LORS d'une lésion vasculaire, une hémostase immédiate se met en place pour empêcher la perte sanguine incontrôlée qui menacerait la vie. Cette hémostase est dirigée localement : l'endothélium lésé répond, les plaquettes s'agrègent et libèrent leur contenu granuleux, ce qui est suivi d'une cascade d'événements de la coagulation sanguine en local, pour assurer la fermeture puis la cicatrisation. C'est la phase de la coagulation dite de contact.
On sait donc que, dans les conditions habituelles, du matériel extracellulaire est libéré sur le site de la lésion à partir des cellules endommagées et des cellules qui participent à la réparation du tissu lésé.
La formation du thrombus pathologique.
En contact avec des protéines plasmatiques, des facteurs tissulaires (exprimés dans les couches profondes de la paroi vasculaire ou en association avec les plaquettes activées) induisent la formation de thrombine en l'espace d'une minute. La thrombine à son tour amplifie sa propre production par une activation directe de facteurs de la coagulation, facteurs XI et XII, et des facteurs protéiques non enzymatiques VIII et V. Cette phase de contact est la phase initiale du processus qui aboutit à la formation de fibrine, qui permet la fermeture de la plaie, nécessaire à la réparation tissulaire.
Christian Kannemeier et coll., Allemagne, se sont intéressés de près aux conséquences mécaniques et fonctionnelles de cette présence de matériel extracelluaire, qui ne sont pas comprises. Dans quelle mesure ces événements participent-ils à la formation du thrombus pathologique ?
«Nous présentons des arguments à partir d'observations in vivo et in vitro en faveur d'une participation des ARN extracellulaires: nous avons observé que différentes formes d'ARN eucaryotes et procaryotes servent de promoteurs de la coagulation sanguine.»
Prétraitement par ARNases.
Ils observent que les ARN extracellulaires augmentent l'autoactivation de protéases de la phase de la coagulation de contact : les protéases des facteurs de la coagulation XII et XI sont activées. Toutes deux présentent des liaisons fortes avec les ARN.
Les expérimentateurs ont aussi tenté chez l'animal (lapins) l'administration d'ARN exogènes. Ce qui a provoqué une réponse procoagulante significative.
Ils ont également travaillé sur un modèle de thrombose artérielle chez la souris. L'ARN extracellulaire en abondance est trouvé à proximité des thrombi riches en fibrine. De plus, un prétraitement par ARNases a retardé significativement la formation du thrombus occlusif, ce qui ne s'observe pas après prétraitement par ADNases.
«Des ARN extracellulaires, provenant de cellules endommagées ou nécrotiques que l'on rencontre dans certaines situations pathologiques, comme lors des blessures tissulaires, représentent les éléments naturels que l'on recherche depuis longtemps, sur lesquels les cascades de la coagulation de contact sont étayées», estiment Kannemeier et coll. Ces ARN pourraient représenter un cofacteur procoagulant qui permet l'activation et l'amplification des facteurs XII et XI, protéines de la phase de contact.
Hypercoagulabilité liée aux tumeurs malignes.
Ces observations semblent révéler une cible non encore explorée dans les interventions antithrombotiques. On peut imaginer contrecarrer le rôle des ARN extracellulaires par des ARNases ou des stratégies similaires. Par ailleurs, ces ARN ne participeraient-ils pas à l'hypercoagulabilité associée aux tumeurs malignes en étant relargués par les tissus cancéreux, ces «plaies qui ne cicatrisent pas», s'interrogent les auteurs ?
« Proc Natl Acad Sci », 10 avril 2007, vol. 104, pp. 6388-6393.
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