Avec la chaleur de l’été, les glandes sudoripares sont mises à l’épreuve et l’arsenal destiné à masquer l’odeur de la transpiration – les déodorants – et à limiter la sécrétion de sueur – les antitranspirants ou antiperspirants – , connu pour son efficacité, est cependant toujours sur la sellette. En ces temps de souci du bio, de respect de l’écologie et d’application du principe de précaution, ces sprays, sticks et autres gels souffrent d’une mauvaise réputation : ils sont souvent accusés de favoriser l’apparition du cancer du sein et de la maladie d’Alzheimer.
De fait, relève un site Internet d’information médicale grand public, plusieurs études ont pointé une incidence de cancer du sein au niveau du quadrant supéro-externe, la région où sont appliqués des déodorants et des antitranspirants contenant des sels d’aluminium.
Si aucune preuve scientifique à charge n’a à ce jour été portée, le message n’en a pas moins frappé le public, relayé par les médias. « Méfiez-vous des sels d’aluminium présents dans votre déo » : c’était par exemple le titre de la revue mensuelle « 60 millions de consommateurs » pour son numéro d’avril 2012. Le problème de ces sels, selon la revue, c’est qu’au-delà d’une certaine concentration, ils sont soupçonnés de favoriser l’apparition de certains cancers, de provoquer des anémies et d’attaquer le système nerveux, ainsi que les os.
Autant d’allégations qui n’ont pas été corroborées scientifiquement, mais qui ont d’autant plus frappé les esprits qu’en vertu du principe de précaution, l’AFSSAPS, dans un rapport sur l’évaluation du risque lié à l’utilisation de l’aluminium dans les produits cosmétiques, a préconisé un taux maximal de 0,6 % de sel d’aluminium. Qui dit dose à risque, confirme l’existence du risque…
« La fréquence de l'hyperhidrose primitive est difficile à évaluer », constate le Pr Pierre Mordant (Sang thrombose vaisseaux, juin 2010), qui précise qu’en Amérique du Nord, l'hyperhidrose primitive touche entre 1,4 et 2,5 % de la population, dont près d'un tiers de formes invalidantes. Sa fréquence est particulièrement élevée en Asie : sa prévalence atteindrait 4,36 % dans une étude épidémiologique récemment menée auprès d'adolescents chinois. Dans cette population, la prévalence des formes invalidantes serait de 0,27 %. En France, selon un forum spécialisé qui lui est consacré, l’hyperhidrose toucherait 125 000 personnes et plus de la moitié des hommes (56 %) recourraient régulièrement à des antitranspirants et déodorants.
L’ANSM a publié en octobre 2011 une revue des études sur les effets de solutions de sels d’aluminium utilisées dans des essais d’efficacité chez des patients atteints d’hyperhydrose axillaire. certaines de ces études rapportent des cas d’irritation cutanée liés à l’application d’une solution de chlorure d’aluminium hexahydrate à 20 % : chez 29 patients sur 65 (44 %) (scholes et al., 1978) ; chez 14 patients sur 42 (33 %) (ellis et scurr, 1979) ; chez 4 patients sur 12 (30 %) (Goh, 1990).
L’irritation disparaît en général quelques jours après l’arrêt de l’application. Elle peut être suffisamment sévère pour provoquer l’interruption de l’essai. pour 7 volontaires ayant développé des irritations, les effets sont nettement moins sévères avec une formulation combinant chlorure d’aluminium hexahydrate à 15 % et acide salicylique à 2 % la sensibilisation par contact cutané est très rare.
Dr Isabelle Rousseau (Syndicat national des dermatologues)
« Peut-être y a-t-il eu par le passé des surdosages, avant que la réglementation ne fixe des seuils limites pour les sels d’aluminium en application locale, mais je n’ai jamais observé de réactions allergiques chez mes patients. Pour ceux qui restent réfractaires, des stratégies alternatives phytosanitaires peuvent être proposées, avec par exemple le lichen, mais elles sont parfois allergisantes. »
Pr Yves Castier (service chirurgie vasculaire du CHU Bichat)
« Les patients qui envisagent une intervention chirurgicale sont en bout de piste après un parcours médical où ils ont tout essayé sans succès. Ils sont psychologiquement à bout mais ils ne présentent pas d’effets secondaires liés aux divers traitements suivis, parmi lesquels, en première intention toujours, les sels d’aluminium. »
Le comité scientifique européen de sécurité de la consommation (SCCS) a encore insisté dans un rapport publié en avril dernier : « aucune preuve n’a été apportée qui signale une augmentation du risque de cancer du sein, ni de tout autre cancer, ni de la maladie d’Alzheimer, de la maladie de Parkinson, ni d’aucune autre maladie neurodégénérative chronique, en lien avec l’utilisation d’aluminium dans les cosmétiques ».
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