LES ANTI-SARKO espèrent affaiblir la popularité du ministre de l’Intérieur en rejetant son slogan de campagne : la rupture. Elle ne convient pas au chef du gouvernement qui ne cesse de répéter que la réforme peut être accomplie sans bousculer les Français, formule et objectif qui ne sont guère mobilisateurs. On peut admettre que la frénésie sarkozyste est parfois agaçante, mais les élus sont payés pour savoir que, si l’on ne secoue pas un peu les Français, ils retombent vite dans l’apathie.
En général, c’est sur le thème d’une rupture honnie que Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Michèle Alliot-Marie font discrètement campagne, sans jamais nommer M. Sarkozy, mais sans rien laisser passer de ses formules, qu’ils ne citent que pour les discréditer. Pour M. Sarkozy, qui refuse avec indignation d’abandonner à Jean-Pierre Raffarin la présidence de l’UMP s’il obtient l’autre, le danger vient de ce qu’il est très exposé : par son action d’abord, qui le contraint à rendre des comptes pour chaque problème de sécurité et pour chaque incident ; par ses voyages à l’étranger, comme le plus récent, qu’il a fait en Algérie où il a seulement établi le constat d’une bouderie réciproque à cause du passé ; par le reproche qui lui est fait, constamment mais gratuitement, par exemple chez les policiers, de mener parallèlement sa campagne électorale et les affaires de l’Etat.
Le coup de Bernadette.
A quoi s’ajoute la perspective d’une candidature de Jacques Chirac que Mme Chirac a rendue encore plus crédible en l’évoquant dans une interview. Bien qu’il n’y ait jamais eu la moindre raison que le chef de l’Etat renonce à se présenter à un troisième mandat, personne ne voulait vraiment y croire. Dès lors que son épouse l’y encourage (alors que, le plus souvent, les femmes de président ne sont pas enthousiastes au sujet de la présidence de la République), dès lors qu’elle affirme que le chef de l’Etat est en pleine forme physique et mentale, on devine M. Chirac animé par un puissant stimulus : s’il l’aime un peu, un homme écoute toujours sa femme.
Pour M. Sarkozy, une candidature Chirac serait catastrophique ; elle ruinerait son projet, car comment se présenter contre lui, le défier, se priver d’une bonne fraction des suffrages considérés comme sûrs, se retrouver à un étiage insuffisant de popularité et gagner en même temps la « primaire » de la droite ? Mais aussi, comment un personnage aussi fiévreux, aussi pressé, aussi préparé à la magistrature suprême pourrait-il ronger son frein pendant encore cinq ans ? Ce serait, en vérité, un drame personnel pour M. Sarkozy, qui a au moins un petit complexe de persécution et considérerait, si M. Chirac se présente, qu’il le fait moins pour gouverner que pour lui faire, à lui, Sarkozy, une mauvaise manière. Bien entendu, Dominique de Villepin et MAM s’effaceraient aussitôt : leurs éventuelles candidatures ne sont pas perçues à l’Elysée comme des défis mais comme un frein au bulldozer Sarkozy. Ce qui veut dire que la même démarche peut avoir deux interprétations diamétralement opposées. Tout dépend du personnage.
Rancune tenace ?
Si l’on regarde en arrière, on note qu’entre Chirac et Sarkozy les choses ne se sont jamais arrangées ; bien qu’il lui ait accordé toutes sortes de fonctions essentielles, le président a gardé contre son ministre une blessure profonde de sa trahison balladurienne ; et le chef de l’UMP continue à croire que, décidément, Chirac a la rancune tenace et qu’elle le poursuivra, surtout dans les moments fatidiques de sa vie. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le combat entre ces deux-là entraîne la destruction du camp qu’ils représentent. En effet, ou bien M. Sarkozy se retire dès que Chirac se déclare, et le président aura bien du mal à l’emporter contre le candidat de la gauche, lequel aura au moins le mérite de la nouveauté ; bataille qui risque d’être désespérée, perdue d’avance. Contre l’opposition, la droite n’a vraiment de chances qu’avec M. Sarkozy, qui a tout de même réussi à convaincre les Français (justement, grâce au mot rupture) que s’il est un ministre déjà ancien, il sera un président complètement nouveau. Le président de la République ne pourra pas, quant à lui, se défaire du fardeau des erreurs et des crises qui ont jalonné ses deux mandats et forment un bilan négatif ; en outre, l’électorat de gauche ne lui a jamais pardonné d’avoir ignoré sa contribution au plébiscite de 2002. C’est bien beau de briguer un troisième mandat, mais n’est-ce pas aussi la bonne méthode pour faire perdre la droite ? Il faudrait, pour que M. Chirac confirme les allusions de Bernadette, que sa cote de popularité remonte à des niveaux depuis longtemps oubliés.
Les élections de 2007 soulèvent tant d’intérêt mais aussi de telles passions chez les grands acteurs politiques qu’elles mettent les tempéraments à l’épreuve. M. Chirac risque de commettre, sous la pression de son entourage, une énorme erreur d’appréciation. Une erreur historique qui le conduirait à un échec irrémédiable, au profit de l’opposition actuelle. Bien sûr, il peut aussi gagner. Mais est-ce que ce serait bon pour le pays ?
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