L'ÉTUDE E3N est un travail prospectif en cours dans une cohorte de femmes membres de la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN) ; elle a pour objectif d'examiner les associations entre le risque de cancer, l'alimentation et la reproduction.
Pour leur recherche sur les acides gras (AG) trans, Véronique Chajès, Françoise Clavel-Chapelon et coll. ont utilisé les prélèvements sanguins et les questionnaires détaillés sur la composition de l'alimentation de 19 934 femmes parmi les 100 000 suivies dans la cohorte E3N.
Dans ces échantillons de sérum, les chercheurs ont évalué des phospholipidiques du plasma qui représentent des biomarqueurs de la consommation d'AG trans et d'AG oméga 3.
Pendant la période de suivi, qui a duré sept ans, 363 cas incidents de cancers du sein invasifs ont été enregistrés dans ce groupe. Pour ces femmes, on a comparé les taux sanguins de phospholipides avec ceux de femmes n'ayant pas eu de cancer du sein et choisies comme témoins (deux témoins pour chaque cas). En faisant une analyse selon les acides gras monoinsaturés cis (non manufacturés) et trans (manufacturés), les chercheurs montrent que les femmes dans le quintile des taux sanguins les plus élevées en acides gras trans ont un risque de cancer du sein presque doublé comparativement à celles qui sont situées dans le quintile des taux les plus bas.
L'exemple du Danemark.
«A ce stade, nous ne pouvons que recommander une diminution de la consommation de produits manufacturés, source d'acides gras trans d'origine industrielle. Il conviendrait en particulier de limiter les procédés industriels générant des acides gras trans (huiles végétales partiellement hydrogénées) encore utilisés, ainsi que cela a été entrepris au Danemark depuis quelques années. En matière de réglementation concernant l'étiquetage des produits manufacturés, la quantité d'acides gras trans devrait être clairement indiquée», conseillent les chercheurs.
Hydrogénation partielle des huiles végétales.
Ces acides gras trans ne sont pas synthétisés par l'organisme humain, explique au « Quotidien » Véronique Chajès. Il y a deux origines à ces acides gras dans l'alimentation : une source animale (on les consomme dans le lait, les produits laitiers et la viande), car il y a une hydrogénation dans le rumen des ruminants, le principal étant l'acide vaccénique. A part la source bovine, les acides gras trans n'existent pas dans la nature et la seconde source est d'origine technologique, le principal est l'acide élaïdique. Les acides gras trans sont formés par hydrogénation partielle des huiles végétales, un processus qui est utilisé pour réduire l'insaturation des acides gras et les rendre moins sensibles à l'oxydation, dans le but d'accroître leur conservation. Au cours de ce processus, il se produit une isomérisation inhérente au procédé industriel, avec un passage de la forme cis à la forme trans (de lévogyre à dextrogyre).
Les acides gras trans sont retrouvés dans tous les produits manufacturés : pain industriel, céréales, gâteaux secs salés et sucrés, pizzas, soupes déshydratées, chips, viennoiseries, margarines industrielles (voir les recommandations de l'AFSSA d'avril 2005 sur les « risques et bénéfices pour la santé des acides gras trans apportés par les aliments »).
Comme il est difficile de séparer de l'ensemble des isomères, on n'a séparé que ceux d'origine industrielle, et on ne possède pas de marqueurs des produits laitiers. Il n'y a donc pas de conclusion les concernant. Enfin, ces travaux ne mettent pas en évidence d'effet protecteur des acides gras oméga 3 d'origine marine sur le cancer du sein.
La législation.
Comment savoir ce que contient le produit que l'on achète ? Actuellement, en France, cela n'est pas possible, la législation n'obligeant pas à mentionner les quantités d'acides gras trans sur les étiquettes. Et leurs taux dans les graisses utilisées par l'industrie sont très variables. Le Danemark, suivi par les Etats-Unis et le Canada, oblige à limiter à 2 % des lipides totaux le taux d'acides gras trans. Il faut espérer que l'exemple va être bientôt suivi par la France.
Les effets défavorables des acides gras trans sur le risque cardio-vasculaire sont connus depuis les années 1990, mais leur impact sur le risque de cancer du sein restait à définir, expliquent les auteurs.
Unité de recherche CNRS-IGR-université Paris-Sud FRE « Stabilité génétique et oncogenèse ».
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