Le thalidomide a été réintroduit progressivement dans certaines indications dermatologiques et infectieuses, après son retrait mondial en 1961 du fait d'effets tératogènes majeurs et de nombreux cas de phocomélie (malformation congénitale des membres) observés chez les nouveau-nés de mères l'ayant pris en automédication pendant leur grossesse comme hypnotique. Un intérêt nouveau s'est manifesté en raison de ses propriétés immunomodulantes (effet anti-TNF-alpha) et anti-angiogéniques, objectivés récemment dans des affections inflammatoires et tumorales.
Des mécanismes d'action complexes
Les mécanismes d'action moléculaire du thalidomide restent incomplètement élucidés. Cependant, outre son action sédative non barbiturique initialement connue, il semble posséder deux propriétés majeures : il inhibe la synthèse du TNF-alpha (Tumor Necrosis Factor Alpha) et a montré un effet inhibiteur sur la néoangiogenèse, par inhibition du VEGF et du bêta-FGF (facteurs de croissance de l'angiogenèse et des fibroblastes). Par son action anti-angiogénique, le thalidomide induit hypoxie et nécrose intratumorales et empêche l'adhésion des cellules tumorales à la matrice extracellulaire, limitant ainsi la dissémination métastatique. L'effet anti-TNF-alpha et l'action antitumorale motivent la réalisation d'essais cliniques, d'une part, dans des affections inflammatoires (maladie de Crohn sévère, spondylarthrite ankylosante et polyarthrite rhumatoïde), et, d'autre part, dans le traitement des tumeurs malignes.
En France, le thalidomide n'a pas, à l'heure actuelle, d'autorisation de mise sur le marché. Il bénéficie d'autorisations temporaires d'utilisation (ATU) de cohorte pour cinq indications dermatologiques et infectieuses*. Des ATU nominatives sont attribuées pour toutes les autres pathologies, et notamment dans le myélome multiple, où l'efficacité du thalidomide s'est révélé plus intéressante.
Le thalidomide s'est révélé très efficace dans le traitement du myélome à un stade avancé, chez des patients réfractaires à la chimiothérapie usuelle.
Un taux de réponse biologie de 32%
En 1999, une étude en ouvert, utilisant le thalidomide en monothérapie, a montré un taux global de réponse biologique (réduction d'au moins 25 % du dosage du composant monoclonal sanguin ou urinaire) de 32 %. La plupart des patients reçurent, après une augmentation progressive de la posologie, 400 mg/j de thalidomide. D'autres études dans le myélome réfractaire ont confirmé ces résultats très favorables, liés, en grande partie, à l'effet anti-angiogénique du thalidomide.
Des études sont actuellement en cours visant à évaluer l'intérêt du thalidomide prescrit plus précocement. Il est étudié soit en association avec la chimiothérapie conventionnelle en traitement d'induction de première intention, soit en monothérapie en traitement d'entretien après traitement intensif par autogreffe de moelle osseuse afin de retarder la rechute, ou dans les myélomes indolents.
Les effets tératogènes du thalidomide sont les plus connus, à l'origine des conditions de prescriptions drastiques actuelles. Une neuropathie sensitive, dose-dépendante, survient fréquemment. Des effets indésirables modérés mais très gênants sont également fréquents : malaise général, somnolence, troubles digestifs, fatigue, maux de tête. La toxicité du thalidomide apparaissant surtout aux doses efficaces (> 200 mg/j.
* 1. Réaction lépreuse de type II au cours de la maladie de Hansen, dont l'érythème noueux lépreux.
2. Aphtoses sévères de la maladie de Behçet et au cours des infections VIH.
3. Infiltrations lymphocytaires de la peau.
4. Lupus érythémateux cutanés résistants.
5. Réactions chroniques du greffon contre l'hôte.
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