NÉGATION des risques, laxisme préventif, pathologies respiratoires et demande de réparation. Les ingrédients réunis dans ce drame humain en rappellent un autre toujours en attente du grand procès pénal susceptible de clore le dossier : l'affaire de l'amiante. Journaliste pour le magazine « Viva », Jacqueline Maurette, spécialiste des questions de santé au travail, connaît bien ce dossier. Ce n'est donc pas un hasard si ses investigations l'ont conduite outre-Atlantique à la rencontre des malades, associations de malades et scientifiques afin de comprendre comment et pourquoi la première puissance économique du monde a failli à ses obligations de protection sanitaire.
Rappel des faits : le déblaiement des ruines du World Trade Center démarre le lendemain même de l'attentat, «dans une fournaise d'acier, de verre et de béton, noyée dans une fumée dense, opaque, irrespirable», souligne l'auteurE. Au gré des vents, le nuage empoisonné flotte sur le sud de Manhattan. Pourtant, le 18 septembre 2001, l'EPA (Environmental Protection Agency) communique sur le thème «L'air est sain». Peu importe que les secouristes et ouvriers aient littéralement la sensation de «manger de la poussière», puisque la directrice de l'EPA région 2 affirme qu'il n'y a pas de «problème de santé publique», raconte Jacqueline Maurette. Selon elle, trois acteurs institutionnels majeurs ne cesseront pas «de minimiser, voire nier le danger» : l'EPA, l'Osha (Occupational Safety and Health Administration), chargée de la sécurité sanitaire et de la santé au travail, et enfin l'ancien maire de New York, Rudolph Giuliani.
Le chantier de tous les dangers.
Sur la base de multiples études épidémiologiques et scientifiques référencées dans son ouvrage, la journaliste rappelle qu'il s'agissait pourtant d'un des chantiers les plus dangereux jamais mis en oeuvre aux Etats-Unis. Sauveteurs, ouvriers, agents de nettoyage et habitants ont été soumis, des mois durant, aux poussières d'amiante, aux particules de benzène, de dioxine, de plomb, etc. Une «soupe toxique», résume la journaliste.
Alors, pourquoi ce mensonge d'Etat ? Parce que le premier souci des agences gouvernementales semblerait d'avoir été «de rouvrir la Bourse et de remettre en marche le coeur financier de la planète. Quitte à sacrifier les héros», soutient Jacqueline Maurette. Aujourd'hui, les victimes, atteintes de pathologies respiratoires invalidantes, demandent réparation. Le 10 septembre 2004, huit cents d'entre elles ont déposé un recours collectif ; actuellement, près de 8 000 poursuites sont en cours devant différentes instances judiciaires. Selon leurs avocats, c'est un milliard de dollars (770 millions d'euros) qui serait nécessaire pour mettre en place un protocole de surveillance et de soins pour toutes les personnes concernées. En novembre 2006, l'administration Bush a finalement « lâché » 75 millions de dollars (57,7 millions d'euros) pour les soins. Mais le compte est loin d'être bon.
« Les Héros sacrifiés du World Trade Center », Jacqueline Maurette, Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 205 pages, 17,90 euros.
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