Périphérique et axial
Les arthropathies (« rhumatisme entéropathique ») des Mici font partie des spondylarthropathies (SPA) inflammatoires séronégatives [groupe qui comprend notamment le rhumatisme psoriasique, les arthrites réactionnel- les, la spondylarthrite ankylosante (SA) idiopathique (pelvispondylite rhumatismale)] et s’expriment par deux principaux tableaux : a) les arthropathies périphériques ; b) le rhumatisme axial (sacroiliites avec ou sans spondylite).
La distinction entre ces deux tableaux n’est qu’un schéma arbitraire, de nombreux patients avec atteinte axiale ayant des signes périphériques. L’expression clinique du rhumatisme entéropathique est illustrée dans le tableau 1 ; elle peut aussi comporter des signes périarticulaires (enthésopathies, tendinites).
1. Les arthropathies périphériques
Les arthrites se traduisent par des arthralgies avec gonflement articulaire. Depuis 1998, il est convenu de les classer en deux types, mono- ou pauciarticulaire et polyarticulaire, dont les principales caractéristiques figurent dans le tableau 2 : typiquement, l’atteinte n’est ni déformante ni érosive.
L’arthrite clinique répond anatomiquement à une synovite, mais peut exister, surtout dans le type 1, une enthésite (inflammation de l’attache juxta-articulaire des ligaments, tendons et capsule) jugée comme la lésion primaire essentielle des SPA à l’échelon pelvi-vertébral et périphérique. Ainsi, certaines monoarthrites de type 1, associées à une tendinite du pied (tendon d’Achille, fascia plantaire) ou du genou, sont-elles l’expression d’une SPA.
Les arthrites surviennent dans 2,5 à 16 % des cas de Mici, plus souvent dans la MC que dans la RCH. Elles sont plus fréquentes dans la MC colique pure (16 %) que dans celle – isolée ou associée – du grêle (3-4 %). Elles apparaissent après (de 75 à 80 % des cas) bien plus souvent qu’avant (10 %) ou lors (15 %) du diagnostic de Mici. Les arthrites de type 1 accompagnent les poussées digestives. La proctocolectomie totale pour RCH induit la rémission des arthrites périphériques ; après anastomose iléo-anale avec poche, une polyarthrite aiguë symétrique avec atteinte axiale, de type réactionnel et similaire à celle observée après court-circuit jéjuno-iléal, est possible, mais rare.
Des arthralgies périphériques isolées sans signes cliniques inflammatoires sont également fréquentes (7-16 % des Mici), plus souvent dans la MC que dans la RCH (tableau 1).
2. Le rhumatisme axial
Il se traduit : a) soit par une SA de type idiopathique (de 1 à 8 % des Mici – de 1,2 à 8 % des MC et de 1 à 3 % des RCH – dans les grandes séries publiées) ; b) soit surtout par une sacroiliite isolée asymptomatique, uni- ou bilatérale, de découverte radiologique (de 11 à 25-35 % des Mici, selon que sont utilisées radiologie standard, tomodensitométrie ou IRM) ; c) soit encore par le large spectre clinique des SPA : douleurs vertébrales inflammatoires, synovites périphériques, dactylites et/ou enthésopathies. HLA-B27 est présent dans 50-70 % des Mici avec SA et, dans 40-50 % des cas, existent des arthropathies périphériques...
Le début et l’évolution de la Mici et de l’atteinte axiale sont indépendants : les signes axiaux précédent le plus souvent l’entéropathie de deux à neuf ans. Le siège, l’étendue de la Mici ou de ses complications (sténoses, fistules digestives) n’affectent pas l’évolution de la spondylite ni de la sacroiliite.
3. Relations
Relations physiopathologiques arthropathies-Mici.
De 50 à 70 % des patients ayant une SA associée à une Mici ont l’allèle HLA-B27 (66 % dans la SA de la RCH ; 53 % dans celle de la MC), donc moins souvent que dans les SA idiopathiques (90 %). Une spondylite est plus souvent associée à HLA-B27 que ne l’est une sacroiliite isolée.
Seuls 6,5 % des patients ayant une SPA sans signes digestifs d’appel développeront in fine une Mici avérée.
Les arthrites périphériques de type 1, contrairement au type 2, peuvent être associées à HLA-B27 (26 %). Ces deux types diffèrent aussi par la fréquence d’HLA-B35, DRB1*0103, et B44 (tableau 2).
L’hypothèse d’une liaison entre entéropathie et arthrite a conduit au concept « d’itéropathie intestin-articulations » impliquant la recirculation de cellules T mémorisées, spécifiques d’antigènes notamment bactériens.
L’augmentation de la perméabilité intestinale y joue certainement un rôle central. Le rôle d’HLA-B27 est, probablement aussi, essentiel : l’action première des molécules de classe I, comme HLA-B27, est de fixer des peptides issus de la protéolyse intracellulaire et de les présenter, à la surface des cellules présentatrices d’antigènes, aux T-CD8 cytotoxiques.
L’autoréactivité de ces T-CD8 viendrait d’un autopeptide arthritogène, peut-être dérivé de l’articulation et du cartilage de l’enthèse ; pourrait être impliquée une réactivité croisée avec des peptides d’origine bactérienne, par exemple la nitrogénase de Klebsiella pneumoniae.
Les peptides dérivés d’HLA-B27 lui-même pourraient aussi être directement arthritogènes, voire avoir des propriétés proinflammatoires non liées à la présentation d’antigènes.
4. Traitement
Traitement des arthropathies associées aux Mici.
En cas d’atteinte axiale, la plupart des patients répondent aux Ains, dont la prescription doit être vigilante vu leur toxicité digestive, gastroduodénale et intestinale (poussées de Mici, ulcérations intestinales). La physiothérapie et les mesures orthopédiques sont importantes. L’efficacité de la sulfasalazine est peu nette ou nulle sur l’atteinte axiale. L’infliximab peut trouver une indication articulaire parallèlement à celle de l’entéropathie si celle-ci est sévère et réfractaire ; l’étanercept n’est pas efficace sur les lésions intestinales de la MC.
Les arthrites périphériques peuvent répondre à la sulfasalazine (dans la RCH), mais une corticothérapie est in fine souvent nécessaire : elle pourra être locale, si l’atteinte est pauci- ou surtout monoarticulaire et si la Mici n’impose pas une corticothérapie générale. Si l’atteinte est polyarticulaire, la voie générale est nécessaire ; après la dose d’attaque, une dose d’entretien minimale (≤ 10 mg/j de prednisone) est à ne pas dépasser surtout si le contrôle du rhumatisme impose l’association à des Ains.
L’infliximab peut être indiqué par le caractère réfractaire de l’entéropathie. Les immunosuppresseurs de type azathioprine, efficaces dans la prévention des poussées intestinales, notamment de MC, peuvent simultanément prévenir celles des arthrites périphériques de type 1.
Tableau 1. Arthropathies au cours de la maladiede Crohn et de la RCH : expression clinique | |||
TYPE DE L' ARTHROPATHIE | RECTOCOLITE HEMORRAGIQUE (976 PATIENTS) | MALADIE DE CROHN (483 PATIENTS) | RCH + CROHN (1 459 PATIENTS) |
Arthrites périphériques | 6 % | 10 % | 7,4 % |
Arthralgies sans signes cliniques inflammatoires | 5,3 % | 13 % | 7,8 % |
Spondylarthrite ankylosante typique | 0,9 % | 1,2 % | 1 % |
Douleurs vertébrales de type inflammatoire | 3,5 % | 8,7 % | 5,2 % |
Total | 15,7 % | 32,9 % | 21,4 % |
Statistique sur 1 459 patients, daprès T. R. Orchard et coll. « Gut » 1998 ; 42 : 387-391. |
Tableau 2. Classification des arthrites périphériques des Mici : 1 459 patients | |
TYPE 1 : ATTEINTE PAUCIARTICULAIRE | TYPE 2 : ATTEINTE POLYARTICULAIRE |
4,4 % des Mici (Crohn 6 %, RCH 3,6 %) | 3% des Mici (Crohn 4 %, RCH 2,5 %) |
< 5 articulations | >= 5 articulations |
Atteinte asymétrique (genoux et chevilles surtout, plus rarement coudes et poignets) | Atteinte symétrique de petites articulations (MP, IPP), puis poignets, coudes, genoux... |
Poussées autolimitées (durée < 10 semaines) | Durée prolongée (de mois à années) |
Contemporaines des poussées digestives | Indépendantes des poussées digestives |
Autres manifestations extradigestives fréquentes : érythème noueux, uvéite HLA-B27 : 26 % HLA-B35 : 33 % HLA-B44 : 12 % |
Association manifestations extradigestives rares sauf uvéite HLA-B27 : 4 % HLA-B35 : 7 % HLA-B44 : 62 % |
Daprès T. R. Orchard et coll. « Gut » 1998 ; 42 : 387-391. IPP : interphalangiennes proximales ; MP : métacarpophalangiennes. |
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