Si les déficits immunitaires primitifs liés à une mutation génétique sont rares, les anomalies du système immunitaire découlant de polymorphismes génétiques seraient, en revanche, fréquentes, voire « la norme », dans l'espèce humaine.
LES DéFICITS immunitaires primitifs sont des entités qui ont jusqu'alors été considérées comme rares, avec une incidence estimée à environ 1 nouveau-né sur 1 000. Les progrès récents dans le domaine de l'analyse génétique ont permis d'identifier plus d'une centaine de mutations touchant des gènes variés, certaines ayant été retrouvées sur un nombre assez conséquent de patients, d'autres chez seulement quelques-uns. Ces déficits se manifestent cliniquement par une susceptibilité aux infections, les organes et les bactéries en cause variant selon le type de mutation génétique. Il y a quelques années, un certain nombre de signes d'appel cliniques ont été retenus, notamment la survenue d'au moins deux infections opportunistes au cours d'une année, de pneumonies récurrentes, d'infections récurrentes, ou l'existence d'antécédents familiaux de déficit immunitaire primitif. Face à ces signes, il est ainsi recommandé de pratiquer un bilan de dépistage simple, fondé sur la numération formule sanguine et le dosage des immunoglobulines ; des tests qui, certes, ne permettent pas un diagnostic précis (d'autres examens complémentaires peuvent être pratiqués dans un second temps), mais qui permettent de dépister environ 80 % des déficits immunitaires primitifs.
Facteurs humains et environnementaux.
La rareté de ces déficits est toutefois remise en cause depuis peu. Les anomalies du système immunitaire seraient en fait fréquentes et, malgré des fonctions immunes cellulaires et humorales et des examens de dépistage normaux, pourraient engendrer des infections récurrentes. Ce nouveau concept est notamment développé par Jean-Laurent Casanova (1). Il est aujourd'hui largement admis que la réponse immunitaire aux divers agents infectieux met en jeu des interrelations complexes entre des facteurs environnementaux et humains, génétiques ou non. Ainsi, chaque année, des nouveau-nés sont hospitalisés pour une bronchiolite due au virus respiratoire syncytial, alors qu'un nombre bien plus important ne présente qu'un simple « rhume ».
Jusqu'alors, chez des sujets considérés comme immunocompétents, cette différence dans la réponse aux infections était mise sur le compte de la « malchance ». Mais, comme le souligne le Dr Amos Etzioni (Israël), «il ne s'agit sans doute pas de “malchance” , mais d'une anomalie du système immunitaire». On sait désormais que la modification d'un seul nucléotide du gène codant pour la capsase 12 est associée à une moindre production de cytokines et, donc, à une susceptibilité accrue aux infections. En outre, si, dans la plupart des cas, les mutations sont à l'origine d'un décifit de la réponse immune, elles peuvent parfois constituer un facteur protecteur. La résistance au VIH des sujets qui ont une mutation du récepteur CC-chemokine 5 en constitue un exemple, tout comme la mutation du promoteur de l'antigène Duffy qui confère une protection contre le paludisme.
Vers une nouvelle classification ?
«La classification actuelle des déficits immunitaires primitifs pourrait être remise en question, poursuit le Dr Etzioni : en effet, un sujet asymptomatique avec un déficit en IgA est considéré comme immunodéficient, alors qu'à l'inverse un patient présentant une infection sévère, voire létale, sans anomalie du système immunitaire détectable par les bilans usuels, est considéré comme immunocompétent.» De plus, à mutation génétique égale, la sévérité des infections varie d'un patient à un autre. Ainsi, dans une étude menée chez 129 patients souffrant de maladie granulomateuse chronique, Foster et coll. (2) ont montré que de simples polymorphismes génétiques, indépendants de la mutation en cause et sans incidence dans la population générale, peuvent modifier grandement la réponse immunitaire. Les recherches ont permis de regrouper sous le terme de déficits immunitaires primitifs « non conventionnels » des prédispositions génétiques à un type précis d'infection, telles que la susceptibilité aux infections à mycobactéries. Ce type d'anomalie génétique pourrait en fait concerner un très grand nombre de patients. Cela a été démontré récemment chez des patients atteints d'une encéphalite par le virus herpès simplex, qui n'avaient pas présenté de maladie infectieuse auparavant.
De même, les infections récurrentes qui touchent certains enfants au cours des deux premières années de la vie sont la traduction clinique de polymorphismes génétiques induisant une susceptibilité à certains virus.
Les critères de normalité d'un système, tel le système immunitaire, sont basés sur des données phénotypiques et statistiques. Mais le rôle du système immunitaire acquis n'a été découvert qu'assez récemment, et l'immunité chez l'homme n'a pas encore livré tous ses secrets. «Ainsi, comme le souligne le Dr Etzioni , bien que l'espèce humaine soit globalement immunocompétente, il est probable qu'aucun être humain ne soit immunocompétent pour tous les pathogènes. Et il est fort probable, comme l'ont écrit J.L.Casanova et L.Abel, que les anomalies de l'immunité soient, malheureusement, mais inévitablement, la règle et non pas l'exception.»
Communication du Dr Amos Etzioni, Haifa, Israël.
(1) Casanova JL, Abel L. Inborn errors of immunity to infections : the rule rather than the exception. J Exp Med 2005 ;202 :197-201.
(2) Foster CB, Ledrnbecher T, Mol F, Steinberg SM, Venzon DJ, Walsh TJ, Noack D, Rae J, Wilkelstein JA, Curnutte JT, Chanock SJ. Host defenses molecule polymorphisms influence the risk of immune-mediated complications in chronic granulomatous Disease. J Clin Invest. 1998 ; 102 : 2146-2155.
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