A LA LISTE des pathologies dans lesquelles la colère et l’agressivité sont impliquées, une équipe américaine vient d’ajouter l’atteinte de la fonction respiratoire. Avec pour limite, à l’heure actuelle, une étude ne portant que sur des hommes, âgés et caucasiens.
Selon L. D. Kubzansky (Boston) et coll., il s’agirait de l’un des premiers travaux prospectifs mettant en évidence une telle relation. L’idée de départ se fonde sur une notion connue : les émotions négatives favorisent l’obstruction bronchique chronique.
L’équipe s’est intéressée à une cohorte de retraités de l’administration, constituée en 1961 aux Etats-Unis, la Normative Aging Study. Dans ce groupe ont été enrôlés 670 hommes, de 45 à 86 ans. Leur degré d’agressivité avait été évalué en 1986 et ils avaient subi, en moyenne, trois explorations fonctionnelles respiratoires, sur une période moyenne de 8,2 ans. Le niveau d’agressivité avait été évalué selon les cinquante items de la Cook-Medley Hostility Scale ; la fonction respiratoire sur le Vems (volume expiratoire maximal seconde) et la capacité vitale.
Un déclin plus rapide de la fonction respiratoire.
En comparant les hommes considérés à haut niveau d’agressivité à ceux du groupe modéré à faible, le Vems était en moyenne à 88,9 % de celui attendu chez les premiers et à 95,3 % chez les seconds. En ce qui concerne la capacité vitale, chez les plus agressifs, elle a été à 92,5 % de celle prévue et à 98,9 % pour les autres. «L’agressivité la plus élevée est associée à un déclin plus rapide de la fonction respiratoire, et cet effet persiste et reste significatif pour le Vems, dans des modèles multivariés, mais est atténué pour la capacité vitale», constatent les auteurs. Ils précisent que chaque augmentation d’une déviation standard sur l’échelle d’agressivité s’accompagne d’une perte d’environ 9 ml/an sur le Vems.
Conscients de l’importance d’autres facteurs, dont la cigarette, sur l’altération des fonctions respiratoires, les médecins américains ont ajusté leurs résultats selon le tabagisme et d’autres facteurs de mode de vie. Après ces correctifs, la relation mise en évidence persiste, même si elle est un peu atténuée pour les deux constantes considérées.
Quant à fournir une explication, il ne peut y avoir que des hypothèses. Des travaux antérieurs ont suggéré une relation entre l’agressivité et les fonctions immunitaires, par le biais de phénomènes inflammatoires chroniques. D’autres études ont mis en avant des processus neuroendocriniens, à type de modification des taux de cortisol ou d’altération de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Enfin, d’une façon plus générale, il ne faudrait pas négliger l’impact de ce type de comportement sur la santé.
Dans un éditorial accompagnant l’article, P. Lehrer (New Jersey) rappelle que corrélation n’implique pas causalité. Il ajoute qu’il est difficile de trouver une affection dans laquelle, à quelque niveau que ce soit, l’émotion ou le stress ne joue pas un rôle.
« Thorax », 2 août 2006.
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