Otites aiguës de l'enfant
L'OTITE MOYENNE AIGUE (OMA) est l'une des infections bactériennes les plus fréquentes de l'enfant et la première cause de prescription d'antibiotiques dans les pays occidentaux.
Aux Etats-Unis et en France, 90 % des enfants souffrant d'OMA reçoivent des antibiotiques, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays européens. Aux Pays-Bas, par exemple, la prescription d'antibiotiques n'est pas systématique.
« Il y a là un enjeu économique et surtout un enjeu bactériologique du fait de l'augmentation des résistances bactériennes, souligne le Dr J.-B. Belloc. Il existe une corrélation entre l'importance des prescriptions d'antibiotiques et l'évolution des résistances bactériennes. »
Trois germes dominent l'étiologie des OMA : Haemophilus influenzae (40-45 %) Streptococcus pneumoniae (25-30 %)et Moraxella catarrhalis (10 %).
Depuis 1990, on assiste à une augmentation progressive des résistances des bactéries impliquées dans les otites de l'enfant en particulier de H. influenzae et S. pneumoniae : 38 % en 1994, 40,5 % en 1997 et 44 % en 1999.
La France est avec l'Espagne l'un des pays européens les plus touchés par la résistance des pneumocoques alors qu'aux Pays-bas et en Scandinavie le taux de résistance est faible (3 %).
Ces résistances étant à l'origine d'échecs de traitement, il faut trouver un juste équilibre entre prescrire des antibiotiques pour éviter des complications et éviter d'en prescrire trop souvent pour ne pas contribuer à l'augmentation des résistances et donc adopter une attitude raisonnée fondée sur des données fiables cliniques et bactériologiques (données publiées par l'Afssaps* en juillet 2001).
Le diagnostic d'OMA, parfois difficile chez le jeune enfant, est clinique. Suggéré par la survenue récente d'une otalgie accompagnée de signes généraux (fièvre, troubles digestifs...), il est confirmé par l'otoscopie qui montre des signes d'inflammation tympanique associés à des signes de rétention rétrotympanique.
« Il faut également différencier une otite congestive simple qui traduit une inflammation réactionnelle de la caisse du tympan au cours d'une rhino-pharyngite, d'une otite séromuqueuse avec des signes de rétention et un épanchement sans signe d'inflammation qui ne relève pas du même traitement », précise le Dr J.-B Belloc.
Faut-il avoir recours à l'antibiothérapie pour traiter une OMA ?
On sait que les antibiotiques ont permis la quasi-disparition des complications graves des OMA, mais on sait également que la majorité des OMA guérissent spontanément et que trop prescrire d'antibiotiques favorise l'émergence de résistance.
Deux ans, l'âge charnière.
Deux facteurs sont à prendre en compte pour orienter la décision thérapeutique :
- l'âge. Deux ans est un âge « charnière », au-delà duquel 70 % des OMA guérissent spontanément, les trompes d'Eustache sont plus matures, le drainage se fait plus efficacement. Avant 2 ans, le pneumocoque à sensibilité diminuée à la pénicilline est plus souvent en cause, il y a quatre fois plus d'échecs de traitement et le risque de complications est plus important ;
- l'intensité de la symptomatologie. Une symptomatologie intense est évocatrice d'une otite à S. pneumoniae dont l'évolution est moins favorable que celle à Haemophilus.
Selon les recommandations de l'Afssaps, les OMA survenant chez des enfants de moins 2 ans sont une indication formelle à une antibiothérapie, chez l'enfant de plus de 2 ans lorsque la symptomatologie est bruyante (fièvre élevée, otalgie intense), l'antibiothérapie est également indiquée. En revanche, chez un enfant de plus de 2 ans, peu symptomatique, l'abstention est possible sous réserve d'une surveillance très stricte.
Son objectif est d'accélérer la guérison de l'infection bactérienne et d'éviter les complications.
Le choix est orienté par le contexte (âge, symptomatologie [intensité de la fièvre, de l'otalgie, conjonctivite associée] allergie connue aux bêtalactamines).
En l'absence d'orientation bactériologique, le traitement probabiliste fera appel à des antibiotiques efficaces sur H. influenzae et S. pneumoniae : association amoxicilline-acide clavulanique, céfuroxime ou cefpodoxime.
En cas d'allergie connue, on prescrira l'association érythromycine-sulfafurazole ou la ceftriaxone (une seule injection intramusculaire).
La durée habituelle du traitement antibiotique oral d'une OMA chez l'enfant est de 8 jours, il peut être réduit à 5 jours chez l'enfant de plus de 2 ans traité par une céphalosporine.
En cas d'échec du traitement, une documentation bactériologique est indispensable, il faut alors faire un prélèvement bactériologique (paracentèse).
Face à un S. pneumoniae de sensibilité diminuée à la pénicilline, l'amoxicilline sera prescrite à forte dose (150 mg/kg/j) pendant 8 jours ou la ceftriaxone (50 mg/kg/j) en intramusculaire pendant 3 jours .
L'antibiothérapie sera complétée par des traitements annexes : traitements généraux par des antalgiques et des antipyrétiques (les Ains ne sont pas indiqués dans les OMA), désinfection rhinopharyngée, mouchage, les gouttes auriculaires n'ont pas fait la preuve de leur efficacité et sont contre-indiquées en cas de perforation tympanique.
Dans tous les cas, l'efficacité du traitement antibiotique devra être contrôlée dans les trois jours suivant le début du traitement par un examen otoscopique et à distance pour vérifier l'absence de rechute.
D'après la communication du Dr J.-B. Belloc, hôpital Simone-Veil, groupement hospitalier Eaubonne-Montmorency.
* Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé.
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