LES CHIFFRES SONT FORMELS. Au cours de l’année 2011, l’Observatoire pour la sécurité des médecins a reçu 822 déclarations d’incidents contre 968 en 2010 et 592 en 2009. L’Ordre parlait d’« une hausse sans précédent des actes de violence » en 2010. L’an passé, leur nombre a donc régressé de 15 %. Le « taux de victimation », c’est-à-dire le ratio entre le nombre de médecins et le nombre de déclarations d’incident, demeure toutefois élevé à 0,41 % en 2011. Traduction : un médecin sur 244 a été l’objet d’un acte de violence l’an dernier.
- Les généralistes, principales victimes
Le profil des déclarants met en lumière une nette surreprésentation des médecins généralistes parmi les victimes. Si ceux-ci forment 53 % du corps médical, ils constituaient 60 % des victimes d’incident en 2011, contre 40 % chez les spécialistes. Chez ces spécialistes, les plus touchés sont les ophtalmologistes (6 %), les gynécologues-obstétriciens (5 %), les psychiatres (4 %) et les médecins du travail (3 %). L’Ordre des médecins se dit étonné par la montée en puissance des agressions chez les gynécologues-obstétriciens, sans toutefois trouver à ce jour d’explications à ce phénomène. Les incidents qui surviennent chez ces spécialistes sont plus le fait des accompagnants que des patientes elles-mêmes.
La ventilation des déclarants par sexe fait apparaître une surreprésentation des femmes. Si celles-ci représentent aujourd’hui 40 % du corps médical en exercice, elles constituent 44 % des déclarants. Toutes spécialités et tous sexes confondus, la victime est le médecin déclarant dans 90 % des cas, et un collaborateur dans 17 %. Dans 5 % des cas, le médecin n’indique pas qui est la victime. Le total des réponses est supérieur à 100 %, plusieurs personnes pouvant être agressées lors d’un même incident.
- L’agresseur, le plus souvent le patient
L’auteur des violences est le patient lui-même dans 53 % des cas (49 % en 2010). Il s’agit parfois d’une personne accompagnant ce patient (16 %) ou d’une tierce personne (13 %). Près d’une fois sur quatre, l’agressé ne se prononce pas sur l’identité de l’agresseur. Une arme a été utilisée dans 5 % des cas, le plus souvent un couteau ou un cutter, mais parfois aussi un revolver, une bombe lacrymogène, un objet contondant, une canne, une barre de fer, voire un caddie de supermarché !
- Les insultes prédominent
La nature des agressions est très variée, mais les vols, le vandalisme et les agressions physiques diminuent légèrement en 2011 au profit des agressions verbales et des menaces. Ainsi, lors de cette dernière enquête, 70 % des déclarations d’incident ont eu pour objet une agression verbale ou une menace (contre 63 % en 2010), 23 % étaient motivées par un vol ou une tentative de vol (25 % en 2010), 12 % par un acte de vandalisme (comme en 2010), et 12 % par une agression physique (13 % en 2010). Quand l’agression a le vol pour mobile, l’ordonnancier est dérobé dans 6 % des cas, suivi par le sac à main ou le portefeuille (4 %), le matériel informatique, les tampons professionnels ou le véhicule (2 %), ou encore le dossier médical (1 %). Lorsque l’agression est une atteinte à la personne, elle prend la forme d’une agression verbale (injures, menaces, harcèlement téléphonique, chantage, attentat à la pudeur) dans 70 % des cas, et d’une agression physique (coups et blessures, crachat au visage, séquestration, agression sexuelle, morsure, arme sur la tempe) dans 12 % des cas. Enfin, l’intrusion inopinée dans le cabinet médical représente environ 10 % des atteintes à la personne.
Les motifs des incidents sont tout aussi divers. Les reproches relatifs à la prise en charge représentent 26 % des incidents, le vol 20 %, le refus de prescription 16 %, et un temps d’attente jugé excessif 9 %. Le refus de payer la consultation, l’état psychiatrique du patient, des problèmes de papiers, une décision médicale contestée ou encore un patient voulant une consultation sans rendez-vous préalable sont également évoqués dans une moindre mesure. Ces incidents ont occasionné une interruption de travail pour la victime dans 8 % des cas (10 % en 2009).
Les centres-villes, points noirs
Les départements qui arrivent en tête du classement sont la Seine-Saint-Denis (67 déclarations), le Nord (44), l’Isère (34), Paris (33), le Val-d’Oise (31) ou les Bouches-du-Rhône (28), tandis qu’à l’autre bout de la liste, des départements comme les Alpes de Haute Provence, les Ardennes ou le Gers n’enregistrent aucun incident en 2011. À noter que certains départements voient leur nombre d’incidents diminuer considérablement entre 2010 et 2011, comme le Rhône (de 34 à 15), ou l’Hérault (de 31 à 7). Plus généralement, le milieu urbain et le centre-ville restent le lieu privilégié avec 55 % des cas recensés en 2011. Une tendance qui s’affirme d’année en année : 44 % des cas en 2008, 45 % en 2009, 50 % en 2010. En revanche, la proportion d’incidents déclarés en banlieue décroît lentement : 35 % en 2008, 33 % en 2009, 31 % en 2010 et 28 % en 2011. L’Ordre ne donne pas d’explication particulière à ce phénomène. Peut-être, peut-on y voir les effets de la désertification de certaines zones suburbaines. En revanche, les incidents en milieu rural décroissent, mais bien plus lentement : 17 % en 2008, 16 % en 2009 et 2010 et 15 % en 2011. Le cadre dans lequel se déroulent ces incidents est majoritairement la médecine de ville dans 73 % des cas, avec une relative stabilité au cours des quatre dernières années. Les établissements de soins, bien que loin derrière, voient néanmoins le nombre d’incidents progresser de 15 % seulement des incidents en 2008 à 22 % en 2011.
Toujours peu de plaintes
Le Conseil de l’Ordre incite depuis des années les praticiens à ne pas laisser ces agressions sans suite, mais sans grand succès. En 2011, 34 % des incidents rapportés ont fait l’objet d’une plainte (38 % en 2010), et 15 % d’une main courante. Mais dans plus d’un cas sur deux, l’agression n’a donné lieu à aucun signalement à la police ou à la justice. Preuve, le plus souvent, de l’empathie du praticien pour son agresseur.
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