Un dépistage avant chirurgie

Les anomalies de l'hémostase de l'enfant

Publié le 04/03/2004
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Nouveau-né

Le système hémostatique du nouveau-né est différent de celui de l'adulte et arrive à maturité vers 6 mois. A la naissance, les taux de facteurs procoagulants sont normaux ou diminués ; toutefois, le risque hémorragique spontané n'est pas augmenté chez le nouveau-né. L'absence d'hémorragie est due à une diminution du taux des inhibiteurs de la coagulation : l'antithrombine III, les protéines C et S (moins de 40 % du taux de l'adulte pour ces deux protéines), et à une diminution du plasminogène.

Consultation

En cas d'anomalie de l'hémostase, le risque hémorragique peut se révéler au décours d'un geste chirurgical, même modeste, et la consultation d'anesthésie de l'enfant a pour objectif son dépistage.
Elle comprend l'interrogatoire, pour mettre en évidence une tendance hémorragique, l'examen clinique et le bilan préopératoire.
Les antécédents familiaux et personnels doivent être précisés : syndrome hémorragique au cours de la grossesse ou d'un acte chirurgical chez les parents ou chez l'enfant. Chez ce dernier :
- des saignements spontanés, une hémarthrose font soupçonner une hémophilie ;
- des épistaxis, des ecchymoses, des pétéchies, un saignement au niveau du cordon font évoquer une maladie de Willebrand.
L'interrogatoire peut être peu discriminant, lorsque les parents ont des difficultés à comprendre les questions et, en cas de doute, la prudence s'impose.
L'ANDEM a réalisé un questionnaire avec 9 items dont les quatre premiers sont importants pour déterminer le risque hémorragique :
- l'enfant a-t-il saigné ?
au-delà de 25 heures après une intervention ; au-delà de 12 heures après section du cordon ; au-delà de 24 heures après une extraction dentaire ;
- a-t-il eu une ou plusieurs hémorragies spontanées ?
En 1998, l'Anaes ne recommande pas le bilan systématique chez un enfant de plus de 3 ans si l'interrogatoire est fiable et si la chirurgie programmée ne présente pas de risque hémorragique. Toutefois la pratique montre qu'il faut être prudent avec les données de l'interrogatoire (cf. encadré), sa fiabilité n'est pas systématique.

L'âge

A l'hôpital Robert-Debré, les recommandations sont les suivantes en fonction de l'âge :
- chez une enfant de moins de 1 an : le bilan de
l'hémostase est systématique ;
- chez l'enfant de plus de 1 an : un bilan systématique est recommandé en cas d'anomalie de l'hémostase découvert au décours d'un acte chirurgical antérieur.
Le bilan n'est pas nécessaire si l'enfant a déjà eu une intervention chirurgicale sans problèmes hémostatiques et/ou si l'intervention programmée est mineure et potentiellement non hémorragique : pose d'aérateur trans-tympanique, nævus, hernie inguinale, endoscopie, cure de phimosis, et sauf en cas d'anesthésie locale périmédullaire.

Chirurgie

Le contrôle systématique de l'hémostase aura lieu avant toute chirurgie importante et dans les interventions peu hémorragiques mais au cours desquelles un saignement peut gêner le geste opératoire.
Dans l'amygdalectomie et l'adénoïdectomie, interventions très fréquentes en pédiatrie, le risque hémorragique existe : saignement per et postopératoire, d'où la nécessité d'être prudent, d'autant que cette intervention est souvent pratiquée chez de jeunes enfants (2-3 ans) dans un contexte d'infections récidivantes qui peuvent modifier l'hémostase.
La plupart des études montrent qu'environ 2 % des enfants ont un bilan anormal, mais après contrôle, seule la moitié est pathologique.
L'hémostase doit être contrôlée dans les dix jours précédant l'intervention.

Valeurs

Les valeurs minimales requises pour une intervention chirurgicale sont :
- fibrinogène 0,5 à 1 g/l ;
- facteur de Willebrand 50 %.
L'étude du temps de saignement n'est pas systématique et dépend des résultats de l'interrogatoire et il est intéressant en cas d'interactions médicamenteuses possibles et en cas de suspicion d'une maladie de Willebrand.
Les anomalies des fonctions plaquettaires s'observent
lors d'interaction avec les médicaments : Ains et salicylates, mais le test peut être normal en cas de prélèvement activé. Seul le délai de huit à dix jours est garant de la restauration de l'hémostase primaire. Il faut donc éviter les Ains en période préopératoire.
L'incidence élevée de la maladie de Willebrand en fait le cauchemar du chirurgien car elle entraîne des risques de saignements peropératoires et postopératoires.
Le diagnostic est difficile si la maladie est modérée car les taux sont spontanément augmentés dans certaines circonstances : inflammation, stress... et le taux de facteur de Willebrand doit être interprété en fonction du groupe sanguin. Sa valeur physiologique est de 50 % de la valeur normale avec un groupe O.
Il faut savoir reconnaître un variant de la maladie de Willebrand car il y a un traitement spécifique pour chacun d'eux. Une discordance entre le taux d'activité du facteur de Willebrand et le taux antigénique évoque un variant qui sera identifié par un laboratoire spécialisé.
Le traitement spécifique permet de corriger les anomalies de l'hémostase primaire et de la coagulation.

D'après les communications du Dr M.-F. Hurtaut-Roux (hôpital Robert-Debré, Paris) et du Pr  I. Constant (hôpital A. Trousseau, Paris) aux 37es journées de biologie praticienne, Paris.

Interrogatoire: la prudence s'impose


Une enquête a été réalisée à l'hôpital Trousseau pendant un an, en chirurgie ORL, avec majorité d'amygdalectomies et d'adénoïdectomies présentant un risque hémorragique potentiel.
L'interrogatoire était classique, avec recherche de signes cliniques en faveur d'une anomalie de l'hémostase. Le bilan systématique portait sur le TCA (temps de céphaline activée), TQ (temps de Quick), plaquettes et TS qui devaient être contrôlés en cas de signes cliniques évocateurs ou d'antécédents.
Sur les 300 enfants inclus dans l'enquête, il a été décelé 9 anomalies de l'hémostase (alors que seuls
5 interrogatoires étaient positifs) : 6 maladies de Willebrand, 2 thrombopathies, 1 déficit grave.
Seize enfants (soit environ 2 %) ont eu un saignement anormal : la période à risque se situant en postopératoire au cours des six premières heures et au moment de la chute des escarres. Huit enfants ont été réopérés pour contrôle chirurgical de l'hémorragie.
Ces 16 patients avaient un bilan préopératoire normal. L'enquête a mis en évidence la prise d'un Ains chez un enfant de 2 ans qui a saigné à J10, une fonction hépatique altérée dans le cadre d'une hépatite B et pour un autre une thrombopathie de type pool vide partiel alors qu'il n'avait aucun antécédent hémorragique.
Cette enquête montre qu'un interrogatoire normal n'exclut pas une anomalie de l'hémostase et qu'il est important de préciser les antécédents hémorragiques antérieurs.

> M. F.

> Dr MICHELE FAUSSIER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7492