Par le Dr HENRI GRACIES*
NUL N'IGNORE le rôle fondamental de l'aspect papillaire dans le diagnostic et le suivi de la maladie glaucomateuse. L'examen automatisé de la papille optique est aujourd'hui une réalité grâce à l'évolution conjointe des techniques lasers et des systèmes informatiques. Les trois appareils les plus utilisés (Heidelberg Retina Tomograph : HRT ; Optical Coherence Tomography : OCT et GDx) permettent un examen sans contact, indolore et non invasif, fournissant une analyse fine et quantifiée des fibres neurorétiniennes papillaires, symbolisée par la représentation linéaire caractéristique de leur épaisseur sectorielle sous forme de courbe en double bosse dont les reliefs s'aplatissent en cas de glaucome. Des paramètres topographiques moyens, évaluant notamment la surface du disque optique, l'anneau neurorétinien, le rapport cup/disc ou la forme de l'excavation, sont fournis par les résultats de l'examen par l'OCT ou par le HRT. La version 2 du HRT intègre de plus deux modules logiciels additionnels offrant des niveaux d'évaluation supplémentaires : l'analyse de régression de Moorfields est une cotation par secteur du nerf optique après comparaison avec un groupe témoin et l'analyse de progression proposée par B. C. Chauhan et coll. permet une représentation pixel par pixel de l'évolution topographique de la papille. En raison des techniques utilisées, les résultats de ces examens, qui n'analysent pas les mêmes structures de la même manière, ne sont pas superposables, mais un travail récent a montré une similitude en termes de sensibilité et de spécificité dans le diagnostic de glaucome entre les trois appareils.
La richesse des informations apportées est telle que le simple dessin, toujours utile, ou même les stéréophotographies quantifiées font pâle figure face à ces technologies modernes d'imagerie. Leur intérêt semble discutable en cas d'excavation papillaire très importante, mais on sait qu'il peut être observé jusqu'à 30 % de perte en fibres avant que ne soient notées les premières altérations périmétriques ; c'est probablement à ce stade infrapérimétrique qu'un tel suivi serait le plus utile.
La primauté du jugement clinique.
Toute modification importante des résultats doit être vérifiée par un nouvel examen, mais ces appareils sont faillibles. Aucun ne prétend fournir un test diagnostique fiable. L'interprétation est difficile en cas d'anomalie papillaire importante. Les résultats sont modifiés par le trouble des milieux (cataracte, corps flottants, etc.), la réfringence des structures traversées pour le GDx (la réfringence cornéenne est prise en compte dans la dernière version logicielle) ou la réfraction. Toutes ces notions évolutives sont susceptibles d'influer sur la reproductibilité du test. Cela sans compter les biais liés à l'opérateur, notamment au niveau du centrage, l'état pupillaire (la dilatation des pupilles est nécessaire en cas de myosis trop important) ou les éventuelles variations nycthémérales.
Par ailleurs, lors d'un travail antérieur aux dernières versions logicielles, l'efficacité des trois techniques n'est pas apparue supérieure à celle de l'analyse qualitative du nerf optique par stéréophotographie, tant sur le plan diagnostique, avant le stade périmétrique, que sur celui du suivi des atteintes périmétriquement avérées.
Ces tests ne remplacent pas l'étude clinique de l'aspect papillaire, pas plus qu'il ne dispensent d'un bilan soigneux, comportant notamment une pachymétrie et une gonioscopie. L'image virtuelle obtenue ne renseigne pas sur un paramètre important : la pâleur tissulaire. Une hémorragie papillaire ou l'exclusion d'un vaisseau circum-linéaire, aisément individualisés à la lampe à fente, sont ignorés ou mal rendus par ces techniques d'imagerie.
Un progrès incontestable.
La majorité des auteurs souligne la primauté du jugement clinique. Certes, ces nouvelles technologies encore évolutives ne sont pas indispensables au suivi de nombreux glaucomateux. Des travaux restent à effectuer afin de mieux préciser leurs indications et l'intérêt des nouveaux programmes. Elles sont, cependant, un progrès incontestable et le fruit d'une décennie d'évolution technologique. Ce ne sont pas des appareils à visée diagnostique, mais ils apportent des informations supplémentaires sur l'état du disque optique et, si l'évaluation de l'évolutivité de la maladie, ou celle d'une pression cible repose bien sur le recueil attentif et sur l'interprétation de critères englobant les données cliniques et périmétriques et sur l'ensemble des facteurs de risque et leur évolution au cours du temps, les analyseurs de papille ont une place dans le faisceau d'arguments étayant la gestion thérapeutique.Il est aujourd'hui possible d'obtenir un document de référence quantifié avec ce type d'imagerie dans de nombreux centres en France, mais ce sont des appareils onéreux, presque inaccessibles pour un praticien en secteur I et les actes pratiqués ne sont pas tous explicitement pris en compte par la classification commune des actes médicaux.
* Institut du glaucome, fondation-hôpital Saint-Joseph, Paris et hôpital privé Paris-Essonne, Arpajon.
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