«UNE PERSONNE sur deux fait l’expérience d’une insomnie au cours de son existence», regrette Yvan Touitou (biochimie, Pitié-Salpêtrière, Paris), vice-président de l’Académie nationale de pharmacie et membre de l’Académie de médecine. Chroniques ou occasionnels, les troubles du sommeil concerneraient 30 % des adultes, soit près de 6 millions de personnes. Sur le plan épidémiologique, l’insomnie touche un quart de la population générale et, dans 20 % des cas, s’accompagne de sérieuses perturbations dans la vie active et professionnelle.
Banalisés ou purement et simplement ignorés, les problèmes liés au sommeil n’attirent pas suffisamment l’attention en consultation. Hallucinations, déficits attentionnels, retrait social, hyperactivité, syndrome des jambes sans repos sont des clignotants qui donnent pourtant l’alerte.
Hélène Bastuji, qui pilote la fédération regroupant cinquante unités d’exploration et de traitement des troubles du sommeil, confirme la difficulté du repérage. «Comment détecter le faux insomniaque? Qu’est-ce que le syndrome de la nuit blanche?» Le diagnostic reste délicat, ce qui explique, selon elle, «que, dans 80% des cas, des médicaments mal adaptés aux problèmes de sommeil soient prescrits». Il y a un an, l’assurance-maladie indiquait d’ailleurs que la prise régulière d’hypnotiques était contraire aux RMO (références médicales opposables) dans 40 % des cas. Yvon Touitou insiste : «Cinq psychotropes, deux hypnotiques, deux anxiolytiques et un antidépresseur figurent parmi les 25médicaments les plus prescrits en France.» Et l’assurance-maladie confirme que chaque année près d’un quart de la population protégée par le régime général bénéficie du remboursement d’un médicament psychotrope. Malgré ses conséquences médicales, sociétales et économiques, l’insomnie, considérée comme un symptôme banal, reste sous-traitée en pratique clinique.
Le bon sens avant tout.
Les réponses utiles ne semblent pas toutes d’ordre thérapeutique. Quelques réflexions sur les techniques comportementales permettent aujourd’hui aux académiciens d’affirmer que de grands progrès pourraient être réalisés à moindre frais dans les maisons de retraite. Parmi les solutions évoquées, Hélène Bastuji insiste sur quelques idées toutes simples. Par exemple, «réduire le temps passé au lit, voir plus souvent la lumière du jour et prendre les repas avec régularité et aux bons horaires», car, estime-t-elle, on mange beaucoup trop tôt dans les maisons de retraite et la consommation de médicaments y est trop importante.
Pour les plus jeunes, la sieste de quinze minutes – que le ministre de la Santé pourrait recommander dans le plan Sommeil lancé au début de 2007 – serait efficace. Et pour les voyageurs, le décalage à partir de trois fuseaux horaires mériterait deux jours de préparation. Yvan Touitou affirme enfin que «le décalage entre heure d’été et heure d’hiver ne sert strictement à rien dans le bon fonctionnement de l’horloge biologique».
Une formation s’impose.
On sait aujourd’hui qu’il existe quelque 140 pathologies du sommeil. D’ordre neurologique, fonctionnel ou bien liées à des facteurs extérieurs comme l’anxiété, la dépression, la douleur, les jambes sans repos, ces pathologies nécessitent un diagnostic approfondi. La centaine d’unités d’exploration et de traitement des troubles du sommeil, ou centres du sommeil, qui existent au sein des hôpitaux, proposent un enregistrement des mouvements permettant de poser un diagnostic précis et d’identifier clairement l’origine du problème.
Le Pr Pierre Ambroise-Thomas, vice-président de l’Académie médecine, reconnaît pour conclure que «le niveau de formation des médecins et des pharmaciens, aussi bien dans les études qu’en postuniversitaire, reste bien trop faible pour sensibiliser le corps médical aux techniques et aux thérapeutiques disponibles». Il dénonce aussi le manque de moyens de la recherche sur les troubles du sommeil. Très peu soutenue financièrement, cette recherche se poursuit pourtant dans le domaine militaire. «L’armée s’intéresse à l’approche pharmacologique de la désynchronisation du rythme veille-sommeil en milieu militaire et sportif», explique Didier Lagarde, de la direction centrale du Service de santé des armées, qui précise que «l’administration de produits visant à modifier la performance devient vitale en cas de conflit» et mérite donc de plus nombreux efforts de recherche.
La liste des centres de sommeil agréés par la Société française de recherche sur le sommeil est disponible à l’adresse : www.institut-sommeil-vigilance.org/public/troubles/carte_isv.swf.
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