AVANT, C'ÉTAIT simple. L'expression génétique était un processus linéaire au cours duquel une séquence d'ADN codant pour un gène était transcrite en ARN messagers, eux-mêmes traduits en protéines. Et puis la découverte du phénomène de l'interférence ARN est venue compliquer le tableau. Il est alors apparu que certains ARN codés par le génome participent à la régulation de l'expression génétique en empêchant la traduction d'ARN messagers.
Aujourd'hui, une étude japonaise révèle que les choses sont probablement encore plus compliquées. Les ARN messagers ne seraient pas uniquement des intermédiaires nécessaires à la transformation d'une information génétique en produits protéiques fonctionnels, ils joueraient, en outre, un rôle actif dans le contrôle de l'expression génétique.
Kazuhito Rokutan et coll. de l'université de Tokushima ont en effet clairement démontré que la région non codante de l'ARN messager du facteur de croissance VEGF possède une activité oncogène intrinsèque, distincte de celle de la protéine. Si les mécanismes d'action médiant cet effet restent à préciser, tout indique qu'ils passent par la régulation de l'expression d'autres gènes.
La région non codante de l'ARN messager.
La surexpression du VEGF est associée à de nombreux cancers. Ce facteur de croissance agit sur les tumeurs en favorisant leur survie et en stimulant leur angiogenèse. Plusieurs approches antitumorales se fondant sur l'administration de molécules capables d'inhiber la fonction de la protéine VEGF ont été mises au point. Cependant, les essais cliniques ont donné des résultats plutôt décevants. La survie des patients n'est pas améliorée par les anti-VEGF lorsqu'ils sont administrés seuls.
C'est en tentant de comprendre ce phénomène que Rokutan et son équipe ont découvert un rôle inattendu de l'ARN messager du VEGF. Les chercheurs ont observé que l'effet anti-apoptotique du facteur de croissance n'était maximal que si la cellule contenait les ARN messagers complets codant pour la protéine. Des expériences complémentaires les ont conduits à découvrir qu'un court segment non codant de cet ARN messager suffit à inhiber l'apoptose de manière significative. Ce seul segment entraîne une diminution de l'expression de plusieurs gènes proapoptotiques. L'ARN messager du VEGF aurait donc une fonction oncogène indépendante de sa traduction en protéines.
Cette découverte a deux implications. La première est d'ordre fondamental. Les ARN messagers pourraient bien constituer une nouvelle classe de régulateurs de l'expression génétique. Le cas du VEGF n'est en effet probablement pas isolé. Les auteurs ont d'ailleurs retrouvé dans la littérature quatre autres études décrivant des phénomènes similaires. La seconde est beaucoup plus pratique. Les travaux de Rokutan et coll. suggèrent que les stratégies de thérapies antitumorales se fondant sur le ciblage du VEGF doivent utiliser des molécules non seulement capables d'inhiber l'activité du facteur de croissance, mais aussi d'empêcher la synthèse de son ARN messager.
Masuda J et coll. « PLoS Medicine », mai 2008, vol. 5, e94.
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