LES OPPOSANTS à la convention (MG-France, FMF, Espace Généraliste, Uccmsf) ont perdu une bataille ; mais ils ne renoncent pas à leur objectif d’une renégociation générale de la convention.
La décision du Conseil constitutionnel de ne pas annuler l’article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) réservant le droit d’opposition aux seuls syndicats représentatifs a quelque peu douché l’enthousiasme des « anti » ( « le Quotidien » du 18 décembre). La censure tant espérée de cette disposition aurait validé leur stratégie de blocage de tous les avenants conventionnels élaborés en leur absence, conduisant à une paralysie durable du système.
«On a pris une grosse claque», convenait, amer, un des leaders du front du refus.
Ainsi privés de leur droit d’opposition, les adversaires de la convention doivent adapter leur stratégie. Le coup est d’autant plus rude que reprennent dès demain les négociations conventionnelles entre l’assurance-maladie et les organisations signataires (Csmf, SML et Alliance), qui ont désormais quartier libre pour faire avancer les principaux dossiers. De ce point de vue, les opposants n’ont perçu aucune avancée lors de leur récente «rencontre de travail» avec la Cnam. «Les discussions engagées restent formelles alors que la situation s’aggrave avec une crise démographique majeure et une dégradation de l’accès aux soins», affirment les quatre syndicats dans un communiqué.
Entretenir la dynamique.
Comment exister dans ce contexte ?
Dans un premier temps, il s’agit, pour les opposants, de ne pas fragiliser l’unité d’action et de mobilisation issue du résultat aux élections professionnelles (60 % des suffrages généralistes ont été accordés à des syndicats hostiles à la convention). Désormais constituées en «intersyndicale majoritaire»,les quatre organisations ont décidé de se revoir rapidement pour relancer la dynamique et examiner les pistes de contestation possibles.
MG-France a proposé aux opposants d’organiser localement des états généraux de médecins généralistes auxquels il reviendrait de décider les conditions de mise en oeuvre de l’ «équité tarifaire entre toutes les spécialités médicales». Le syndicat souhaite que ces assemblées générales «unitaires» se réunissentrapidement,département par département, et même «secteur par secteur», pour arrêter les modalités de la riposte .«L’injustice est le carburant des révoltes, analyse le Dr Martial Olivier-Koehret, successeur de Pierre Costes à la tête de MG-France. Puisqu’il n’y a aucune traduction des attentes majoritaires des confrères dans la convention, il faudra aller chercher les choses sur le terrain. Nous soutiendrons toutes les initiatives.» Outre la question tarifaire, centrale, la démographie médicale et la situation des médecins référents constituent deux dossiers susceptibles d’entretenir la mobilisation. «Le résultat des négociations (conventionnelles) orientera nos décisions»,concède le président de MG-France, qui réunira un comité directeur fin janvier.
Le Dr Jean-Paul Hamon, chef de file de la FMF-Généralistes, est partisan d’un durcissement. «Puisque le vote majoritaire est bafoué, nous devons imposer un bras de fer aux pouvoirs publics, explique-t-il. Rien n’est exclu: refus des tâches et des surcharges administratives, mouvement tarifaire, harcèlement des caisses, gel des formations sur la grippe aviaire... Il y aura un moment où ils devront s’intéresser à nous, la campagne se rapproche.»
Il dénonce la «mascarade» des négociations avec la Cnam «dans lesquelles la majorité des généralistes sont privés de parole alors que le syndicat Alliance a droit de signature».
Sans être «va-t-en guerre», Claude Bronner, président d’Espace Généraliste, qui réunira une assemblée générale le 29 janvier, rappelle qu’il est parfaitement possible de «pourrir la vie» des pouvoirs publics ; le mécontentement des médecins «ne retombera pas», pronostique-t-il, car «leur quotidien paperassier reste insupportable». Xavier Bertrand devrait néanmoins annoncer rapidement une série de mesures de «simplification administrative», censées alléger l’exercice des médecins généralistes.
Cinq ans après le mouvement unitaire de 2002, une fronde de la médecine générale est-elle imaginable ? Du côté des opposants, certains estiment, mezza voce, qu’il ne serait pas judicieux de lancer une rébellion tarifaire au moment où la convention devra préciser le calendrier d’augmentation du C à 22 euros puis à 23 euros en 2007.
La place forte des Urml.
Quant à la stratégie d’une contestation «de l’intérieur», qui consisterait à signer la convention actuelle pour peser davantage, elle a été évoquée à plusieurs reprises. Mais elle est pour l’instant écartée aussi bien par MG-France que par la FMF (malgré les pressions répétées de la Cnam sur cette dernière organisation).
Les nouvelles assemblées des unions régionales de médecins libéraux (Urml) constituent un autre poste de vigie des syndicats opposants. Grâce au jeu des alliances, la FMF a obtenu la présidence de treize Urml. A son initiative, une Union nationale des médecins libéraux (Unml) a été mise sur pied (« le Quotidien » du 13 décembre). Une situation qui devrait permettre aux adversaires de la convention de jouer leur partition sur l’évaluation des pratiques professionnelles, la gestion de la transmission des données et la mise en place du dossier médical personnel.
Sommation des anesthésistes au ministre
Las de ne voir aboutir aucune de ses revendications, le Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France (Snarf) adresse un avertissement aux pouvoirs publics.
Faute de progrès sur les dossiers en souffrance, les anesthésistes libéraux vont se rallier au mot d’ordre de l’Umespe (« le Quotidien » du 8 décembre) et démissionner dès le 1er janvier de leurs fonctions transversales. Dans les cliniques, les comités de lutte contre les infections nosocomiales, contre la douleur (Clin et Clud) et toutes les vigilances en général vont donc devoir se passer des anesthésistes. Il ne s’agit pas d’une vaine menace, précise le Dr Michel Lévy, président du Snarf, dans la mesure où ce sont très majoritairement «des anesthésistes qui prennent en charge ces transversalités».
Si cela ne devait pas suffire, le Snarf a d’ores et déjà prévu une deuxième salve de protestations sous la forme d’une cessation d’activité d’anesthésie ciblée pour les actes de chirurgie.
L’impatience des anesthésistes se cristallise aujourd’hui autour de six dossiers. L’un est assurantiel, les anesthésistes demandant «l’égalité de prise en charge» de leurs primes de RCP avec les autres spécialités à risque (« le Quotidien » du 13 décembre). Les cinq autres relèvent du domaine tarifaire. Il s’agit du secteur optionnel, de la cotation de l’analgésie postopératoire par cathéter périnerveux, de la revalorisation à 25 % de la majoration pour l’exercice de l’anesthésie dans une seule salle (dite modificateur 7), de la réévaluation du coût de la pratique pour les anesthésistes recrutant des Iade (infirmiers anesthésistes diplômés d’Etat) et de la révision vers leur valeur cible des actes dits gagnants dans la nomenclature.
Sur tous ces points, le Snarf s’indigne : «Les engagements du ministre de la Santé» restent lettre morte. «La liste de nos doléances est longue, reconnaît le Dr Lévy, mais il y a tout de même quelques poussières sous le tapis.»
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