Dans certaines situations, le diagnostic d'une douleur neuropathique nécessite la réalisation d'une exploration neurophysiologique. Les potentiels évoqués laser (PEL) ont des avantages par rapport aux autres examens électrophysiologiques. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ils n'appartiennent pas au domaine de la recherche : dans l'expérience stéphanoise présentée par le Dr Christelle Créac'h, près des trois quarts des demandes sont à visée diagnostique.
LES DOULEURS neuropathiques sont des douleurs chroniques secondaires à une lésion affectant le système neurosensoriel. Elles peuvent être appréhendées sous un angle très clinique, fondé sur leurs caractéristiques et les résultats de l'examen clinique. Mais cette approche se révèle parfois trop restrictive, d'une part, parce que l'examen clinique peut varier chez un même sujet à différents moments et, d'autre part, en raison d'une discordance possible entre la clinique et l'imagerie. Une exploration neurophysiologique est alors justifiée.
Parmi les tests électrophysiologiques disponibles, l'électromyogramme (EMG) et les potentiels évoqués somesthésiques (PES), qui n'explorent que les grosses fibres, sont souvent normaux, et l'exploration par QTT (Quantitative Thermal Testing) est uniquement subjective. « Les potentiels évoqués laser constituent le seul examen électrophysiologique non invasif permettant une exploration subjective et objective des voies véhiculant les perceptions thermiques et douloureuses », souligne le Dr Créac'h. Ils ont une bonne reproductibilité et peuvent être utilisés quel que soit le dermatome cutané.
Attention et distraction.
Chez le sujet sain, l'amplitude des PEL est corrélée avec l'intensité de la stimulation et la perception douloureuse. Elle est augmentée par l'attention sélective lors de la stimulation et diminuée par la distraction. En cas de douleur neuropathique, il existe une diminution de l'amplitude – reflet de la désafférentation – non liée à l'intensité de la douleur chronique (1).
Les PEL ne sont pas de la recherche, comme le confirme l'analyse d'une série de 266 examens réalisés à Saint-Étienne. Les trois quarts des demandes (74 %) sont à visée diagnostique.
Elles émanent de cliniciens posant des questions très précises portant, principalement, sur des douleurs périphériques distales (33 % des cas), des douleurs centrales (26 %) ou des situations de douleurs mixtes et d'incertitude diagnostique (25 %).
Dans l'exploration des polyneuropathies (PN), les PEL permettent d'objectiver et de quantifier l'atteinte respective des petites et des grosses fibres, d'estimer l'évolutivité de la PN, de rechercher un gradient distal/proximal et d'objectiver les neuropathies des petites fibres.
En ce qui concerne les PN mixtes, les études menées dans différentes populations (VIH, diabétiques…) montrent des taux d'anomalies des PEL très variables avec, le plus souvent, une absence des PEL, voire un allongement de la latence. Dans la pratique, si l'on a déjà un diagnostic, cette exploration n'a pas beaucoup d'intérêt en clinique. En revanche, elle est intéressante dans les suspicions de neuropathies des petites fibres au cours de pathologies de type amylose ou syndrome de Ross. Les PEL permettent parfois de corriger le diagnostic clinique, par exemple dans les atteintes exclusives des grosses fibres (2). Ils constituent certainement une alternative à la biopsie.
Dans les mononeuropathies, les PEL sont encore du domaine de la recherche. La preuve est apportée par d'autres examens. Ils peuvent néanmoins être utiles dans certains cas de lésions post-traumatiques. Des données existent également dans les névralgies postzostériennes, mais, dans la série stéphanoise, elles n'ont fait l'objet d'aucune demande.
Douleurs centrales.
Chez les patients présentant des douleurs centrales, comme pour les neuropathies, si l'imagerie est parlante et la clinique cohérente, il n'est pas nécessaire de réaliser des PEL, sauf dans le cadre d'études physiopathologiques.
Ils peuvent toutefois être intéressants dans les atteintes médullaires post-traumatiques et la syringomyélie. La mise en évidence d'une atteinte spinothalamique par les PEL a parfois un intérêt médico-légal majeur. Enfin, ils constituent un outil potentiel de diagnostic dans les névralgies du trijumeau (3).
Les PEL ont donc un intérêt clinique incontestable, à condition de poser les bonnes indications. Les suspicions de neuropathies des petites fibres et la discordance entre la clinique, l'électromyographie et l'imagerie constituent les meilleures indications pour le clinicien. Cet examen est actuellement limité par son coût et sa « jeunesse » justifiant la poursuite des études chez les patients.
Réunion de la Société de neurophysiologie clinique de langue française. D'après la communication du Dr Christelle Créac'h, service de neurophysiologie, CHU de Saint-Étienne, Inserm U879, lors d'une réunion de la Société de neurophysiologie clinique de langue française..
(1) Garcia-Larrea L et al., Brain 2002;125(Pt 12):2766-81.
(2) Lefaucheur JP et al., J Neurol Neurosurg Psychiatry2004 ; 75 : 417-22.
(3) Cruccu G et al., Neurology 2001 ; 56 : 1722-6.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature