LES CHERCHEURS ont prévenu le gouvernement. Jusqu'au 9 mars, date butoir à laquelle les directeurs de labos remettront collectivement leur démission si aucune de leurs revendications n'est satisfaite, ils multiplieront les actions. Cette semaine, le mouvement a pris une nouvelle ampleur avec le soutien de quatre associations de malades, et non des moindres, Ligue contre le cancer, Aides, Association française contre les myopathies et Alliance contre les maladies rares. Chaque association a sa voix mais le cri est unique : « Nous ne pallierons pas les déficiences de l'Etat. »« Nous nous sommes retrouvés spontanément tous les quatre, explique le Pr Henri Pujol, président de la Ligue contre le cancer. Ce qui nous réunit, c'est le malade, c'est la souffrance. Si l'on interroge un cancérologue optimiste, celui-ci dira que, aujourd'hui, environ 40 à 45 % des cancers sont guéris. Il y a donc au moins 55 % de périmètre pour la recherche. Le caritatif est une valeur ajoutée qui doit s'appuyer sur un financement public conséquent et garanti », souligne-t-il. « Quel est l'avenir de notre pays, codécouvreur du virus du sida, s'interroge Christian Saout, président de l'association Aides. Je reçois des appels de chercheurs qui me disent qu'ils ne peuvent pas engager de personnels pour continuer leurs recherches. Je n'ai pas rêvé, mon téléphone a vraiment sonné. Les deux tiers des chercheurs ont signé une pétition : je ne crois pas à une erreur collective », dit-il.
Olivier Nègre, de l'Alliance maladies rares (qui relie 130 associations), embraye : « Les grands programmes nationaux (comme celui du cancer) sont difficilement couverts, alors que reste-t-il pour les petites associations ? » Juliette Dieusaert, présidente de l'Association française de l'ataxie de Friedreich, témoigne d'une grande inquiétude : « Les crédits 2002 n'ont toujours pas été affectés aux équipes qui travaillent sur la maladie. » Et de citer le Pr Agid, le Pr Mandel et le Pr Munnich. « Nous avions trois pistes importantes de recherche pour lesquelles deux candidats étaient proposés : l'un est parti en Suisse, l'autre dans le privé. Amputer les crédits de recherche, c'est amputer l'espoir des malades. » La médiatique AFM n'est pas mieux disposée : « L'argent du Téléthon n'est pas de l'argent public mais de l'argent du public, prévient Laurence Tiennot-Herment. Une recherche publique forte engendre une recherche privée forte », affirme-t-elle.
Financement privé sans but lucratif.
De son côté, la Fondation pour la recherche médicale (FRM) a annoncé un plan d'urgence d'aide aux jeunes chercheurs. « Nous ne voulons pas nous substituer à l'Etat mais, face à la détresse et à l'inquiétude des chercheurs, nous pensons qu'entre fonds publics et financement par l'industrie, il existe une troisième voie le financement privé sans but lucratif », explique le président de la FRM, Pierre Joly. La FRM prévoit d'aider cette année quinze jeunes chercheurs en attente de recrutement et « confrontés aux restrictions de postes à l'Inserm ». Ce soutien concerne de jeunes scientifiques déjà aidés par la fondation en 2003.
Par ailleurs, « en attendant que des solutions soient apportées à la crise actuelle », la FRM met en place une aide pouvant aller jusqu'à trois ans pour des post-docs en poste à l'étranger afin de leur permettre de démarrer en France « des programmes ambitieux ». Une dizaine de personnes pourraient être concernées cette année. La Fondation a également décidé de financer sur trois ans des médecins (internes et chefs de clinique) et pharmaciens qui souhaiteraient faire une thèse de sciences. Ce nouveau type de soutien fera désormais partie du programme permanent de la fondation. La FRM va enfin mettre en place une action à long terme pour attirer de jeunes scientifiques vers l'allergologie, domaine qu'elle juge délaissé.
Après deux ans de bataille, le mouvement de protestation des chercheurs prend un nouvel élan que le gouvernement aura bien du mal à ignorer.
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