’évaluation du risque devra intégrer des outils d’évaluation de la qualité osseuse.
Quantifier les facteurs de risque de mauvaise observance
Il est important d’apprécier et de travailler la motivation du patient, la majorité des thérapeutiques nécessitant une bonne adhésion au traitement pendant au moins quatre à cinq ans.
En vue de réduire le risque de mauvaise observance, le terrain médical, le contexte clinique (signes climatériques…), les contre-indications, la tolérance au traitement, la perception de la maladie entrent en ligne de compte pour adapter le choix de la molécule, les modalités d’administration (fréquence des prises, forme d’administration per os ou injectable), et le suivi. Aborder le terrain de l’ostéo-
porose avec le patient permet aussi d’asseoir les conseils hygiéno-diététiques (marche, apports calciques), voire une supplémentation vitamino-calcique.
L’approche du risque génétique
La comparaison de jumelles caucasiennes monozygotes et dizygotes, a permis de montrer qu’un lien génétique pourrait expliquer environ un tiers de la variation inter-individuelle de la perte osseuse. Mais un éventuel test de dépistage génétique n’est pas encore à l’ordre du jour. En revanche, les études génétiques ont permis de mettre en évidence un certain nombre de gènes associés avec la densité osseuse (ESR1, OPG et RANKL), dont le suivi permet de mieux comprendre la physiopathologie de l’ostéoporose, d’adapter le choix de la molécule en fonction de son mode d’action et du profil de patient, et a ouvert des voies vers de nouvelles cibles de traitement. La diversité de la palette thérapeutique s’appuie aujourd’hui sur une logique basée sur l’effet des molécules en fonction de la physiopathologie de la maladie, et se partage en trois grandes familles : les réducteurs de la résorption osseuse (biphosphonates, SERMs, THS), les ostéoformateurs (PTH, tériparatide), les « mixtes » équilibrant la balance ostéoformation/résorption (ranélate de strontium). Enfin, l’arrivée des biothérapies est proche, avec la publication récente des études de phase III du dénosumab dans l’ostéoporose postménopausique, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le RANK-ligand, qui bloque l’activation des ostéoclastes, diminuant donc la résorption osseuse.
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