Coauteurs du rapport au nom d'un groupe de travail auquel ont participé une quinzaine d'académiciens, Charles Pilet et André-Laurent Parodi ont planché sur le thème « Animaux dans la ville et santé publique » pour répondre à une saisine du conseil de la Ville de Paris.
On connaît l'attention récurrente portée par nos édiles à la question de la propreté des trottoirs, sujet glissant s'il en est. Ce n'est donc pas la moindre audace des deux coauteurs d'attaquer le sujet par le bénéfice lié à la présence des animaux en milieu urbain, qu'il s'agisse des animaux d'espèces dites de compagnie (chiens, chats, etc.) ou commensales (pigeons, étourneaux... et plus récemment renards, fouines, etc.).
Car, n'en déplaise aux ayatollahs de la déjection canine, les « populations animales citadines » sont aussi sources de bienfaits pour l'homme. Par exemple, il est reconnu que la présence animale est susceptible d'apporter une aide appréciable au développement et à l'épanouissement du jeune enfant, auquel elle fournit un confident, un support émotionnel, affectif, cognitif, ainsi qu'un modèle relationnel positif avec ses semblables.
Enfants et personnes âgées
Somme toute, c'est le premier partenaire social qui procure au petit citadin une excellente approche du cycle vital (sexualité, reproduction, jeu, propreté, maladie et mort). A son contact, l'enfant hyperactif gagnera en stabilité, tandis que le petit autiste canalisera son agressivité.
Le bénéfice est tout aussi appréciable à l'autre extrémité de la vie, quand l'animal de compagnie vient combler le vide affectif et social. A telle enseigne qu'une maison de retraite sur trois accepte désormais que ses pensionnaires gardent leur animal familier, précieux pour atténuer le sentiment de solitude et entretenir l'estime de soi.
L'animal peut encore jouer un rôle palliatif auprès des handicapés moteurs et malvoyants, par exemple, quand il est spécialement dressé pour accomplir différentes taches.
Tous ces bénéfices compensent-ils les surabondants risques, infectieux, parasitaires et accidentels que la cohabitation urbaine entre l'homme et l'animal fait courir au premier ?
L'impressionnante liste des zoonoses
La liste des zoonoses est impressionnante. Au nombre de celles transmises par les chiens, les auteurs citent les teignes à Microsporum sppp, les gales sarcoptiques, la pulicose à Ctenocephalides canis, la toxocarose provoquée par les larves de l'ascaris du chien, la leishmaniose à forme viscérale infantile, les échinococcoses, hydatidoses à Echinococcus granulosus ou à E. multilocularis.
Chez le chat, une mention particulière doit être accordée à la toxoplasmose.
Les rongeurs, quant à eux, transmettent la yersiniose (dont le cobaye est fréquemment porteur), la leptospirose (transmise par le rat) ou la chorioméningite lymphocytaire ( via le hamster).
Quant aux oiseaux, ils ne sont pas en reste : ornithose à Chlamydia psittaci (sa prévalence s'élève à 70 % chez les pigeons de la capitale), salmonellose, campylobactériose ou encore mycose systémique.
A ces grands classiques des zoonoses viennent s'ajouter depuis quelques années les transmissions dont nous gratifient les nouveaux animaux de compagnie, autrement dit, les NAC (« le Quotidien » du 29 mai 2001) : endoparasites dont les singes constituent un des réservoirs les plus inquiétants ( Entamoeba histolytica, Strongyloides, Oesophagostomum, Ascaris, Trichuris), herpèsviroses des mêmes, ainsi que les agents des hépatites A, B, C et D.
Il convient encore de se méfier des animaux à sang froid : les reptiles, tortues, lézards, iguanes et serpents, souvent contaminés par des salmonelles (aux Etats-Unis, 14 % des cas de salmonelloses humaines étaient attribuées à une contamination par des tortues en 1970).
Chutes et infections
Les allergies (2,5 % d'entre elles sont d'origine animale) et les morsures (200 000 sont imputables chaque année aux carnivores domestiques) ne sauraient davantage être passées sous silence. Mais, indéniablement, observent André-Laurent Parodi et Charles Pilet, la palme, en la matière, revient aux déjections, la nuisance la plus constamment dénoncée en ville. C'est à cause d'elles que 8 % des personnes interrogées se déclarent hostiles à la présence de chiens en villes, 18 % s'affirmant victimes de ces nuisances (sondage SOFRES en 2000). On estime à 0,7 litre d'urine et entre 150 et 250 grammes de fèces les quantités quotidiennes d'excréments rejetés par individu, soit pour une population urbaine de 750 000 chiens, 200 000 m3 d'urine et entre 40 000 et 70 000 tonnes de fèces déposés annuellement. C'est ainsi que, chaque année à Paris, entre 500 et 600 piétons sont victimes de chutes qui entraînent des fractures. Sans parler des risques d'infections graves, en particulier pour les enfants qui jouent dans les bacs à sable, avec les parasites fécaux (« le Quotidien » du 17 mars).
Canisienne, vespachienne, cleardog, cani-canin, trotcanin, air-canin, wawa : ces trésors d'imagination sémantique témoignent des efforts déployés dans l'inlassable combat contre les crottes de chiens.
Les recommandations
Parmi ses recommandations à la Ville de Paris, l'Académie préconise une régulation des populations animales et en particulier un contrôle efficace des exportations ; le contrôle de l'état sanitaire des animaux, qui doit s'étendre aux NAC ; des aménagements urbains appropriés pour les besoins des chiens ; des efforts d'information et d'éducation des maîtres ; une réglementation plus strictement appliquée, avec la verbalisation des contrevenants. Enfin, des efforts de recherche en éthologie et comportement animal devraient être réalisés, notamment dans l'espèce canine, pour réduire à la mauvaise socialisation de nombreux animaux.
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