Dans la spondyloarthrite axiale (axSpA), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont largement démontré leur intérêt, mais leur prise au long cours n’est pas sans poser problème, notamment sur le plan cardiovasculaire et rénal, sans compter, bien sûr, le risque digestif.
Lorsque les rhumatologues prescrivent des anti-TNF alpha pour une maladie active malgré la prise d’AINS, ils ont remarqué de façon empirique qu’il était possible de diminuer, voire de suspendre, les AINS. Une étude menée chez les patients participant à la cohorte DESIR (patients atteints de rachialgies inflammatoires suggestives de SpA récente) l’a récemment confirmé : sur les 627 patients ayant participé à chacune des 6 visites suivant l’inclusion, 181 ont reçu un anti-TNF et ont été appariés à 181 patients ayant une maladie similaire mais recevant un autre traitement. La variation de la consommation d’AINS a été comparée dans les deux groupes après établissement d’un score ASAS - AINS qui reflète la consommation globale d’AINS au cours d’une période. Ce score varie de 0 à 200 ou plus (où 100 équivaut à 150 mg de diclofenac/jour, chaque jour de la période d’intérêt, ou à 1 000 mg naproxène tous les jours, ou encore à 20 mg piroxicam tous les jours). Une diminution de la prise d’AINS a bien été notée et elle s’est avérée plus importante dans le groupe recevant des anti-TNF alpha que dans l’autre groupe, confirmant l’effet d’épargne AINS des anti-TNF dans les formes récentes de axSpA.
Cette capacité de diminuer, voire de permettre d’arrêter totalement les AINS a été également retrouvée dans un essai thérapeutique prospectif randomisé contre placebo. Les patients ayant une maladie active malgré la prise optimale d’AINS ont reçu pendant 8 semaines, soit de l’étanercept, soit un placebo. Il a été demandé à tous les patients d’arrêter leurs AINS, ce qui a été plus souvent observé dans le groupe Etanercept que dans le groupe placebo.
Commentaires du Pr Maxime Dougados*
Le contexte dans lequel s’est déroulée cette étude est très important. En effet, le traitement conventionnel de l’axSpA repose sur les AINS. Cependant, la question de la place des anti-TNF se pose, soit pour les malades qui ne supportent plus les AINS, soit pour ceux chez qui la SpA axiale reste active en dépit des AINS. Cette dernière situation est d’ailleurs la plus courante, les anti-TNF étant proposés aux malades toujours actifs, malgré la prise d’AINS. Les anti-TNF étant administrés en plus des AINS dans la majorité des cas, les rhumatologues se sont aperçus de façon empirique, que cette prescription leur permettait de réduire la prise d’AINS, d’où le débat actuel : chez les malades sous anti-TNF, faut-il arrêter, diminuer ou poursuivre les AINS ?
Cette question n’est pas innocente car lorsque les AINS sont pris de manière quotidienne et continue pendant plusieurs décennies, ils semblent avoir un effet délétère et toxique pour le rein, le système cardiovasculaire et digestif ces derniers peuvent apparaître dans les jours ou les semaines qui suivent la prise d’AINS. Cette toxicité à long terme n’est pas parfaitement établie car si des études montrent que parmi les patients arrivant aux urgences pour un infarctus du myocarde, on trouve une plus grande proportion de personnes ayant pris des AINS dans les 8 jours qui précèdent que dans la population générale, d’autres études montrent, à l’inverse, que parmi les patients ayant une SpA, ceux qui n’ont pas pris d’AINS meurent plus vite que ceux qui en ont reçu à long terme. Enfin, seuls les AINS ont démontré dans au moins deux études qu’ils étaient capables de diminuer l’ossification (une conséquence de l’axSpA) à condition d’être pris de façon quotidienne et continue. Même si cela a été démontré sur des tout petits scores d’un point de vue statistique (avec quelle pertinence clinique ?), il n’en est rien pour les anti-TNF qui n’ont pas démontré cette capacité à ce jour.
Au-delà de cette étude dont l’impact est limité puisqu’il ne va pas changer la pratique des rhumatologues (juste les conforter dans leur choix), ce qu’il faut surtout retenir, c’est que la systématisation de ce score d’ASAS - AINS dans la collecte de données facilite grandement l’analyse des études (c’est même la seule façon de comparer des patients qui reçoivent des AINS différents à des dosages différents) et ce, pas seulement dans le domaine de la SpA puisque les AINS sont aussi utilisés au long cours dans l’arthrose, la lombalgie chronique, etc. Le recours à ce score doit donc se généraliser chez les patients recevant des AINS au long cours.
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