LE 6 DECEMBRE 2005, à l’Assemblée nationale, une question orale est posée au ministre de la Santé, Xavier Bertrand : «Les associations dénoncent l’insuffisance du plan de recrutement de nouveaux donneurs, annoncé le 18novembre 2004 par Philippe Douste-Blazy.Ce plan a pour objet de “rendre la greffe de moelle osseuse accessible à davantage de patients” ; mais il s’agit d’un plan de recrutement...sur dix ans, à raison de 10000nouveaux donneurs par an seulement. C’est une mascarade!»
Les familles de malades atteints de leucémie exprimaient ainsi leur indignation face au plan Greffe 2005-2015 dit plan Douste-Blazy, jugé «inacceptable pour les familles de malades en attente de greffe».
Consternant.
Plus de cinq mois plus tard, les associations, unies dans la coordination France Moelle Espoir (FME) ont décidé d’interpeller gouvernement et parlementaires sur la situation de la greffe et du don de moelle osseuse en France, en rendant public un bilan, réalisé par leurs soins, et pour le moins affligeant.
«L’état actuel du Fichier français des donneurs volontaires de moelle est consternant», accusent les associations. Le fichier compte à ce jour 135 500 donneurs. Fondé en 1986, il figurait parmi les pionniers dans le monde. Il passe au rang des plus faibles, déplore le rapport. Cent trente-cinq mille donneurs, c’est vingt fois moins qu’en Allemagne, pays comparable en volume global d’indications de greffes. C’est 0,22 % de la population française, alors que les donneurs volontaires allemands représentent 3,24 % de la population globale. Même le taux d’accroissement du recrutement de donneurs (48 % en France) place notre pays au septième rang mondial, derrière l’Allemagne (200 %), la Grande-Bretagne (147 %), l’Espagne (133 %), l’Autriche (124 %), les Etats-Unis (89 %) et l’Italie (52 %). «En Allemagne, on recrute en quatre mois les 100000donneurs que nous prévoyons de recruter en dix ans chez nous», insistent les associations. Il y a environ 500 malades français chaque année qui ne sont pas greffés et qui le seraient s’ils étaient allemands, traduisent les rapporteurs. Sur 308 malades français greffés grâce à un donneur non apparenté, on voit que, pour 205 d’entre eux, la moelle osseuse provient d’un donneur étranger (donneur international) et pour seulement 62 greffés, la moelle vient d’un donneur français. En Allemagne, 80 % des greffes proviennent de donneurs allemands.
Une erreur, voire un mensonge.
«Avec un fichier très faible, peu représentatif, peu efficace, qui ne fournit une solution thérapeutique qu’à un petit nombre de malades... Avec très peu de greffes non apparentées réalisées, même en s’appuyant sur les fichiers étrangers, la France n’offre pas les meilleures chances thérapeutiques aux malades qui justifient d’une greffe de moelle osseuse», résume le document. En novembre 2004, le ministère de la Santé lançait un plan Greffe gouvernemental. La coordination défait point par point les annonces y figurant. «Inscrire 10000donneurs par an pendant dix ans n’augmentera pas le fichier de 100000donneurs», réfute-t-elle. Entre 2001 et 2004, 35 000 nouveaux donneurs auraient été inscrits au fichier, ce qui s’est traduit par une augmentation sur la liste de 22 100 donneurs seulement car, dans le même temps, de nombreux donneurs sont sortis du fichier (limite d’âge, maladie, perdus de vue, etc.). «Espérer augmenter le taux de greffes de donneurs français de 25 à 50%, avec de si faibles moyens, est une erreur voire un mensonge», fulmine France Moelle Espoir.
La question de la représentation de la diversité des populations est une «réelle question», indique le rapport, «tant il vrai qu’un malade d’origine franco-française aura beaucoup plus de chances de trouver un donneur compatible dans le fichier français qu’un malade d’origine africaine ou métissée. Cependant, ce recrutement de donneurs d’origines géographiques variées n’a de sens qu’à partir d’un seuil quantitatif suffisant».
Le ministère de la Santé concluait son communiqué par une phrase que les associations ont du mal à digérer. «Malheureusement, expliquait le document ministériel, il y aura toujours des malades sans donneur, même si l’on typait la terre entière.» Des propos qui ont paru «choquants et insultants» aux familles qui voient mourir leur enfant non greffé faute de donneurs. «Bien sûr, nous savons que tous les malades n’auront pas de donneur. Cependant, la comparaison avec l’Allemagne nous montre l’indécence de ce propos.» Quatre cents malades en Allemagne ne peuvent être greffés, faute de donneurs ou autre raison contre mille en France. Enfin, les associations contestent le fait que la greffe de sang de cordon soit vue comme une «alternative». «Cette technique ne peut être présentée comme la panacée.»
France Moelle Espoir donne enfin un coup de grâce en dénonçant l’inexistence des campagnes de communication dans notre pays. «Il n’y a aucune information officielle grand public sur le don de moelle osseuse, hormis celle qui est pratiquée par les associations et les familles.»
Des donneurs sont refoulés.
La Coordination n’hésite pas à accuser les « officiels » de dénigrer ces campagnes car «elles pointent du doigt les carences des organismes officiels, elles discréditent l’Etat». Et elle ajoute : «Les centres d’accueil des donneurs sont tellement mal organisés qu’ils sont incapables de faire face à un flux important de donneurs. Des donneurs sont refoulés!» Le coût des typages serait tellement élevé en France, affirme encore la Coordination, que les centres n’ont toujours pas les budgets pour accueillir et inscrire tous les volontaires. Outre la mise en place de campagnes d’information grand public et la création d’un numéro d’appel gratuit, les associations de France Moelle Espoir réclament une amélioration des centres donneurs. Cela passerait notamment par la formation d’un plus grand nombre de médecins et l’optimisation des techniques de typage.
> AUDREY BUSSIÈRE
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