LA COORDINATION nationale des médecins pathologistes monte au créneau pour dénoncer la nouvelle convention qui aurait, selon elle, totalement « méprisé » cette spécialité, pourtant pivot de la lutte contre le cancer, un des chantiers de Jacques Chirac.
Les parties signataires de la convention avaient prévu d'élaborer pour les anapaths un avenant conventionnel « avant le 1er mars proposant des mesures de nomenclature adaptées ». Mais le calendrier conventionnel a pris du retard et les quelque sept cents spécialistes libéraux concernés attendent toujours ces dispositions. Une réunion de négociation avec l'assurance-maladie est prévue aujourd'hui. Mais pour la coordination des pathologistes, le mal est fait et l'enveloppe financière mise sur la table par la Cnam (3 millions d'euros, selon nos informations) correspond à une « aumône », pour les pathologistes, qui ne compensera pas la décote de leur lettre clé (P) en 2000. « La Csmf, accuse le Dr Michel Guiu, pathologiste à Perpignan, chef de file de la coordination, a sacrifié cette spécialité au profit d'autres plus médiatiques pour des raisons de politique syndicale. Accepter un tel camouflet sans réagir violemment, c'est hypothéquer l'avenir de notre discipline. » La coordination s'interroge sur l'opportunité d'une « grève sauvage des pathologistes, c'est-à-dire une grève du diagnostic du cancer pour redonner à cette spécialité sa véritable place ». Une action qui, pour être spectaculaire, risquerait d'être très peu populaire.
Charges d'exploitation lourdes.
Dans un communiqué intitulé « Anapaths : soldes avant liquidation », la coordination fait valoir que, en vingt ans, le prix de la cytologie « a chuté de 53 % et celui de la biopsie standard de 20 % » alors que, parallèlement, les coûts de prise en charge et les charges globales « explosent ».
En réalité, la discipline arrive toujours dans le trio de tête des spécialités en matière d'honoraires perçus (leurs recettes totales s'établissent en moyenne à 361 000 euros par médecin en 2003), mais elle est moins bien placée si l'on examine le bénéfice net, en raison de charges d'exploitation de plus en plus lourdes (60 % des recettes, selon la Direction générale des impôts). Et 88 % des anapaths exercent en secteur I.
Souvent confondue, à tort, avec une activité de laboratoire de biologie, y compris par les carabins eux-mêmes, cette spécialité subit par ailleurs la désaffection des étudiants, alors que la demande d'examens augmente régulièrement (5 % par an).
Le brouillard de la Ccam.
Du côté de la Csmf, on mise toujours sur l'avenant conventionnel pour calmer le jeu. « Non seulement nous n'avons pas oublié les anapaths, qui attendent à juste titre une revalorisation depuis très longtemps et qui font partie des quelques spécialités à avoir subi les lettre clés flottantes, mais il ne s'agit que d'une première étape, explique le Dr Michel Chassang, président de la Confédération. Quant à la coordination, elle ne représente personne ! » Le Dr Jean-Paul Donzel, président de la section libérale du Syndicat national des anapaths, affilié à la Csmf, évoque les pistes à l'étude pour revaloriser la spécialité : une majoration ciblée sur les actes « tumeurs » (pour les pièces opératoires complexes qui exigent des protocoles détaillés) et une rémunération des comptes-rendus standardisés et informatisés réalisés par les anapaths dans le cadre d'un contrat de santé publique « dépistage » (notamment pour le cancer du sein). Mais les montants obtenus pourraient ne pas correspondre aux attentes.
Quant au versant technique de la Classification commune des actes médicaux (Ccam), qui abordera la nomenclature ACP dans les prochains mois (la spécialité n'est pas concernée par le lancement de la Ccam le 25 mars), il suscite des analyses divergentes dans la spécialité. La coordination des pathologistes craint que la Ccam « aggrave la confusion » par une prise en compte moyenne, donc « absurde », du coût de la pratique d'actes très différents (quel rapport entre les frais occasionnés par un frottis ou une mammectomie ?). La Csmf pronostique au contraire une revalorisation de l'exercice des anapaths via la nouvelle grille tarifaire.
La spécialité est en tout cas en alerte. Du côté de la Csmf, on écarte toute grève du diagnostic du cancer. Mais on rappelle l'arme de la grève administrative et de la transmission des comptes-rendus aux tutelles, registres et organismes chargés des études épidémiologiques. Une autre façon de faire monter la pression sur les pouvoirs publics, à l'heure où se jouent des négociations au bénéfice d'une discipline étonnamment méconnue.
Les médecins vont accéder à l'historique des remboursements
Les parties signataires de la convention doivent en particulier fixer les modalités de cotation de la C2 (avis ponctuel de consultant, rémunéré 40 euros) pour les anesthésistes-réanimateurs. Ce point aurait dû être réglé par un avenant au 1er mars, mais la publication tardive de la convention au « J.O. » a allongé les délais. Selon le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, les critères retenus pour appliquer la C2 pourraient concerner « de 15 à 20 % de l'activité de consultation » des anesthésistes libéraux.
Dans un tout autre registre, la direction de l'assurance-maladie présente aujourd'hui aux syndicats médicaux le système informatique qui permettra aux médecins, sans doute dès le mois prochain, d'accéder sur leur poste aux données (du remboursement) dont disposent actuellement les caisses primaires sur les soins dont ont bénéficié les patients. Prévu par la réforme de l'assurance-maladie (article 21) et devant faire l'objet d'un décret, cet historique des remboursements mis à la disposition du médecin devrait couvrir les douze derniers mois. Le praticien ne pourra accéder à ce Web médecins qu'avec l'accord du bénéficiaire des soins, grâce à sa carte Vitale. En attendant le dossier médical personnel (DMP), le médecin pourra donc visualiser et récapituler les actes, examens et médicaments pris en charge depuis un an, pour les soins délivrés en ville ou à l'hôpital. Pour les patients en ALD, le relevé des données devrait contenir à terme les éléments du protocole de soins. En revanche, la loi précise qu'il « ne contient aucune information relative à l'identification des professionnels de santé prescripteurs ». La Cnam voit déjà dans ce nouvel outil un « atout pour éviter de refaire inutilement des examens ou de risquer des interactions médicamenteuses ». Mais reste à garantir les conditions de confidentialité d'un tel dispositif. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le Conseil national de l'Ordre des médecins auront leur mot dire.
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